INTERVIEW AVEC SÊMINVO, L’ENFANT NOIR (SEN)

INTERVIEW AVEC SÊMINVO, L’ENFANT NOIR (SEN)

« Nous sommes tous des révoltés. J’en suis un. Et je crois fondamentalement que tous ce que nous faisons est révolte. Ecrire, dire, lire, penser, aimer, courir, croire, aller, venir, dire oui, dire non, se taire, ou parler tout est Révolte. « 

BL : Bonjour L’Enfant Noir, merci de nous recevoir chez vous. Que pouvez-vous dire de vous même en guise de présentation ?

SEN : Bonjour à vous et merci de me visiter. Présentation ? C’est un exercice que je n’aime pas beaucoup peut-être parce que je n’y suis pas doué. Disons simplement que Sêminvo L’Enfant Noir est un béninois, écrivain, artiste slameur, slamaster et animateur d’atelier d’écriture.

BL : Sêminvo L’Enfant Noir ! Comme vous pouvez-vous y attendre, pourquoi ce pseudonyme ?

SEN : Sourire. « Sêminvo » c’est mon prénom authentique, à coté d’autres prénoms empruntés que j’utilise pour remplir des formalités administratives ou dont mes proches se servent pour m’appeler. Je remercie mon père pour ce prénom qui me porte chance et me donne foi. Il signifie « sérénité, quiétude car tout te proviendra de ton ange gardien, ou Dieu ou bonne étoile. »

Quant à « L’Enfant Noir », ce n’est en aucun cas pour revendiquer ma couleur de peau, rappeler que je suis africain ou crier que je suis noir. Cela correspond beaucoup à ma personnalité d’écriture. C’est pour deux raisons. La première, c’est surtout pour suggérer un point de ma personnalité d’écriture : « la référence », l’œuvre de Camara Laye. La seconde raison quant à elle, est mon secret. (Rires)

BL : Comment avez-vous découvert le slam ?

SEN : Par mon frère. Edouard. Un soir. Mercredi. 2007. Radio. Océan FM. Emission Littéraire. On parlait du nouveau genre. Et j’entends Grand Corps Malade. La première fois. Indifférent. Mais le mercredi suivant, quand je l’ai réécouté, j’ai commencé par chercher des slameurs au Bénin et en Afrique. Soit j’en trouvais, soit je le devenais. Et d’ailleurs mon ami Landry m’a fait promettre que si je ne m’y mettais pas qu’il allait me tuer. En fait j’écrivais et j’aimais beaucoup parler avec les figures poétiques. C’est sans doute leur argument. Alors j’ai tapé google, commencé par apprendre, par comprendre, par avancer mot à mot. Sur le chemin j’ai fait d’heureuses rencontres, des personnes qui m’ont tenu par les mots, qui m’ont outillé à l’écriture et à dire.

BL : Qui dit Slam dit engagement. En tant que slameur quel est vôtre engagement social ?

SEN : HUMANITAIRE. Je veux faire ouvre humanitaire. Que ce soit sur le terrain de la guerre ou de l’enfance, je veux vraiment agir d’une façon et de toute autre dans l’action humanitaire. C’est ce qui s’évapore de la terre, l’humanité. J’ai fait mes études justement pour poursuivre en Droit International Humanitaire.

BL : SLAM Scène Libre Aux Mots pourrait s’entendre au prime abord comme une forme d’expression exempte de toute contrainte, de toute règle. Comment pensez-vous le Slam partant de cette définition ?

SEN : En fait, cette définition est mienne. Utilisée par tous les slameurs béninois (surtout) et d’ailleurs, sauf qu’ils ne citent pas l’auteur avec leur raison…(Sourire). La scène de slam est une invitation à tous les mots, c’est-à-dire à toutes les formes de poésie et à toutes les façons d’écrire en passant par tous les supports d’écriture. C’est ce que j’y mets sachant justement que le slam a belle et bien ses contraintes et règles. La scène est libre dans la forme de vos mots, de la présentation de votre texte sans que votre être ne souffre d’aucune d’incrimination (âge, sexe, race, classe sociale etc.) Comme j’essaie de le faire comprendre par ses quelques vers dudit texte « Scène Libre Aux Mots » :

« Amis de la plume verbale, bienvenues sur la Scène Libre Aux Mots

Installez-vous servez-vous, comme on se sert un pot

Ici les mots sont à votre portée, n’attendez aucune permission

Car comme sur toutes les scènes, la Scène Libre à sa mission. Sur la Scène Libre Aux Mots,                                       il n’y a pas de totem

On n’a pas besoin de musique pour offrir un poème

Mais si tu tiens à faire venir l’orchestre c’est ton choix

Moi souvent je me fais accompagner par l’écho de ma voix…»

Ce que je pense est dans ce texte et je vous le ferai découvrir très bientôt entièrement.

BL : Le slameur est-il un révolté social comme le pense certaines personnes ?

SEN : Nous sommes tous des révoltés. J’en suis un. Et je crois fondamentalement que tous ce que nous faisons est révolte. Ecrire, dire, lire, penser, aimer, courir, croire, aller, venir, dire oui, dire non, se taire, ou parler tout est Révolte. Il n’y a pas un art pour moi qui a l’exclusivité de la révolte. Je vois un zouckeur qui chante « Je t’aime » comme un révolté comme de la même manière que je dirai qu’un reggae man qui dit « Fuck Babylone » est un révolté ou un peintre ou un photographe ou un écrivain. La révolte est un engagement à : non changer quelque chose, mais apporter un élan à la société. Un élan de justice, de paix, d’amour, et plus encore. Alors le slameur est un révolté social ? Pour moi « il n’y rien de nouveau sous le mot ». Le slameur comme tout artiste répond à la condition humaine : La Révolte.

BL : Le slam est également littérature. Et il nous plait de vous drainer sur ce terrain de la littérature négro africaine. A l’instar de Césaire Aimé et de Senghor Léopold ne serait-il pas nécessaire que le littéraire, le slameur bataille pour la négritude, véritable arme de la lutte pour la conservation et le respect de l’identité culturelle noire, consécration du droit à la différence ?

SEN : Dure comme question, pour quelqu’un trouve que la négritude d’aujourd’hui est un folklore, une perversion de la négritude de Senghor et de Césaire. Je préfère m’en tenir à reconnaître que beaucoup d’artistes travaillent sur leur culture et c’est très bien. Cela se remarque aussi dans le slam. Parler de l’identité, de la culture, de la différence, le slam n’est tabou à aucun de ses sujets et je peux vous dire que ce sont ses terrains de chasses privilégiées. Après s’il y a des courants vraiment de la négritude, je ne sais pas. J’entends « je suis de la négritude », mais je vois autre chose. Et après je n’aime pas les cases, je souhaite simplement que chaque artiste apporte son humanité, cela nous rendra meilleur. Je préfère cette bataille sincèrement.

BL : Avez-vous une parution en vue ?

SEN : Oui ! J’ai DES parutions en vue. Albums, poésies, nouvelles, romans, pièces de théâtres. J’ai vraiment l’intention de faire tout cela.

BL : Que ressentez-sur scène lors de vos nombreuses déclamations ?

SEN : Sur scène ce que je veux ressentir le plus c’est le plaisir. Le plaisir d’offrir mes textes et le plaisir de recevoir l’écoute. Le plaisir de savourer ce moment qui, à chaque public est différent. La réaction du public qui varie à chaque mot, à chacun mouvement de votre corps. Et tout cela dans une certaine complicité qui devient même une intimité.

BL : La littérature ne nourrit pas son homme, mais le slam le fait quand même voyager ? Que pensez-vous de cette affirmation ?

SEN : Rire. Voyager ne veut pas dire que tout est rose. Je crois à la base que tout fait voyager. Le slam a cette particularité de créer les rencontres. C’est tout. Est-ce suffisant pour penser que le slameur est à son mets ? Erreur. Cette affirmation est un cliché. Surtout en sa première partie, la littérature ne nourrit pas son homme est nous avons dans notre Bénin au moins deux livres publiés par mois ?? Il ne faut pas se moquer de la littérature

BL : N’êtes vous pas intéressé par d’autres genre littéraires ?

SEN : Bien sûr. Je travaille aux théâtres, au romans, aux contes, aux essaies, aux chroniques et même au stand-up. Je suis éparpillé j’avoue, en ce moment je travaille à faire les choses une à une. J’aime écrire. Et partout où deux ou trois phrases se réunissent, je veux être là.

BL : A la question de savoir ; « quelles doivent être les potentialités d’un slameur », voici la réponse de Negr’ Djamile : Etre soi ! Tout le reste n’est que subjectivité intrinsèques et question de personnalité artistique ». Partagez vous cet avis ?

SEN : Etre soi oui et j’ajouterai : savoir s’avoir. Il faut que chaque poésie s’identifie à la hauteur de son auteur. L’art ce n’est que l’expression de ce que vous avez en vous. Pas autre chose. Beaucoup de slameurs chez nous ici, ne s’ont pas eux-mêmes. Ils sont la photocopie des autres, Nanda parle de slamo-copieurs. Vous pouvez retrouver un mot ou expression d’un tel plaqué au mot près chez l’autre. Ce n’est pas ce rendre service.

Dès fois quand je lis ou écoutes certains, je me lis où je lis d’autres slameurs. C’est de la prostitution artistique. Ou par exemple, on prend l’expression de tel, sans le citer… il faut chaque slameur retrouve son univers. Pour moi, être soi, c’est se rencontrer. Je veux me voir dans ce que j’écris et pas un autre car si je fais comme l’autre je serai son miroir. Ce que je fais quand je suis en face d’un miroir de moi, je corrige mes propres défauts. Tout le reste c’est de l’ARTMATEURISME.

BL : Entre le slam, la musique et la poésie, la frontière est-elle nette ?

SEN : Le slam est poésie et musique, même si après tout ce qui est dit n’est pas poésie. Quand on va donc considérer cette équation, je répondrai en demandant pourquoi séparer la mer du sel ? La frontière entre poésie, musique et slam est absorbée pas la vitesse de l’évolution du genre slam. C’est un art plein.

BL : Qu’attendez-vous de ceux qui écoutent vos productions ?

SEN : HA ! Comment on répond à une telle question ? Je ne sais pas quoi répondre à cette question, je veux plutôt leur dire comme souvent, merci à tous ceux qui sont déjà venus à la croisé de mes mots et ceux qui viendront. L’écoute déjà est immense. Je ne demande qu’à dire en corps et encore. Et tant qu’ils en veulent aussi, c’est heureux.

BL : S’il vous était demandé de donner votre appréciation sur l’univers artistique et culturel actuel du Bénin, que répondriez-vous ?

SEN : L’univers artistique et culturel actuel du Bénin c’est un vaste champ vierge de création occupé pas très peu de personne utile à son avantage. Il a l’air d’aller bien, alors qu’il peut être mille fois mieux que ce que nous voyons.

Le grand problème de l’univers artistique béninois c’est la créativité, l’initiative et l’authenticité. Je l’ai brossé dans une question précédente. Ce que j’ai dit pout les slameur est bien valable pour les autres genres. Ensuite nous avons une situation médiocre de la gestion de la culture. Ils ne s’y connaissent pas, ils n’en savent rien ceux qui doivent conduire notre culture. Résultat nous sommes dans ce que j’appelle encore de l’ARTMATEURISME. Il y a beaucoup trop de tricherie et de supercherie.

BL : Que préconisez-vous pour l’émergence et une plus grande promotion du slam au Bénin ?

SEN : Le travail. Le travail de sa personnalité ; de sa poésie, de son style ; l’orientation de ses inspirations basée sur ses propres expériences. C’est la meilleure des choses à faire. Il faut apprendre à connaitre la base de l’écriture avant de s’y lancer. Car plus nous aurons des slameurs de qualités et de personnalités, seulement le slam se fera lui-même sa promotion au grand bénéfice des slameurs. Il faut plus de scènes de slam, plus de festival et d’initiative pour faire connaitre le slam.

BL : Un mot à l’endroit de cette jeunesse qui voit en vous une étoile montante du slam en Afrique et dans le monde.

SEN : Je veux les remercier et leur promettre de rester moi. C’est-à-dire, quelqu’un qui fera toujours ce que sa poésie attend de lui. Car s’ils aiment ce que je fais, c’est qu’il faut que je donne le meilleur de moi et pour le faire je dois me travailler sur chaque mot, sur chaque vers, sur chaque texte.

BL : On dit de vous que vous avez un sens poussé de l’amitié et un grand respect pour l’humain en général. Qu’en est-il réellement ?

SEN : C’est trop lourd comme compliment. Je ne suis pas un saint, je suis quelqu’un qui vit chaque instant avec beaucoup de force. Je ne veux pas manquer de respect aux autres. Quand il y a un différend, un souci, je ne vais pas le crier sur les réseaux sociaux ou en parler avec un autre, je vais voir la personne en question et nous réglons la situation. Je ne suis pas hypocrite, je préfère qu’on me dise les choses en face. Et je ne sais pas être un indirect. Je suis vif. Mon coté artistique se résume à la tirade « Non merci ! » de Cyrano de Bergerac et ma vie se résume un peu à l’ennui et à mes propres vices ; c’est ma vertu.

BL : Qu’est-ce que les tensions Usa – Corée du Nord, Israël – Palestine, Kémi Séba et le CFA, la question de la France-Afrique vous inspirent-elle ?

SEN : Je choisis de parler du Franc CFA. Il me parle directement. Bien qu’étant pas le père du combat anti-cfa, et ayant mené mes réflexions sur le sujet bien avant de connaître Kémi Séba, je trouve qu’il a apporté un nouveau souffle à la lutte. Ce qu’il fallait, la rue, la masse, le buzz et la sensation. Aujourd’hui tout le monde ose en parler et c’est un grand pas. C’est fort heureux que sa méthode réveille la jeunesse et surtout secoue les instances au plus haut niveau. Il revient à présent aux intellectuels qui ont des maitrisent en matières de la monnaie de prendre les choses en mains et d’apporter de plus en plus d’argument scientifique. Aux artistes et aux écrivains de s’engager dans le sens de la suppression de ce mécanisme. Il faut à présent que tous les autres mouvements entrent dans la danse.

Pour la France-Afrique, je préfère être directe, nous sommes à un renouvellement de la France-Afrique et celle-ci est plus vicieuse que cette des années 60.

BL : Votre mot de fin.

SEN : Votre honneur m’honore en or, en cœur, en corps et encore pour cette visite. Et c’est vrai que : La vie est une rencontre, nous avons tous pris rendez-vous. Merci infinimots.

 

5 comments

C’est un article très agréable à lire.
Merci Seminvo pour tes avis qui décrivent assez bien l’art qui a eu l’audace de croiser nos chemins.

Si vos chemins se croisent pour vous conduire finalement au même port, heureux êtes-vous, frères slameurs. Sêminvo a quelque chose de l’Enfant Noir qui se demande finalement ce que ça fait d’être blanc ou noir. Il parle du combat de Kémi SEBA avec la pertinence de l’enfant qui sait que sa mère est sa mère et que l’akassa de l’autre ne l’arrachera jamais à l’affection de celle qui lui a donné une partie d’elle-même.

Vive l’artiste. Bonjour cher Willy Champion. Heureux de vous croiser sur les chemins de Biscottes Littéraires. Vive l’aventure qui commence ainsi

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