« Plus le malheur est grand, plus il est grand de vivre. » Prosper Crébillon
« Changer l’eau des fleurs » débute lentement, sans toutefois être ennuyant. Très rapidement, on reconnaît le style placide et impénétrable de Valérie Perrin. Elle ne laisse rien transparaître de l’intrigue qui, tout de même, se trame.
C’est le récit du quotidien de Violette, gardienne de cimetière. Une vie bien remplie, pleine de sens, d’humour aussi. Au milieu des fossoyeurs, des employés des pompes funèbres, du curé, des visiteurs du cimetière et de ses animaux de compagnie. On s’étonne qu’il y ait autant de vie dans un milieu funèbre. On se serait attendu à une ambiance des plus moroses. Mais il n’en est rien. Et le plus impressionnant, c’est qu’en réalité, ce cimetière est un véritable lieu de renaissance pour Violette. Car hors de là elle était morte. La vie, celle qu’on nommerait la vraie, ne lui a pas fait de cadeau. Née sous X, l’existence de Violette a été une recherche continuelle de l’amour sous toutes ses formes, parents, frères, sœurs, amis, compagnon de vie, etc. Ce désir très fort en elle et sa peur congénitale de l’abandon l’ont hélas menée à faire des choix qui ont eu un grand impact sur sa vie. Mais malgré le destin qui n’a pas été tendre avec elle, Violette a tout de même eu la chance de rencontrer des personnes formidables, qui sans changer son passé, ont donné un sens nouveau à son devenir.
En dépit des drames de la vie de Violette, on ne tombe jamais dans le pathos. Sa douceur et sa sensibilité nous empêchent de nous apitoyer sur son sort. On compatit mais jamais on ne s’apitoie. Pourtant, on aurait des raisons de le faire. Car on vit sa solitude avec elle, son quotidien banal, sa déception sentimentale aussi, puis le grand drame de sa vie. Mais Valérie Perrin excelle dans l’art du récit qui touche, émeut, bouleverse sans ébranler.
Tout au long du roman, plusieurs histoires s’entremêlent, mais toutes sont liées à Violette. Presque toutes parlent d’amours, parfois impossibles, toujours authentiques. On est témoin de situations qui souvent nous font plonger au fond de nous-mêmes, nous questionnant sur le sens de notre vie, nous faisant revisiter notre propre histoire. Loin de l’amour de notre vie, qu’est notre existence peut-elle devenir ? Que ferions-nous différemment si nous pouvions recommencer ? Nous affranchirions-nous des conventions sociales ? Oui ? Pourquoi ne le faisons-nous pas dès maintenant ? Restons-nous dans une situation inconfortable par peur du changement ou par conviction que nous ne valons pas mieux ? Sommes-nous réellement conscients que nous n’aurons pas d’autre vie ? Etc.
En découvrant l’histoire des autres protagonistes, on continue de penser à Violette. Car c’est une femme attachante et au grand cœur. Même si elle n’en est pas consciente, elle a choisi l’amour en toutes circonstances. L’amour avec un grand A, le vrai, l’authentique, celui qui ne demande rien mais qui donne tout. Celui qui pardonne au-delà du raisonnable. C’est d’ailleurs la culture de ce noble sentiment qui permettra sa rencontre du grand amour de façon inattendue, inopinée, insoupçonnée. Mais notre Violette si amochée par la vie parviendra-t-elle à surmonter ses craintes pour enfin s’autoriser à aimer et être aimée?
Annie-Josiane Sessou