» Il faut battre l’amour quand il est fou », Jean-Paul TOOH-TOOH

 » Il faut battre l’amour quand il est fou », Jean-Paul TOOH-TOOH

Introduction

Elle est noble, cette mission que s’assigne André Gide : « Inquiétertel est mon rôle« . Si le sien est d’inquiéter, celui de l’écrivain n’en est pas loin, car il comprend aussi la nécessité de dénoncer les tares de la sociétés. Abordant diverses thématiques parfois inhérentes à la condition humaine, il use des règles et des principes des genres littéraires à leurs portée pour s’affirmer. Jean-Paul TOOH-TOOH fait partie de ces créateurs d’images et de leçons dans les pensées avec sa plume. Slalomant entre poésie et théâtre, l’auteur d’origine béninoise reste fidèle à son rôle d’écrivain à travers l’ouvrage « Il faut battre l’amour quand il est fou« . Mais avant tout propos, il nous semble utile de présenter cet auteur qui trouve partout l’amour et le trouve fou, même dans les entrailles du sexe…

 

 

1- Un mot sur l’auteur

De Jean-Paul Toh-Toh, voici ce que disent les gens : « Jean-Paul M’Bello Tooh-Tooh est né dans les entrailles enchanteresses d’Agoué (Bénin). Titulaire d’une maîtrise en lettres modernes, sa poésie est empreinte de négritude et d’un retour aux sources non pas aveugle, mais lucide et propice au progrès des peuples. Auteur des Serveuses de fantasmes et de Il faut battre l’amour quand il est fou, Jean-Paul M’Bello Tooh-Tooh est aussi nouvelliste et dramaturge. » [1] Mais voici comment l’homme se dit et se définit lui-même «  C’est depuis le collège que je lisais beaucoup. C’est un exercice qui m’a toujours charmé. J’allais en vacances chez ma tante, et  là-bas, je voyais déjà des étudiants qui s’adonnaient à la chose. Et ça m’a plu aussi. Déjà en 6è et 5è, je lisais beaucoup. Et quand je passais de la 6è en 5è, il y avait des prix, des remises de prix que l’établissement organisait. Et comme je faisais partie des meilleurs, j’étais premier de ma classe, on m’a offert un lot de fournitures. Dans le lot, il y avait beaucoup de livres, des romans, des recueils de nouvelles. Je peux même en citer : il y a « La femme du  mari inconnu » d’Edgar Okiki Zinsou que j’ai beaucoup lu. C’est à partir de là que j’ai commencé par développer des aptitudes d’homme de lettres que je suis aujourd’hui. Cela s’est affiné avec le temps. Déjà en classe de troisième, si j’ai bonne mémoire, j’ai commis ma première nouvelle. Je ne me souviens plus du titre. Mais c’était une nouvelle que je faisais lire à tous mes professeurs qui, m’encourageaient, me corrigeaient, m’orientaient en fait. Entre-temps, je militais beaucoup dans ce  qu’on appelle, « les sections ». C ’est-à-dire que par semaine, on dédiait deux heures pour des activités culturelles.  J’y étais très actif. Il y avait deux sections que j’ai faites : la section théâtre et la section Génie en herbe. Donc , je n’ai pas lâché. Cela a continué jusqu’à ce que j’aie un bac série littéraire, et  que je fasse des études littéraires à l’Université. »[2]

Il est l’auteur de:

Ivresse virginale

Les ombres tropicales

Les serveuses de fantasme

Cahier d’un détour au pays fatal

Les amours incurables

Il faut battre l’amour quand il est fou

 

 

2- Etude du livre « Il faut battre l’amour quand il est fou« 

a- Résumé par pièce

Paru chez LAHA Éditions, «  Il faut battre l’amour quand il est fou« , est un recueil de quatre pièces de théâtre dont Immigritude, un des premiers succès de l’auteur, primé au concours littéraire Plumes Dorées 2009. Ce recueil a pour auteur Jean-Paul TOOH-TOOH.

La première pièce de théâtre, la pièce éponyme, met en conflit deux sœurs Alima et Fatou, filles assez volages qui se disputent l’amour, l’attention et la fortune d’un jeune ministre du Gouvernement. Alima, ayant déjà acquis la promesse de se marier avec le ministre, s’offusque de l’intérêt et des avances répétitives de Fatou à l’endroit de son homme. Mais les menaces lancées par Alima à l’endroit de sa sœur signeront son arrêt de mort …. Prenant comme main ouvrière de ce forfait Momo qui avait déjà commis d’autres délits, Fatou fut surprise de constater que son plan d’avoir le ministre pour elle seule, se fera déjouer par Momo qui était devenu méfiant vis à vis d’elle. La justification de ce doute qu’il avait, le poussera à tuer le ministre, avant d’entreprendre de s’ôter la vie. Cette dernière intention ne connut son aboutissement car c’est Fatou qui se suicidera par regret, par honte et aussi par dépit.

La pièce  » Il faut battre l’amour quand il est fou«  » soulève assez de thématiques allant de l’amour, vu comme un sentiment tant avilissant que malsain, à l’utilisation du potentiel corporel afin d’accéder au mieux être, en passant par la politique. A la seule évocation du titre de la pièce, on ne peut s’empêcher de faire sa similitude avec ce dicton « il faut battre le fer quand il est chaud« , ce qui renvoie à la facilité du forgeron de manier et de manipuler le fer en le battant lorsqu’il est chaud. Vu au sens figuré il relève la nécessité de savoir profiter des occasions pour faire les choses à temps. Pris dans tous les sens (propre et figuré), le titre relève assez d’aspects soulevés dans la pièce. Fatou n’a pas attendu que l’amour de Momo s’étiole avant de lui faire commettre des tas de forfaits, seulement qu’en prenant du temps dans sa sombre besogne, Fatou ne s’était pas rendu compte que l’amour fou était un fer rouge qui, sorti du feu, refroidirait. Vu sous un autre angle, Fatou a su installer un désordre sérieux en « battant » l’amour entre le ministre et Alima quand il était à son paroxysme (fou).

La deuxième pièce de l’ouvrage intitulée « La mort du passé » se révèle comme la confession mutuelle de deux existences malheureuses, chacune ponctuée de désillusions, de peines causées par le départ d’êtres chers. A l’ordre du jour, Alice, une prostituée et Thibus, son client. Ici, le sexe apparait comme un refuge pour les deux acteurs par rapport à leur vie. Le cadre spatial s’y prête d’ailleurs, étant un lieu où le sexe est roi. L’auteur donne une issue moins triste à ce commerce sexuel, car la peine apaisée progressivement par le sexe trouvera une accalmie définitive par l’Union d’Alice et de Thibus. Tooh-Tooh prescrit dans cette pièce une thérapie par le sexe. Mais cela suffit-il pour l’élire au rang de panacée quand on sait que pour ce même sexe, Fatou et Alima ont vu se briser la tige de la sororité? Comment peut-on noyer le passé dans l’abyme insondable du sexe et en renaître comme le phénix de ses cendres?

La troisième pièce intitulée « La désaffection solennelle » met en scène l’arrestation de Dominique soupçonné d’être l’amant de la première dame de la république. Sous le poids des sévices à lui infligées par le garde du corps du président, il finira par avouer son forfait au Chef del’Etat. Mais lors de sa confession, le président se rendit compte que son prisonnier était son fils. Le remord et la culpabilité le pousseront à se donner la mort. Dominique fut donc choisi pour présider, grâce à l’intervention de la première dame: Hermione, qui se donnera aussi la mort puisque pour elle son rôle était de faire goûter le pouvoir à Dominique.

Cette pièce, même si les thèmes de l’abandon, des retrouvailles, de l’infidélité ressortent, il faut souligner que l’auteur dévoile les jeux politiques dans les régimes dictatoriaux. En effet, si le titre semble plus mettre l’accent sur un quelconque sentiment (désaffection), l’auteur le long de la pièce n’a raté aucune occasion pour soulever les abus et les tractations secrètes d’un régime politique dictatorial. Le trident destructeur est mis à l’indexe : le pouvoir, le sexe et l’argent. Mais tout finit comme une réappropriation par l’auteur du complexe d’Œdipe, basée sur l’inceste et le suicide. La mort n’est pas toujours la fin de toute chose. Elle peut aussi être le début d’une aventure nouvelle faite d’idées novatrices et de déterminations à faire mentir certains préjugés.

La quatrième pièce intitulée « Folie tertiaire ou l’amour à bout portant « est subdivisée en trois scènes dont la succession relève de la folie dans l’écriture. La première scène fait découvrir un poète qui joue un rôle de spectateur actif car il participe au déroulement de la scène en donnant des points de vue ou en insistant sur d’autres remarques. La scène dans l’ensemble présente un dramaturge qui s’entretient avec Salisco, un des personnages imaginaires de sa pièce à venir. La discussion porte sur le choix par le personnage d’un rôle qui lui irait s’il faisait partie d’un régime politique. Il choisira d’être le bras droit du président dictateur, prêt à tout faire pour sa gloire. Mais la deuxième scène, beaucoup plus brève, nous fera assister au choix des personnages et à l’attribution des rôles que chacun devra jouer, et ce, en présence du poète. Quant à la troisième scène, elle fait paraître le dramaturge comme le présentateur des actes qui seront posés dans le déroulement de la pièce. Mystoura, fille de Makeba est mise aux arrêts par le ministre Salisco. Le seul gage de sa libération est que la prisonnière déclare son amour pour Salisco. Mais au prix de l’honneur, de l’amour pour son fiancé, Jules, que le ministre fera tuer, juste pour la contraindre, Mystoura refuse la proposition de Salisco. La torture de sa mère, la blessure par balle de Béchir, son frère, n’ont ébranlé sa détermination à refuser les avances de Salisco qui, ironie du sort, sera tué par le bras exécutant de ses crimes : son garde du corps. Ce dernier s’ôtera la vie par regret d’avoir suivi les ordres de Salisco.

 

 

b- Point de vue personnel

L’auteur, en choisissant ce genre littéraire pour écrire ce recueil, est resté fidèle à un des genres littéraire qu’il affectionne beaucoup: la poésie. Ici chaque prise de parole se fait poésie avec sa dose d’esthétique mais encore et surtout ce désir de susciter des émotions chez le lecteur. En mettant en scène un dramaturge et un poète, on peine à croire que c’est le fruit du hasard, et même si c’était le cas il ne serait pas exagéré de dire que le poète et le dramaturge sont une même personne se cachant sous la plume de  Jean-Paul TOOH-TOOH.

L’ouvrage « Il faut battre l’amour quand il est fou » semble s’articuler autour de deux thématiques essentiellement axées sur les vices, à savoir : d’une part l’exploitation du sexe (cas de Fatou, Alima, Alice, Hermione, Salisco) et d’autre part les dérives politiques (le ministre, le président, le garde du corps). L’auteur tente aussi de juger les fautifs de ces pièces en leur offrant une repentance symbolisée par le suicide (Fatou, le président, le garde du corps).

L’implication du public dont on se sert parfois dans le drame afin d’atteindre un objectif est chose palpable dans le recueil.

« Il faut battre l’amour quand il est fou » est un bon livre, quoique peu accessible pour les lecteurs non avisés. En témoigne d’ailleurs ces propos de Joss Doszen postés sur mur facebook le 18 mars 2018 : « Il faut battre l’amour quand il est fou » : Première de 5 nouvelles… »Il faut battre l’amour quand il est fou » … je n’aime pas. La langue est pompeuse en se voulant précieuse, le drame est trop superficiel , les fils du conflit en coton mouillés, la psychologie du personnage central , Fatou, incohérente et surtout la chute est … abracabrabtesque[3] » (lire abracadabresque).

 

Conclusion

On retient après lecture de ce recueil de pièces de théâtre que l’auteur soulève divers aspects de l’existence humaine tant sur le plan social que sur le plan politique. La place du sexe mise en relation avec ces deux aspects ci-haut soulevés est une très remarquable dans le recueil. Ici qu’il soit objet de transition facile vers l’amour, l’ascension social ou politique, ou un simple refuge contre les vicissitudes de la vie, le sexe occupe une grande place. Jean-Paul TOH-TOH use avec maestria des figures de style et parfois totalement d’un registre soutenu afin de faire parler ses acteurs, avec qui il se permettra l’audace de partager une pièce. « Il faut battre l’amour quand il est fou« , loin d’être un titre au hasard donné au recueil, semble trouver son sens dans l’entièreté de l’ouvrage, car à travers chaque scène, ce principe de profiter de ce qu’offre le temps, quand il l’offre, cette notion du carpe diem est constamment présente. Au demeurant, il s’agit d’un livre à lire absolument, une œuvre remarquablement bien écrite quoique trop technique par endroit, qui ferait l’extase des passionnés et des jongleurs de mots.

 

Gloire Yvan DOSSOU-YOVO
[1] « http://www.editionsdelacrypte.fr/auteurs/jean-paul-tooh- tooh/http:/www.editionsdelacrypte.fr/auteurs/jean-paul-tooh-tooh/)
[2] https://saveurslivresques.com/2018/01/27/interview-avec-jean-paul-tooh-tooh/
[3] https://www.facebook.com/joss.doszen?hc_ref=ARR1Bxjwq_MXJGQlNxT6et60lZNhwg1MnNneU0TJMcT4oADgV0J5BObRHnISL3JozBQ&fref=nfhttps://www.facebook.com/joss.doszen?hc_ref=ARR1Bxjwq_MXJGQlNxT6et60lZNhwg1MnNneU0TJMcT4oADgV0J5BObRHnISL3JozBQ&fref=nf)

 

 

×

Aimez notre page Facebook