« La charcuterie de la République », Frédéric GAKPARA-YAWO.

« La charcuterie de la République », Frédéric GAKPARA-YAWO.

Voici un livre de théâtre, juste un petit livre qui n’est pas écrit de la manière dont les autres sont écrits. La charcuterie de la République est un monologue et le texte se veut original et très libre des règles du théâtre.

Dans ce livre, on découvre un vendeur de journaux, très passionné de son métier malgré les déboires vécus. Il ne manque jamais d’entrain et de zèle en l’exerçant. Les journaux, déjà dépecés par le vendeur, sont si bien exposés à la clientèle pour attirer son regard. Chants, danses, slogans et blagues sont entre autres ses méthodes de séduction à l’égard de sa clientèle.

Le seul personnage de cette pièce est le vendeur de journaux. Son nom, c’est Zandé (littéralement, il n’est pas tard, ou très bientôt).  Il vend plusieurs journaux, mais il préfère la charcuterie de la République dont il dit être le Meilleur Distributeur Agréé et ce malgré les calvaires vécus.

Quelques thèmes transparaissent dans ce livre. D’abord, le mythe qui entoure la mort du Chef en Afrique. En effet, En Afrique, la mort « inspire la crainte et le respect »(P.19). Elle est souvent considérée comme un malheur ou parfois comme une occasion de réjouissances selon les cultures. Mais le statut du mort compte énormément dans la procédure qui, devient particulière lorsqu’il s’agit d’un chef. Chez les zoulous par exemple, « à la mort du chef, toute la tribu est réquisitionnée pour pleurer et se couvrir de poussière »(P.20) et ceux qui ne versent pas assez de larmes se voient considérés comme responsables et sont enterrés presque vivants avec le chef. Chez les Bantous, « dès les premiers symptômes de l’agonie du chef, les gens qui n’aiment pas les gens se livrent une féroce guerre de succession »(P.20) alors que chez les Ashanti et tribus amies, « pour neutraliser les ennemis de la nation, on ferme toutes les frontières »(P.20) et on organise les obsèques par la rénovation de la maison mortuaire, la construction d’une villa tombale climatisée, la momification du corps, la sécurisation de l’itinéraire du cortège funèbre, uniformisation de tenues pour les sujets et réjouissances.

Ensuite, je parlerai de l’économie africaine. « Il y a longtemps que la bourse des valeurs est devenue en Afrique, la bouse des voleurs. Et ce sont les dirigeants qui sont taxés de voleurs avec à la charge, une bouse plu énorme et plus puante que celle du peuple entier »(P.41). Selon l’auteur, pour s’enrichir, il faut devenir Président et pour devenir Président, il faut s’endetter. Une fois sur le fauteuil présidentiel, il faut rembourser les dettes avec les intérêts disproportionnés, « payer d’innombrables taxes aux puissances protectrices : les frais bancaires de stockage de biens, les droits d’adhésion au club des présidents inamovibles, sans oublier les cotisations mensuelles de terre d’accueil pour d’éventuelles obligations d’exil…»(P.41). C’est en essayant d’assurer toutes ces charges que l’économie se voit charcutée par les dirigeants.

Enfin,  l’abus de la culture. En Afrique, la culture « est à la croisée de l’identité et de la créativité »(P.46). Elle constitue un pan capital du continent et ne doit en aucun cas être lésée. Toutefois, beaucoup l’utilisent de manière abusive et même incohérente pour créer des fêtes soit disant identitaires à tort et à travers. On en vient donc à une collection de fêtes aussi inutiles que ridicules. Il est donc important de rappeler que « la culture n’est pas une cérémonie de libations »(P.46) et qu’elle doit être respectée.

A travers le personnage de ce livre, on voit que l’auteur foule au pied les règles de l’écriture théâtrale pour dénoncer certains faits de société. Il a va avec plein d’humour. Un livre à lire absolument.

Ariel MIGAN

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