Nous sommes au pays des Marigots-du-sud. Un vent nouveau souffle. Les toubab, anciens dirigeants, lèvent l’encre et lèguent le pouvoir politique aux dirigeants Noirs. Le pays est dans l’effervescence des campagnes électorales. Pour la première fois, le peuple allait élire lui-même celui qui le dirigera. Les tractations se font dans l’ombre. Deux partis politiques émergent : le Parti Social de l’Espoir (PSE) et le Parti des Travailleurs (PT). Plus le temps passe, plus les magouilles du PSE vont bon train aux dépens du PT qui trime sous les crocs-en-jambe de Baré-Kounlé (baron du PSE), et de ses partisans. Il veut à tout prix accéder au trône. Pour satisfaire sa soif, il ne recule devant rien.Tout obstacle est balayé, toute menace, mise hors d’état de nuire. Le PT perd progressivement tous les droits et est tenu de renoncer au duel au risque de perdre sa vie.Le combat était gagné d’avance.
Après les élections, truquées en faveur du PSE, Baré-Kounlé prend les rênes du pouvoir et se proclame Messie-koi. Son parti devient l’unique auquel chaque citoyen devait appartenir pour survivre. La liberté perd son sens. Le culte de personnalité se développe et s’impose. Le peuple est astreint à payer de lourds impôts. Dans les villes, les villages et les campagnes, un comité messikoique assure les intérêts du Père de la nation. Les mots comme injustice, droits du citoyen, liberté de pensée et d’expression une fois prononcés coûtaient la vie. En clair, le peuple vivait sous un pesant fardeau et ce,au nom du patriotisme et de l’indépendance !
Les opposants sont arrêtés, torturés et tués dans de plus horribles conditions.Les rescapés du PT, seuls antagonistes dont le docteur Malêkê, Mellé Houré et Ben Na sont traqués jusque dans leur dernier retranchement. Mais ils luttaient toujours. Ben Na en perdra la vie, succombant aux tortures des miliciens-messikoistes. Mellé Houré est obligé de s’exiler. Seul le docteur Malêkêose manifester ouvertement son opinion sur le régime messikoique. Au milieu du peuple apeuré, terrifié, affamé, souffrant et mourant, il est l’étoile qui malgré tout, présage un avenir prometteur.Progressivement, le peuple prend conscience de sa souffrance.Longtemps brimé, il en avait marre !Dans les coulisses, une révolution populaire se fomente, la délivrance est imminente.
Cependant, alors que se trament des plans pour mettre fin à sa tyrannie, le Messie-koi, cherche à renforcer son despotisme. Mais le peuple en avaitras-le-bol. De vigilants hommes, soucieux du bien de leurs compatriotes le surprennent, et par le concours d’un instant, le tout puissant Messie-Koi est renversé. Lui le vénérable Père de la nation, lui le prophète, l’envoyé des dieux, le voilà remis au peuple pour être jugé. Les rôles s’inversent et c’est de cette manière que fini un régime qui a fait trembler terre et ciel, et qui a fait couler le sang comme l’eau aux alentours des Marigots-du-sud. Mais l’on ne saurait parler de ce livre sans évoquer Bohi-di
Alioum Fantouré nous présente également dans son ouvrage un personnage, qui de bout en bout traverse toute l’histoire du roman. C’est Bohi di, un pauvre paysan que la misère et la quête de mieux être fait passer d’une vie à une autre, errant d’une ville à une autre, dans un pays secoué d’abord par le venin d’un colonialisme déclinant, ensuite par la misère d’un pays en pleine transition et enfin par le joug d’un pays régit par des dirigeants dictatoriaux. Bohi di vit successivement trois périodes toutes marquées par la souffrance, le manque et la peur du lendemain. Mais dans un monde aussi immonde, il fraie son chemin et à travers ombres et lumières parvient à se construire et même à lutter pour la liberté et la vraie indépendance.
Par le personnage de Bohi di, l’auteur nous peint le visage de l’un de ces centaines de millions d’hommes anonymes du Tiers-Monde, honnêtes travailleurs mais qui vivent au quotidien, misère et mépris, faim et soif, toutes sortes de brimades et d’injustices, et qui au final demeurent pauvres sans voix, opprimés par les fort.
Dans ce livre, Alioum FANTOURE met en lumière deux réalités de l’Afrique nouvellement indépendante. On y voit premièrement le théâtre politique de la plupart des pays africains représenté sans faute. C’est une illustration des failles de l’exercice du pouvoir au début des indépendances africaines : les élections truquées, les abus d’autorité, les magouilles politiques pour accéder au pouvoir… En somme, c’est la soif inextinguible du pouvoir de certains dirigeants politiques qui est mise à nue. Malheureusement ce temps refuse d’être révolu !!!
En second ressort, il y a le non-respect des promesses électorales : l’application de la démocratie, l’abolissement de la discrimination surtout sur le champ de l’emploi, la promesse de l’éradication de la pauvreté par la promotion de l’emploi toutes ces belles paroles n’étaient que des moyens pour se faire élire. La pauvreté s’était plutôt accrue avec l’arrivée au pouvoir du Messie-koi et les libertés individuelles foulées au pied. A quand la fin de ces comédies au sommet de nos Etats?
Titre : Le cercle des tropiques.
Auteur : Alioum FANTOURE.
Genre: Roman.
Editions : Présence africaine, 1972.
Pages : 311.
Chabi Goni Expédit est en deuxième année de philosophie au Grand Séminaire Saint Paul de Djimé. Il aime la musique et la littérature.