Sènablo a réussi à entrer en contact avec El Hadj. Celui-ci l’a reçu avec tous les égards possibles.
– Bienvenu, illustre patient. Le salut est ici, dans les soins traditionnels.
– En effet, reprit Sènablo. J’ai parcouru toutes les pharmacies du pays, aucun médicament des blancs n’a réussi à me donner satisfaction. Or ce que j’ai là, wallai, je ne le souhaite pas à mon pire ennemi.
– Je te comprends, frère. C’est avec peine et tristesse profonde que je réalise le déchirement de notre monde, le monde noir qui, de tout son être s’élance à corps perdu vers tout ce qui ne relève plus de la tradition ! Quel malheur ! Sa situation exposée, le guérisseur posa son diagnostic.
El Hadj était en réalité un intellectuel converti en marabout qui ne s’offusquait pas du tout d’associer les esprits aux prévenances d’Allah qui semblait obligé de l’exaucer. Les esprits consultés étaient favorables à la requête de Sènablo. Il devrait recouvrer la santé sans grande difficulté. Mais subsiste un petit problème : les esprits révèlent que Sènablo avait des choses « dans le ventre ». Tant qu’il ne libèrera pas sa conscience, il ne saurait être exaucé. Quand El Hadj lui transmit le message des esprits, il entra dans une grande colère:
– Et que veulent-ils savoir sur moi, tes esprits?
– Il y a des blocages liés à votre vie passée. Et si on ne les lève pas, vous ne pouvez recouvrer la santé.
– Alors qu’attendez-vous de moi?
– Que vous parliez.
– Que je me mette à déballer devant vous ma vie?
– Les esprits n’attendent que vous pour vous délivrer. Et vous savez ce que vous avez à faire.
– Ok. Je suis Sènablo. Beau. Intelligent. Gentil. Pas très riche. Mais un peu quand même. Je suis malade à un endroit de mon corps où je ne devrais pas être malade. Je veux le salut.
El Hadj consulta ses esprits. Il lança des cauris. L’interprétation des signes révéla l’insatisfaction des esprits. Il dodelina de la tête comme un margouillat à tête rouge.
– Non ce n’est pas fini. Vous avez encore des choses dans le ventre. Vous n’avez pas tout sorti.
– Je suis là pour une confession ou pour recevoir des soins? Quelles sont ces manières-là? D’abord, pour qui vous prenez-vous? Je suis venu vous voir pour un problème de santé, et vous voulez fouiller dans ma conscience. Si j’avais besoin d’un psychiatre, je saurais à qui m’adresser. Savez-vous qui je suis?
A ces mots, il sortit sans écouter les explications de El Hadj. La nuit, il ne put dormir. Il se rappela que les devins qu’il avait consultés jusqu’à présent butaient tous sur le même problème: « vous avez des choses dans le ventre ».
– Nom de Tolègba, que me veulent-ils enfin, ces devins et leurs divinités? Mes viscères? Qu’ai-je dans le ventre et qui soit un obstacle à ma guérison?
A suivre…
Destin Mahulolo