Étude comparée entre « Dieu, cet apprenti sorcier » et « Goli »

Étude comparée entre « Dieu, cet apprenti sorcier » et « Goli »

     

Plan

Introduction

I- Présentation des auteurs et leurs œœuvres

1-Camille Amouro et « Goli »

2-Mahougnon kakpo et « Dieu, cet apprenti-sorcier »

II- Dramaturgie et poésie dans un monde en dégénérescence :

1-Cas de « Goli »

2-Cas de « Dieu, cet apprenti-sorcier »

3-Etude comparée des deux pièces

Conclusion

Références bibliographiques

 

Introduction

La littérature comparée en tant que discipline d’analyses méthodiques par excellence, de recherches de liens d’analogie de rapprochement des littératures d’autres domaines de la connaissance ou des faits et les textes littéraires entre eux, se révèle une approche de la littérature en chantier de construction. Ainsi, une étude analogique de deux œœuvres littéraires consiste à faire une analyse comparative des dites œœuvres. S’inscrivant dans cette logique, nous étudierons la dramaturgie et la poésie dans un monde en dégénérescence dans « Goli » de Camille Amouro et « Dieu, cet apprenti-sorcier » de Mahougnon Kakpo. Pour y parvenir, nous  étudierons,  dans ces ouvrages, la dramaturgie et la poésie, après avoir présenter les auteurs et leurs œœuvres.

I- Présentation des auteurs et leurs œuvres

1- Camille Amouro et « Goli »

√ Camille Amouro

Né le 26 juin 1963 à Boukoumbé au Bénin, Camille Amouro fit ses études secondaires et supérieures en Lettres Modernes respectivement à Cotonou et à l’Université Nationale du Bénin.  Ensuite, il suivit plusieurs stages d’entrepreneur culturel en Afrique et en France. Boursier de la Fondation Beaumarchais, il a bénéficié, en 1990, d’une résidence d’écriture à Limoges dans le cadre du Festival International des Francophonies. Il est poète, dramaturge et metteur en scène. Amouro a publié de nombreux poèmes dans les revues Prométhée, La Plume, Ecritures nouvelles et Après-demain. En décembre 1993, il devint directeur de la Médiathèque des Diasporas, un espace culturel installé depuis janvier 1990 à la Place du Souvenir (ex Place des Martyrs) à Cotonou. Son travail de création dramaturgique tourne dès lors autour de la promotion du Salamè, forme d’expression humoristique propre au peuple du Golfe du Bénin. C’est évidemment ce qui lui a permis le titre de Salamê.

 Les écrits de Camille Amouro

 – Miagbadogo (recueil de poèmes). Cotonou: Editions Camoura, 1988.

Goli (théâtre). Canières (Belgique): Editions Lansman, 1991.

 – Les rescapés de l’anti-univers (1988), — Retour auxsources (1989),

La traversée (1990),

Conférence de presse du premier ministre sur les tenants et aboutissants de la nouvelle démocratie (1991),

Guadalupe (1993),

La femme du président (1993),

Le retour des rapaces (1993),

Les enfants de Kigali (1994).

Salamê et communication, Cotonou, Diasporas

« Goli » in Salamê

La pièce « Goli » se déroule en trois temps: un matin, un midi et un soir, qui en sont la structure. Elle relate les actions révolutionnaires de Lawin Jagun, un jeune diplômé en Énergie scolaire à Paris. Retourné dans son Goli natal, il se confronte à la misère de la masse et la <<mauvaise foi>> des autorités politco-administratives. Lawin conçoit, d’abord, un projet de mariage avec Déborah, la sœur utérine d’Olulu, le chef de Goli. En un rien de temps, il réveille le peuple à une prise de conscience en sensibilisant les femmes de son milieu, en convainquant les hommes et en faisant affront au maire et au député de Goli. Cet outrage lui a coûté la vie par un accident artificiel malgré le fait qu’il ait échappé à la première tentative d’arrestation grâce au chauffeur du ministre. Ainsi, tombe à l’eau son projet de mariage et de destitution du régime politique de son pays  à cause de sa fin tragique.

  • Etude thématique

 Cette pièce se donne comme un recevoir de plusieurs thèmes. On peut  citer entre autres

 Le militantisme

Il peut se définir comme une attitude d’une personne qui lutte, combat pour une idée, un parti, une cause. C’est le zèle dont fait preuve un miliant pour rallier des personnes autour d’une idéologie ou une cause. Goli se veut un théâtre d’actions révolutionnaires en vue de renverser le régime politique en place. Nous devons ces actions au personnage de Lawin. Dans l’œuvre, on peut citer en illustration : « […],Vive la liberté. Nous organiserons l’histoire de ce peuple comme des mères de famille.»(p.154) ; « Il a rencontré tous les mécontents »

( p.155); « il menace de destituer tout le conseil municipal : toi, le député, et même Olulu dont il veut épouser la sœur »(p.158).

C’est ainsi que Lawin a suscité et réveillé le peuple endormi par les autorités politiques.

 La promotion de la femme

Il s’agit de  l’élévation de la femme à un grade, à une dignité supérieures et de lui accorder les mêmes possibilités qu’ont les hommes dans la gestion des ressources humaines et matérielles. Lawin, avant de commencer son projet de reformer son pays, s’est lié d’amitié avec la jeune étudiante Déborah. Ensuite, il insinue que ce travail <<revient aux femmes>> et <<les femmes ont sorti leur civilisation de la décadence >>(p.146).

 La misère des masses

C’est la condition, l’état, la privatisation des choses nécessaires à la vie devant lesquelles fléchissent les populations. La pièce Goli en est une illustration. Ainsi, retrouve – t-on les jeunes diplômés sans emplois. Ce qui se traduit à travers les phrases suivantes: « Et comme je serai chômeuse […]» (p.147); « […] la misère enrage le monde. Tout le monde devient fou.»(p.152).

2- Mahougnon Kakpo et Dieu, cet apprenti-sorcier

    Mahougnon Kakpo

Poète, dramaturge, critique littéraire,  nouvelliste et conteur, Mahougnon Kakpo est né à Bopa en 1965. Il obtint son doctorat après ses études primaires et secondaires. Professeur de littératures africaines francophones à l’Université d’Abomey-Calavi, il a consacré de nombreuses études à la poétique de la littérature orale sacrée en Afrique. Il répond actuellement au titre de ministre de l’enseignement secondaire au Bénin. C’est aussi un écrivain pluridimensionnel,  car il a publié plusieurs œouvrages et pratiqué  différents genres.

Ses œuvres

Il a écrit entre autres:

– Entre Mythes et Modernités :  dm, 1999 (essai)

– Introduction à une poétique de Fa, 2006 (essai)

– La petite fille des eaux, (collectif), 2006, (Roman)

Les épouses de Fa: Récits de la parole sacrée du Bénin, 2008 (Récits)

Si Dieu était une femme…, Anthologie de la poésie béninoise d’aujourd’hui, 2009 (Anthologie)

 – Voix et voie nouvelles de la littérature béninoise, 2011 (Critique littéraire)

Dieu, cet apprenti-sorcier suivi de Destin d’un Dieu, 2011 (Théâtre)

  • Résumé

      La pièce intitulée Dieu, cet apprenti-sorcier de Mahougnon Kakpo est structurée en quatre parties respectives : Premier Monde,  Deuxième Monde, Troisième Monde et Quatrième Monde. Elle traite de la déchéance économique d’un pays fictif appelé Marigot.

En effet, conscient de la dégénérescence économique et morale, les penseurs poètes Kandas et Hotep mènent une réflexion profonde sur la situation qui prévaut dans leur « Marigot ». De leur côté, Atchuta et Sokpossin envoyés  par Kpayo- Nubada se rendirent chez Adjakpa, le PDG du Garage des économies en panne pour lui adresser une demande d’hospitalisation de leur Marigot. Une demande à laquelle ce dernier a promis donner suite après l’avoir soumise à une commission ad’hoc. Ayant rencontré Adjakpa, Hotep lui fait savoir que ce sont les dirigeants du Marigot qui sont responsables de la situation économique que traverse le Pays. Une assemblée, par ailleurs, est organisée par les Sages pour trouver une issue favorable à la situation du Marigot. Une assemblée qui s’est soldée par le massacre des membres du conseil des Sages par Kpayo-Nubada, leur chef abusant des pouvoirs qui lui sont conférés. Terrifié par la voix de ses collègues massacrés, ce dernier s’écroule et s’éteint.

Étude thématique

Cette pièce aborde plusieurs thèmes par lesquels le dramaturge met en exergue l’incapacité de certains pays africains à mettre en place une politique économique adéquate et authentique pour leur développement. On  peut citer entre autres: la satire politique, la déchéance économique, l’assassinat.

 – La satire politique

En tant que discours ou écriture  de dévoilement des vices politiques, ce thème se lit à travers la plume du dramaturge béninois Mahougnon Kakpo dans la pièce objet de notre analyse. En effet, l’auteur à travers les personnages de Kandas et Hotep  qui se distinguent par la philosophie et la poéticalité de leurs discours, indexe les dirigeants politiques d’être responsables de l’instabilité économique qui sévit dans le Marigot. Ces dirigeants, en effet, usent des paroles mielleuses pour accéder au pouvoir. Mais, une fois qu’ils arrivent au pouvoir, ces derniers ne se soucient ni du développement économique du pays ni de la misère du peuple. Les passages tels que : << Ici est un orphelinat. Jamais, vous ne vous en souciez. Vous jubilez dans le malheur de ceux qui agonisent>> et << Au départ, dans ce marigot, ce furent des paroles de paille. Excellence! Oui! Excellence et changement étaient l’autre appât. La pêche fut fructueuse. Mais peu à peu, la pirogue commença à boire de l’eau. Et le Marigot gâta sous le poids de l’indiscipline, de l’improvisation>> (p.33). Ces propos d’Hotep en rendent bien compte.

La déchéance économique

  Ce thème se trouve dans la description de la situation qui prévaut au Marigot. En effet, à travers l’expression <<économie en panne>>, le dramaturge  souligne l’absence d’option économique adéquate pour le développement de certaines nations. Les propos Hotep sont illustratifs: << En ce moment-là, les nouveau-nés pouvaient encore sourire. Aujourd’hui, tous les autres marigots peuvent nous donner quelque chose sans que nous puissions leur offrir une aiguille ».

– L’assassinat:

Dans la pièce, ce thème est  manifeste  chez le personnage de Kpayo-Nubada. Ce dernier, en effet, porte atteinte à la vie des membres du conseil des Sages lors d’une assemblée. Il dit: <<c’est ainsi que corbillard tue ceux qu’il ne surveille pas ». On déduit qu’il est un assassin.

 II- Dramaturgie et poésie dans un monde en dégénérescence

 La dramaturgie recouvre plusieurs acception et peut-être définie comme  « l’art  de la composition des pièces de théâtre ». Au sens général, la dramaturgie est la technique de l’art dramatique qui établit les principes de construction de l’œœuvre dramatique. Elle présuppose un ensemble de règles spécifiques au théâtre et dont la connaissance est indispensable pour écrire ou analyser correctement une pièce de théâtre. Ses règles ont été élaborées par plusieurs théoriciens notamment Aristote dans La poétique (330 av. J.C). Boileau s’en est inspiré pour écrire L’art poétique au XVIIe siècle. C’est à cette époque que les règles essentielles de la dramaturgie ont été fixées. On  peut citer entre autre, la règle des trois unités (unité de temps, de lieu et d’action). Il faut aussi un théâtre (la scène), une histoire à représenter et un public. A ces critères, s’ajoute la structure intérieure de l’intrigue en trois parties (l’exposition, le nœud et le dénouement), et les didascalies qui sont des indications scéniques en vue d’orienter le metteur en scène. Notre analyse s’attèlera sur l’exposition, le nœud et le dénouement ainsi que le  dialogue et  les didascalies.

 Quant à la poésie, elle vient du grec « Poeïn » qui signifie créer, fabriquer, inventer. La poésie est l’art de fabriquer des vers à partir des mots. La poésie, outre l’expression musicale et cadencée de la pensée, privilégie l’expressivité de la forme, les mots disant plus qu’eux même par leur choix (sens et sonorité) et leur agencement (rythme, mesure et figures de rhétorique).

1- Le cas de Goli  in Salamê

La pièce de théâtre Goli se présente sous forme d’un spectacle de théâtre et les personnages fonctionnent comme des acteurs sur scène : « non je ne vais pas tout dire ici parce que ici ce n’est qu’un spectacle » ( p.147), « Les limites de ce théâtre, de cette scène […]» (p.166); « […], même le théâtre sur lequel nous sommes actuellement écoute »(p.151). Ces passages montrent clairement que les personnages sont en même temps des acteurs sur une scène en face d’un public.

Ensuite, on constate que l’espace de la pièce est Goli et le temps rassemble les trois moments d’une journée : un matin, un midi et un soir. On peut en déduire que l’unité de temps et d’espace est scrupuleusement respectée.  En outre,  au début de la pièce, le dramaturge a fait l’inventaire des personnages-acteurs de la pièce qui ont joué chacun un rôle dans la pièce. Quant à l’histoire jouée devant le public imaginaire, elle met en scène Goli, le milieu natal du personnage principal, Lawin, le jeune diplômé intègre et patriotique qui, revenant au bercail comme un pauvre Christ de Goli, sensibilise le peuple à une prise de conscience. Ce dernier ayant vu son Goli, un véritable monde en dégénérescence, un monde qui s’effondre, qui s’écoule sous le poids d’un régime politique ventilateur et fondé sur la mauvaise gestion des élus du peuple, s’engage immédiatement à renverser ou à briser le joug qui pèse sur les siens. C’est ce qu’ explique la phrase suivante : « il menace de destituer tous le conseil municipale : toi, le député et même Olulu dont il veut épouser la sœur.» (p.158). Ce militantisme, il l’a payé au péril de sa vie dans un accident prémédité.

On y rencontre également des didascalies qui ont rendu compréhensible l’émotion, les sentiments, l’action des personnage-acteurs. A titre illustratif, on peut citer : « extrêmement agité » (p.162), « elle sort tandis qu’entre Lawin » (p.160).

Par ailleurs, la pièce a respecté la structure classique de l’intrigue en ce sens qu’on pourrait repérer aisément l’exposition, le nœud et le dénoueme L’exposition va de la page 42 à la page 56. Elle présente les personnages-acteurs et les liens entre eux ; Lawin « le messie » qui ressuscitera le <<Goli mort>> ; son projet de mariage avec Déborah, le chœur et radio-trottoir. Ensuite, le nœud  est le point culminant de l’action de l’intrigue, c’est le minent où l’action est à son point fort. Il va de la page 157 à 175. Il met en exergue le conflit entre Lawin et les autorités de son pays. En réalité, Lawin mène une lutte acharnée contre la mort de Goli, le chômage, la dégénérescence de Goli, la misère des peuples ignorants et abrutis par les autorités sans cœur, ni âme.     Quant au dénouement, il couvre les dernières pages de pièces. C’est la chute de l’histoire, la fin de l’intrigue. Il peut être heureux ou tragique. La présente pièce s’achève par la mort du militant Lawin par la main agile de  l’ordre ministériel. On en déduit qu’il s’agit d’une tragi-comédie. Camille Amouro a mis en scène, en réalité, un monde en perpétuelle destruction qui chancelle et vacille sous la mauvaise foi des hommes politiques. On lit,  à travers sa plume, la société béninoise fondée sur le népotisme, la corruption de certains hommes d’Etat et  dirigeants politiques.

Cette pièce se veut également poétique. On y rencontre plusieurs figures et images poétiques surtout des figures de trope (synecdoque, métonymie, métaphore). Déjà à la page 146, l’auteur fait l’usage des métaphores telles que « le pays complétement dépéri », « tous les lieux écoutent ces temps-ci » (page 151).

2- Le  cas dans Dieu, cet apprenti-sorcier:

Dans cette pièce, les lexiques dramaturgiques (du théâtre) paraissent évidents.

L’exposition qui est généralement le début de la pièce s’étire de la page15 à la page 24. Elle prend en compte les personnages principaux, le début de l’intrigue et la tonalité de la pièce.

Le nœud de l’intrigue dramatique,  quant à lui, prend en compte le Deuxième et le Troisième Monde.  Car, ces deux « Mondes » présentent le problème de la déchéance économique et les démarches menées pour une issue favorable mais jusque-là, aucune solution n’est trouvée.

Le dénouement qui, par définition, regroupe les dernières scènes d’une pièce de théâtre couvre le Quatrième Monde et L’épilogue. À ce niveau, après la démarche menée par les autorités auprès d’Ajakpa pour solliciter son aide, on assiste à la tenue d’une assemblée entre les Sages.  Ladite assemblée fut soldée par un massacre.  Cette partie tragique est là où les péripéties engendrées par le nœud ont marqué, pour ainsi dire, la fin de la pièce.

Pour ce qui concerne l’acte, par ailleurs, on remarque que, contrairement aux pièces classiques qui sont, traditionnellement, composées de cinq actes subdivisés en scènes, Dieu, cet apprenti-sorcier est structuré en quatre différents Mondes à savoir: Premier monde, Deuxième monde, Troisième monde et Quatrième monde.

Il importe de souligner la présence de dialogue entre les personnages de la pièce sans oublier les indications scéniques données par l’auteur pour guider le jeu des acteurs (didascalies) qui sont écrites dans cette pièce en italique. Pour illustration, nous avons: « Hotep : apparemment menaçant. » p.21.

En dehors de ces lexiques théâtraux, on note une représentation théâtrale dans la pièce elle-même. Cette représentation se fait par les personnages eux-mêmes. On assiste alors à une représentation de spectacle dans la pièce écrite. Les personnages se prennent pour des acteurs sur scène en face d’un public et parfois  pour de metteur en scène. C’est ce à quoi on assiste dans  ces propos d’Ajakpa à la page 24. « Qu’ai-je entendu? Vous voulez gâter le spectacle ou quoi? Allez! La récréation est terminée par le spectacle contenu! Vous apprécierez tout à l’heure mesdames et messieurs lorsque ce sera mon tour de délirer ».

Poésie dans « Dieu, cet apprenti-sorcier »

 Bien qu’étant une pièce de théâtre, Dieu, cet apprenti-sorcier présente certaines expressions qui relèvent de la poésie.

C’est ce à quoi on  assiste à la lecture des propos des personnages tout au long de la pièce objet de notre étude. En effet, le dramaturge fait usage, maintes fois du catalyseur de la poésie qu’est la métaphore. Ainsi, chaque propos des différents personnages suggère et conduit le lecteur à la table de l’interprétation. Les répliques ci-dessous nous en donne raison: « Kandas: Et vous appelez ça comment? Tout est achevé, trouble. Sans dessus dessous. Je suis dans une mare de sang. Les amis de la mort commence à me mettre de l’akassa dans la tête ce sera la parole de la vie. Déjà, je pleure Aurore mienne.>>,  « Hotep: Ici, nul ne connaît l’endroit. Il est à l’envers. Le soleil est malade. Le jour aussi. Le vent. Et l’amour. Tous malades viraux. Bien! Cette femme, c’est moi qui la veux. Elle n’est pas encore mûre pour la poubelle. Elle a encore quelque parfum agréable, sauvable. Maintenant je sais : l’amour est une énergie gratuite » (pp.34-35). Empreint d’images, de métaphore, de lyrisme, de langage caché… sont de belles illustrations de passage poétique dans la pièce. D’ailleurs, dans l’exposition, l’auteur nous a clairement signifiés que Kandas et Hotep sont des poètes et philosophes.

3- Étude comparative

Les dramaturges Camille Amouro et Mahougnon Kakpo, ont, à travers leurs œœuvres théâtrales, jeté un regard satirique sur la société (monde) en dégénérescence. Ce faisant, ces auteurs créent une nouvelle esthétique poétisée. On pourrait donc parler de la modernité théâtrale ou la poétisation du langage dramatique. Au regard des analyses précédemment faites, ces deux auteurs se rejoignent, du point de vue thématique, génériques et esthétique.

Héritée du système colonial, la dramaturgie francophone béninoise a longtemps copié les traits caractéristiques du théâtre classique français. C’est ce genre de théâtre à la française qui a couronné les périodes coloniale et post-coloniale.  Cependant, à partir  des années 2000 à nos jours, le théâtre béninois a connu une révolution esthétique importante. Dans cet ordre d’idées, on peut mettre sur tapis les deux dramaturges Camille Amouro et Mahougnon Kakpo, respectivement avec leur œuvre, Goli et Dieu, cet apprenti-sorcier.  Ces deux pièces qui abordent la question de la faillite économique dans les pays pauvres due à l’incompétence des autorités politiques et administratives et celle de la marginalisation des jeunes dans les caniveaux du chômage constituent une mise en scène de théâtre devant un public fictif. Il s’agit, bien entendu, du théâtre dans le théâtre chez l’un et l’autre ou du moins le phénomène spectaculaire dans le texte dramatique.

D’abord, du point de vue paratextuel, l’un  se trouve dans l’ouvrage de l’autre et vice-versa. Mahougnon Kakpo serait l’instigateur du recueil de pièces Salamè de Camille Amouro : ‹‹La présente publication n’est pas mon initiative mais celle du professeur Mahougnon Kakpo […]›› (Salamè, la quatrième de couverture) et la pièce Dieu, cet apprenti-sorcier de Mahougnon Kakpo  devrait son titre à Camille Amouro: ‹‹ A Camille Adébah Amouro pour avoir écrit le titre›› ( Dieu, cet apprenti-sorcier, la dédicace). On pourrait en déduire que les deux dramaturges sont des amis de plume ayant élaboré, en symbiose, un projet d’écriture.

Ensuite, dans la construction du texte dramatique, les deux dramaturges nous offrent, dans une fusion des genres littéraires, le langage poétique dans le théâtre, la représentation  d’un monde en dégénérescence, des sociétés en dégradation fondées sur l’indiscipline et l’adaptation des régimes politiques sur le modèle occidental. On assiste sous leur plume à une esthétique atypique à travers le style, les symboles métaphoriques ( Goli est mort, ce Marigot est une passoire, etc.),  les images poétiques et lyriques et l’originalité dans la construction des thèmes et des personnages.

A y voir de près, les deux auteurs se sont entreglosés. Leurs constructions phrastiques sinon la sémantique des phrases se rapprochent ou se complètent. On peut repérer à titre illustratif:

– ‹‹ Nous sommes tous condamnés. Depuis l’instant où nous sommes nés.›› ( Goli, pp.148-149) et ‹‹ Vous êtes des condamnés obligatoires. Condamnés avant la naissance. Condamnés après la mort.›› (Dieu, cet apprenti-sorcier, p.17).

‹‹ C’est dur, l’amour, ces temps-ci››, (Goli, p.152), ‹‹ Le temps est malade›› (Ibidem, p.170) et ‹‹Le soleil est malade. Le jour aussi. Le vent. Et l’amour. ›› (Dieu, cet apprenti-sorcier, p.34), ‹‹ L’amour est une énergie gratuite.›› (Ibidem, p.35).

– Tu as juré que tu ne trahirais pas la révolution ›› (Goli, p.167) et ‹‹Votre attitude est une trahison ›› ( Dieu, cet apprenti-sorcier, p.44).

– ‹‹Ici quand les cocotiers décident de mourir…›› (Goli, p.170) et ‹‹ Tout le monde refusera de mourir aussi.›› (Dieu, cet apprenti-sorcier, p.45).

Considérant, les années de parution de chacune des pièces, Salamè (premier tome) en 2005 et Dieu, cet apprenti-sorcier en 2011, et en raison des relations transtextuelles et esthétiques qui lient les deux textes, on pourrait estimer que Mahougnon Kakpo s’est inspiré de l’œuvre de Camille Amouro pour écrire Dieu, cet apprenti-sorcier.

Toutefois, le texte de Camille Amouro est, du point de vue du mélange des genres, plus dramatique que poétique tandis que celui de Mahougnon Kakpo emploie un langage plus abstrait, plus poétique et hermétique  que dramatique.

Dans l’univers dramatique de Goli, le personnage de Lawin pourrait être le héros de la pièce dans la mesure où le personnage de Roland dans la Chanson de Roland représente le héros de cette œuvre. Il est, en effet, le personnage central de l’intrigue. A contrario, dans Dieu, cet apprenti-sorcier, la notion de héros semble difficile à repérer car aucun des personnages n’est au premier plan de l’intrigue de l’action.

En définitive, on assiste, dans les deux pièces jumelles, à un mélange de genres esthétiques, à ‹‹ la poétisation du langage dramatique››  à l’instar de la poésie dramatique des origines occidentales et africaines. Tout cela est inspiré de la détérioration des sociétés africaines en général et  de la dégradation de la situation socio-économique  et politique du Bénin en particulier. Ces deux pièces illustrent bien ce que Pierre Médéhouègnon a appelé les ‹‹ nouvelles tendances de la dramaturgie béninoise des années 2000 à 2011››. Aussi, va préciser Mahougnon Kakpo, il s’agit de la ‹‹ modernité théâtrale››.

 Conclusion

Ce travail nous a amené à une étude la dramaturgie et la poéticité dans deux pièces de théâtre: Goli de Camille Amouro et Dieu, cet apprenti-sorcier de Mahougnon Kakpo. Après les études et analyses comparatives entre ces deux ouvrages, on aperçoit que, du point de vue thématique, générique, et même esthétique les pièces se rejoignent. Cependant, quelques divergences remarquables  méritent d’être signalées surtout dans la manière de traitement des thèmes.

Deslmas AGBANGLA

Quelques citations

Références bibliographiques

 

– AMOURO, Camille, Salamê.

-KAKPO, Mahougnon, Dieu, cet apprenti-sorcier.

– Voix et voies nouvelles de la littérature béninoise, (Sous la direction de), Cotonou, Éditions des Diasporas, 2011.

 

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