FRANGILO GONÇALVES (FG) : « Le poète n’est pas pressé « 

FRANGILO GONÇALVES (FG) : « Le poète n’est pas pressé « 

La littérature béninoise fait peau neuve avec l’entrée en scène de jeunes auteurs dont Frangilo GONÇALVES que nous recevons pour vous cette semaine. Dans la présente interview, il nous parlera de lui-même, de son parcours et aussi de ses rêves:  » Le poète n’est pas pressé car le plus important pour lui est de donner le plus de pouvoir à ses mots. « 

BL : Bonjour monsieur Frangilo. Nous sommes heureux de vous recevoir sur notre blog. Veuillez vous présenter, s’il vous plaît.

FG : Bonjour à tous les lecteurs du blog biscottes littéraires. Je voudrais tout d’abord vous remercier pour l’honneur que vous me faites en m’invitant sur ce prestigieux blog. Je réponds à l’état civil au nom de Frangilo Justino GONÇALVES.

BL : Vous n’avez que 22 ans et vous êtes non seulement doctorant en médecine mais aussi auteur d’un recueil de poèmes. Quelle lecture faites-vous vous-même de votre parcours?

FG : Par rapport à mon propre parcours, il faut dire que je fus victime d’une inscription précoce à l’école, d’un saut d’une classe au primaire et d’un parcours plutôt fluide. Il s’agit juste d’un parcours d’un enfant un peu trop chéri par sa mère et soutenu par son père dans son rêve de vite devenir médecin puis par la suite écrivain. Un environnement favorable, des rêves d’enfant, un soutien de l’entourage et le résultat est le présent.

BL : Qu’est-ce qui, à vos yeux justifie un tel parcours ?

FG : Ce parcours est ou a été favorisé par plusieurs facteurs. Comme je commençais à le dire, tout débute souvent par l’environnement familial. La considération des rêves du petit enfant, l’envie de toujours donner le meilleur de soi, l’appréhension des réalités autour de lui, et enfin et surtout la flamme qui brûle à l’intérieur de soi. Cela n’aurait sûrement pas été possible si je n’ai pas eu l’accompagnement qu’il fallait. Je dois donc ce parcours à ceux de droit. La famille, l’entourage immédiat, les amis et collègues, y compris les enseignants et formateurs qui ont été d’une grande aide pour maintenir cette flamme.

BL : Un médecin est connu pour manipuler les réactifs, le bistouri etc. Mais vous voilà entre la blouse et la plume. Que s’est-il passé en temps ?

FG : Permettez-moi une nouvelle fois de me victimiser. Oui, j’ai été victime aussi de la plume comme je fus victime de la blouse. Mais plus loin qu’il me souvienne, j’étais acteur de scène de théâtre et je gribouillais déjà quelques textes depuis la grande enfance. Je me suis même vu attribuer le rôle de slameur de l’époque, car faut-il dire, j’aimais communiquer avec les mots. J’avais cette aisance à me les approprier. Avec le temps, les lettres ont donc pris une importante place en moi, j’aimais les serrer fort comme pour y retrouver du réconfort. Après certaines gardes ou des moments de stress, lors de certains événements heureux ou même face à certains quotidiens, la flamme reprenait vie. La vie reprenait à travers les lettres et les mots.

BL : Vous avez un amour particulier pour la poésie. Comment cette passion est-elle née ?

FG : La poésie comme l’expression des sentiments, la poésie comme la vie autrement. Oui la poésie m’a conquis, je ne peux dire comment. Mais je me rappelle encore du goût du repas qu’elle concoctait dans les œuvres de la Fontaine ou celles de Victor Hugo, La magie qu’elle produisait, le sentiment d’être attaché à ce que dit ou vit l’auteur. Après plusieurs lectures d’œuvres de ces auteurs et même l’attachement à quelques livres de Molière, la poésie a mis une force en moi. Me voilà des années après écrivain et poète.

BL : Vous avez été vice-champion du concours de poésie organisé par Mémoire Héritage. Et c’est certainement là que la confiance est née. Veuillez nous parler de ce concours et des différentes péripéties qui l’ont marqué.

FG : Les Éditions Mémoire Héritage ont organisé en effet en 2019 un concours d’écriture qui a connu ma participation. C’était un concours sur la paix et la démocratie au Bénin, thème qui m’a tout naturellement intéressé. Ce concours venait à la suite d’événements ayant fait trembler la paix au Bénin. À l’issue du concours, les finalistes avaient donc inscrit leur nom dans une œuvre intitulée « Paix au Bénin, contribution de la jeunesse agissante « . Comme toute épreuve, cela ne fut pas facile mais je gardais en moi ce crédo << Rien ne grand ne se fait sans sacrifices>>. Il fallait donc sacrifier temps et se réglementer pour parvenir à son résultat et c’est ce qui fut fait.

BL : « Un long chemin de mystère ». Tel est le titre de votre premier recueil de poèmes, cher Frangilo GONÇALVES. Que doit-on y  comprendre : l’itinéraire, le long itinéraire d’un chercheur d’homme ou la longue pérégrination d’un explorateur de la vie et de ses énigmes ?

FG : À travers l’œuvre « Un long chemin de mystère » le lecteur a la responsabilité à chaque carrefour de trouver le mystère et de lui donner une réponse. Concrètement, il faut y comprendre la longue exploration des événements de la vie et des défis auxquels nous sommes confrontés quotidiennement.

BL : Un mot sur le processus d’écriture et d’édition de votre premier recueil de poèmes, s’il vous plaît.

FG : L’écriture de mon recueil de poèmes a pris environs quatre mois. Pour une quarantaine de textes, c’en est peut-être trop. Il faut dire que j’aime prendre le temps pour mieux comprendre les mots du premier jet. Ensuite vient le moment de lire et relire, de faire l’ablation ou même de greffer des éléments pour mieux transmettre mon message. Le poète n’est pas pressé car le plus important pour lui est de donner le plus de pouvoir à ses mots. L’œuvre est parue chez les Éditions Mémoire Héritage et la collaboration fut belle jusque là. Malgré mes heures chargées, nous avions trouvé de courts instants pour accompagner et mettre au monde cette œuvre.

BL : Ce recueil aborde entre autres thèmes, la jeunesse, le destin de l’Afrique, l’immigration. Ces trois thèmes mis ensemble, disent quelque chose de l’avenir de notre jeunesse sur ce continent dont elle désespère de plus en plus. Si le médecin poète devait risquer une radioscopie de cette situation, que dirait-il ?

FG : La jeunesse, le destin de l’Afrique, l’émigration beaucoup plus que l’immigration. Une radioscopie de cette situation retrouverait si c’était un poumon un ensemble de pays très riche par leur patrimoine et reliés par une carte mais trop dissociés par leurs actes. Elle retrouverait sûrement à la base un cancer constitué de nombreux hommes et femmes qui vendent l’Afrique pour s’offrir beaucoup de « fric » et de luxe. Il y aurait au centre des institutions peu fortes, soumises aux métamorphoses souhaitées par ceux à la base. Enfin on retrouverait sûrement à l’apex une société appauvrie, une jeunesse peu soutenue, un patriotisme et une citoyenneté peu connus et mille raisons de vouloir partir. Le diagnostic serait évident: un vaste continent trop riche par ses ressources naturelles mais trop pauvre par l’utilisation qu’il en fait.

BL : N’est-ce pas trop facile d’accuser les gouvernants africains, qui ne sont pas innocents, il faut le reconnaître, quand on voit cette jeunesse, à certains égard, donner l’impression de manquer d’ambitions et de s’adonner aux paris? En témoigne la grande ruée vers les paris xbet, par exemple ?

FG : Les responsabilités sont partagées, parce qu’il faut le dire, malgré toutes ces péripéties, plusieurs arrivent à s’en sortir. Donc c’est bien possible de s’en sortir. Mais la grande partie des têtes qui devraient produire la richesse et rendre nos institutions fortes, lorsqu’elle part, revient-elle ? Sommes-nous ainsi sur la voie du développement ? La question reste sur la table. Il faut que l’Afrique puisse compter sur elle-même, puisse enclencher véritablement la voix du développement. Nous avions vu ou l’histoire nous a montré comment la Chine est partie hier de rien pour tout avoir aujourd’hui. Il faut que l’Afrique change de mentalité. Sa jeunesse est solide, mais à force de s’efforcer sans succès, elle perd parfois de force et cela est responsable de la quête sans cesse du gain facile. Il faut que les choses changent et que les dirigeants s’associent à cette quête commune.

BL : Vous avez aussi abordé les réalités de l’amour et de l’amitié. Quelle est selon vous la frontière entre l’amour et l’amitié ? Où l’amour finit-il ? Où l’amitié commence-t-elle ?

FG : L’amour ne finit point, le vrai amour ne finit jamais. S’il y a une frontière entre l’amour et l’amitié, c’est peut-être celle de l’intimité sexuelle qui peut exister entre deux amoureux. Dans les autres cas, l’amour et l’amitié vivent des mêmes passions, l’amour souvent un peu plus que l’amitié. L’amitié commence dès que le cœur s’ouvre à accepter l’autre comme tel. Cela paraît souvent simple mais revêt aussi de mystère que nous ne percevons pas souvent. Un vieux dicton dit « qui se ressemblent s’assemblent « .

BL : Intéressons-nous à présent à la thématique de la famille. Comment re-definissez-vous la famille à cette ère du numérique et du digital?

FG : À cette ère du numérique et du digital, la famille reprend toute son importance. Elle est l’environnement qui contrôle, qui accompagne le jeune garçon ou la jeune fille dans sa découverte du monde. Il est vrai que le numérique aujourd’hui offre un large panel d’opportunités et ce serait une perte de ne pas en profiter. Vu la panoplie d’éléments se diffusant à travers le numérique, la famille doit se positionner en coach des enfants afin de les amener à utiliser le numérique et le digital à bon escient. Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, disait François Rabelais. Ce message retrouve toute sa vie.

BL : La famille aujourd’hui est aux prises avec les questions des orientations sexuelles avec les nouvelles tendances de redéfinition des genres masculin et féminin qui se trouvent d’autres  compléments aujourd’hui. Que vous inspirent ces tensions, monsieur le médecin poète ?

FG : Sourires. Je vous remercie pour la question qui en effet est pleinement d’actualité. Si l’on repart sur la définition de la santé, l’OMS dit qu’il s’agit d’un état de bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. Si les genres ont été redéfinis, c’est bien parce que le besoin y était au vue de la santé de certains êtres humains. L’on n’a pas choisi volontiers d’être avec une femme si l’on est un homme ou d’être avec un homme si l’on est une femme donc d’une certaine façon, l’on peut être juste victime de son orientation sexuelle. Certes, l’environnement y est un des facteurs les plus favorisants. À l’ère où nous sommes, il faut accepter les différences des autres et vivre sa vie sans léser l’autre.

BL : Dans cette même veine, la famille et la jeunesse sont confrontées à l’épineuse question de l’avortement. Les politiques et lobbies tentent de le légaliser et de dépénaliser. Le médecin des corps et l’ami des âmes, en conformité avec le serment d’Hippocrate, a certainement un point de vue lumineux sur la question, si tant est que le fœtus n’est en rien coupable.

FG : Bien-sûr j’ai mon avis personnel sur la question et il est clair. L’acte sexuel est un acte responsable et il faut y aller que quand l’on se sent assez responsable, aussi bien physiquement, mentalement que socialement. Une des conséquences pouvant découler quand il n’est pas protégé est la grossesse. L’avortement clandestin a fait et fait beaucoup de victimes. Le médecin dans son rôle de soignant est avant tout présent pour assurer le bien-être de son patient. Ce bien-être peut passer également par l’interruption d’une grossesse si nécessité s’observe selon les concepteurs ou l’agent de santé. Rendre l’avortement légal, je suis pour en fonction du risque sanitaire qui doit être évalué par un médecin qualifié et si l’on dédie les centres dans lesquels cela se fera. Si avortement doit être, il faut qu’il soit médical et dans un centre autorisé.

BL : Si l’on vous permettait de faire l’état des lieux de la littérature béninoise aujourd’hui, que diriez-vous ?

FG : La littérature au Bénin connaît une véritable avancée. Je suis certain que le nombre d’œuvres augmente chaque année, que la famille des écrivains béninois s’agrandit de plus en plus. Je viens de faire mon entrée alors qu’il me soit permis de savourer davantage les plumes béninoises avant de m’y prononcer dans ses profondeurs. Les aînés tels que Habib DAKPOGAN et Harmonie Byll Cataria et bien d’autres ont assez révélé cette littérature par leur travail formidable. Plein de jeunes font également cette révélation. Je veux citer en exemple le jeune Renaud d’Avril qui ne cesse de révéler notre littérature au plan national et à l’international.

BL : A quoi sert-il pour les écrivains de parler de paix et de fraternité, quand, comme on le voit un peu partout dans le monde, des organismes et des structures de même s’entendent pour la compromettre puis reviennent inciter le peuple à la préserver ? Quelle lecture faites-vous d’une telle supercherie ?

FG : L’écrivain est la voix des sans-voix. C’est un de ses rôles de faire cultiver la paix, la tolérance, la fraternité et l’amour du prochain. Importe peu les situations de la vie, il trouvera toujours les mots pour se prononcer. D’abord en tant qu’écrivain mais aussi en tant que citoyen s’engageant pour les intérêts de son peuple.

BL : Le monde et la crise de la covid. Quelle appréciation en faites-vous?

FG : La COVID-19, la pandémie causée par un coronavirus qui secoue tous les pays. Elle a malheureusement montré la fragilité de nos systèmes. C’était peut-être une opportunité pour l’Afrique de rebâtir sa fondation dans certains domaines notamment celui sanitaire et celui économique. Celui sanitaire par l’incitation à la recherche et celui économique par la production de la richesse localement. Mais qu’en est-il ? Le bilan sera fait et nous pourrions mieux apprécier.

BL :Frangilo GONÇALVES, un cœur à prendre ?

FG : Sourires, Frangilo, un cœur déjà pris.

BL : Votre portait chinois à présent.

Si j’étais un organe du corps, je serai le foie

Si j’étais un animal, je serai une colombe

Si j’étais un fruit, je serai un coco

Si j’étais un plat, je serai de l’igname pilée

Si j’étais une couleur, je serai le gris

Si j’étais un personnage célèbre, je serai Nelson Mandela.

Si j’étais une femme, je serai Mère Teresa.

– Votre plus grande peur: C’est de ne pas pouvoir faire tout ce dont je rêve pour le monde

– Ce qui vous fait rire le plus. Une blague lancée par un ami au cours d’une discussion.

– Votre péché mignon: j’avoue ne pas le connaître

– Ce qui vous énerve le plus : trahir ceux qui vous font confiance

– Votre plus grande déception: L’ingratitude d’une personne en qui j’avais confiance

– Ce qui vous fait espérer le plus: le fait que la Main Divine puisse tout changer

BL : Votre recueil, comment se comporte-t-il sur le marché? A quoi devons-nous nous attendre après ce premier recueil de poèmes ? Où peut-on se le procurer ?

FG : Mon recueil a eu un très bon accueil. L’écoulement se fait petit à petit. Les commandes se font presque toutes les semaines. Les commandes se font chez les Éditions Mémoire Héritage ou à mon niveau sur le +229 67899987. Il est également disponible chez certaines personnes distributrices de livres. Après ce recueil de poèmes et je travaille déjà pour bondir à travers autre genre littéraire. Le rendez-vous sera pris au bon moment.

BL : Nous sommes au terme de ce passionnant entretien, cher Frangilo GONÇALVES. Merci de nous avoir accordé de vos précieuses minutes. Votre mot de la fin.

FG : Vraiment un passionnant entretien. Merci à Biscottes littéraires de m’avoir permis de décortiquer quelques zones de l’ouvrage  « Un long chemin de mystère » et de discuter sur des questions pertinentes qui font l’actualité. Je voudrais finir en invitant la jeunesse africaine à ne pas se décourager. Les temps sont forts, le ciel est orageux, la pluie va commencer et ce sera une pluie de bénédictions et d’opportunités pour ceux qui y seront préparés. Travaillons mains dans les mains avec passion et abnégation, construisons des associations fortes inter africaines et laissons la main Divine nous révéler et révéler notre cher continent au monde entier.

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