« Huis Clos » de Jean-Paul Sartre

« Huis Clos » de Jean-Paul Sartre

Pour une mise en route

Né à Paris en 1905, il est l’auteur de romans : « La Nausée », « L’Age de la raison », « Le Sursis », « La mort dans l’âme » ; et de nouvelles : « Le Mur » ; d’une autobiographie : « Les Mots » ; d’essais philosophiques : « L’Être et le néant », « L’Idiot de la famille » ; de théâtres : « Les Mouches »,  « Huis clos », « Les Mains sales », « Le diable et le Bon Dieu », « La P… respectueuse », « Les Séquestrés d’Altona ». Avec l’une de ces dernières, il a retenu notre attention et sidéré notre élan toujours curieux à la chose littéraire. Nous le découvrons ici, plus amplement dans son théâtre « Huis clos » paru sous les éditions Gagliardi en 1947, qui n’est qu’une pure relique de l’originalité de celui-là même qui se laisse aisément dévisager : Jean-Paul SARTRE. Il n’inspire pas en effet, que nos visions philosophiques, mais aussi et surtout notre intérêt dans le champ renouvelé de la littérature classique. « Huis clos », puisqu’il faut le nommer ainsi est une pièce théâtrale à cinq scènes couvertes intelligemment par trois acteurs que déjà nous vous présentons.

Une pièce classique se joue entre les personnages

Comme toute pièce de théâtre, celle spécifiquement classique se joue dans les personnages et J-P Sartre ne nous en donne pas l’exception qui confirme la règle quand il met en scène Joseph Garcin, Inès Serrano et Estelle Rigault dans « Huis clos ». Trois personnages pour une pièce de théâtre n’est pas chose ordinaire, tant qu’elle est encore de plus près intéressante.

Ce triplet de personnages successivement isolés par l’entremise d’un « Garçon » dans une même pièce, une véritable auberge espagnole, se retrouve pour nous guérir du poids de la solitude qui fait chavirer les humains qui ne veulent concrétiser de plus larges horizons à leur vie. Chacun de ces personnages a connu un passé tumultueux pour ne plus mériter l’ordinaire de sa vie. Le premier a fait périr sa femme, le deuxième son mari et le troisième son enfant, son mari et une rivale qui tentait lui rendre impossible le rêve d’être seule épouse du trépassé. Tous ces crimes étant le prix de la vengeance, ils sont pour l’une ou l’autre raison, gardés dans ce cloître où pour faire connaissance mutuelle, ils s’avouent l’un(e) aux autres ce dont ils sont venus s’apaiser la conscience. Enfermés sans issue, ils sont appelés à vivre ensemble. Les sentiments naissent et meurent, surgissent et s’éteignent pour finir par laisser place à une fin qui ne les a fait aucunement avancer.

Une fois la nudité de leur identité de criminels avérés révélée, des sentiments vont naître dans le trio ; mais comme cela peut se déduire de soi, un homme appartenir à deux femmes dont l’une lâche et l’autre sempiternellement jalouse, est bien une entreprise d’avance perdue. Ils vont se muer de vermine en tombant d’amour, autant les femmes entre elles que chacune à l’égard de Garcin. Ce dernier pour finir voudra prendre la tangente mais demeurera sur ses pas bien qu’il pût défoncer la porte qui tenait l’espace du jeu théâtral clos. Entre eux, beaucoup de choses lyriques auraient pu se passer mais la susceptibilité de leurs sentiments mutuels et dégradés à la fois les a maintenus indemnes de toutes relations ambigües. Ils y resteraient pendant plus longtemps, comme le suggère le « continuons » final de Garcin, sur lequel se ferme le rideau, et les résultats resteront pareils. Car, là où la nature a posé inégalité de chance, d’avenir, de réussite, les hommes ne pourront rien contre.

Huis clos, une leçon d’actualité

La solitude est une réalité que vit tout homme. Elle est à l’esprit, comme le pense André Gide, ce qu’est la diète au corps. Et c’est l’expérience de ce noble florilège qu’ont voulu réaliser Garcin, Inès et Estelle dans l’ouvrage « Huis clos » de Jean-Paul Sartre. Malheureusement, nous retenons à leur école que ce qui devrait être essentiellement bien peut retourner en mal contre soi, quand on lui détourne ses principes ou ses objectifs initiaux.

Chacun de ces acteurs était parti pour apaiser leur conscience du crime préalablement commis. Mais ils en sortiront plus chargés de peines morales, puisqu’ils auront poursuivi d’autres fins que celles qui les a conduits vers ce haut lieu de solitude, mais d’une solitude à vivre en communauté. Quoique cela semble une utopie, elle est bien possible et s’avère réalité quand l’on est prêt à vivre de son intériorité de vie. Et c’était la seule issue qu’avait le « huis clos » pour racheter nos personnages de leur égarement.

Pour question de sentiments mal nourris et tôt entretenus, ils vont s’immiscer dans l’univers de toutes les hostilités sentimentales qui s’affrontent d’ordinaire sur la pelouse de l’amour. C’est sur ce terrain qu’ils en rajouteront à leurs ennuis avant leur embrigadement. Et comme il est difficile pour des êtres de chair de vivre ensemble sans que rien de naturel ne les ait associés…

Un avis sur le thème de la solitude

La solitude est d’abord un thème vide, mieux une notion neutre. Car, c’est bien selon l’orientation qu’on sait lui donner qu’on sait en jouir ou en souffrir. Il n’est plus un secret de Polichinelle que la solitude est un bon sédatif aux souffrances morales qui n’ont été cautionnées dans le temps que dans le rapport à l’altérité. Dès lors, pour s’en remettre il faut indispensablement faire un retour sur soi pour guérir de ces blessures qui demeurent bien des fois incurables quand on ne sait pas reprendre élan pour mieux repartir, mieux rebondir. C’est d’ailleurs dans cette perspective que l’illustre Gide André nous enseigne que la solitude est à l’esprit ce qu’est la diète au corps. Et ce, pour nous montrer le recours combien nécessaire à la solitude quand l’esprit semble se perdre dans les méandres de la douleur morale ou même physique. Mais alors, comment peut-elle devenir dangereux pour l’être existant ?

La solitude, dans sa neutralité, peut arriver à être mal orientée et retourner en mal contre l’individu qui l’emploie à son compte. L’enfermement sur soi n’est pas synonyme de la solitude. C’est plutôt un simple recul dans son for intérieur, vécu dans la sérénité et dans l’ouverture de soi, dans le cas d’une solitude sédative qui est bien l’exercice à appliquer. Car, en toute chose, il s’avère important de reprendre ses élans pour mieux prospérer. Et on ne peut non plus prospérer quand on vit un permanent et rigide enfermement sur soi. C’est à juste titre que la notion de société restera de sa naissance à sa mort principielle à l’être-homme. Et pour demeurer dans le champ littéraire, avant de laisser chacun y penser, nous nous en tenons à ces mots de Seydou Badian pour clore notre approche thématique : « L’homme n’est rien sans les hommes. Il va dans leurs mains et retourne dans leurs mains » (Sous l’orage ).

Flashs authentiques sur « Huis clos » de J-P Sartre

Nous vous offrons à présent quelques passages que nous tenons de l’œuvre que nous avons eu la joie de parcourir quelque peu ensemble.

« Entre assassins. Nous sommes en enfer, ma petite, il n’y a jamais d’erreur et on ne damne jamais les gens pour rien. » (Estelle)

« Nous avons eu notre heure de plaisir, n’est-ce pas ? Il y a des gens qui ont souffert pour nous jusqu’à la mort et cela nous amusait beaucoup. A présent, il faut payer. » (Inès)

« Vous allez voir comme c’est bête. Bête comme chou ! Il n’y a pas de torture physique (…) Et cependant nous sommes en enfer (…) En somme, il y a quelqu’un qui manque ici : c’est le bourreau. » (Inès)

« Laissez-moi tranquille. Vous me faites peur. Je veux m’en aller ! Je veux m’en aller ! (Estelle)

« Va-t’en. Moi je ne demande pas mieux. Seulement la porte est fermée de l’extérieur » (Garcin)

« Laisse-moi. Elle est entre nous. Je ne peux pas t’aimer quand elle me voit. » (Garcin repoussant Estelle).

En guise de conclusion

A l’issue de notre pérégrination dans « Huis clos » de Jean-Paul Sartre, nous nous retrouvons parfaitement dans un univers classique qui est fort plaisant quand on se laisse s’y ramener. Des leçons de vie et d’être, nous ne cesserons d’en puiser pour un mieux-être dans notre vécu particulier et d’ensemble. Ici, nous sommes retournés à l’éternelle question de la solitude, qui est encore prouvée comme ne datant pas de notre temps, et demeurant d’une actualité renouvelée. Et c’est en cela l’intérêt à la fois de littéraire et de penseur que porte « Huis clos » au compte de nos investigations littéraires, une fois encore relancées de plus belle.

Salvator KEPEDJI

Philosophat Saint-Paul de Djimé

 

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