Biscottes Littéraires reçoit pour vous cette semaine, un auteur camerounais, Joseph MBARGA: « Pour moi, il faut beaucoup lire pour bien écrire. Cela permet de connaître ses goûts, peut-être de découvrir ses forces et ses faiblesses en tant qu’auteur ou autrice et d’avoir une bonne culture littéraire. »
BL : Bonjour, Joseph MBARGA. Présentez-vous à nos abonnés, s’il vous plaît.
JB : Bonjour à tous vos abonnés. Je suis Joseph Mbarga, écrivain Camerounais, auteur de 3 recueils de nouvelles et d’un roman thriller paru il y a quelques mois. Mes nouvelles sont des scènes de vie qui racontent de petites histoires du quotidien de la ville et du village.
Mon roman Derrière le sourire du masque, paru il y a quelques mois, aborde en point central la destruction de la mémoire collective des peuples africains par le pillage de leurs richesses, savoirs et patrimoines vitaux.
BL : Pourquoi écrivez-vous ?
JB : J’écris parce que je suis d’abord un lecteur. Les histoires, ceux et celles qui les écrivent m’ont toujours fasciné. Je me souviens encore de l’émotion créée en moi par la lecture de La Case de l’oncle Tom. J’ai tout de suite eu envie de me plonger dans ces mondes merveilleux et de vivre moi-aussi plusieurs vies. C’est ainsi qu’au collège j’écrivis déjà de petites histoires et j’ai même été parmi les gagnants d’un concours de nouvelles organisé dans notre établissement.
Par la suite, je me suis rendu compte que l’écriture permettait de mettre un peu d’ordre dans le chaos, aussi bien dans celui qui est en moi que celui que je vois autour de moi. Voilà comment aujourd’hui l’écriture est une tentative pour recréer des choses en les ramenant à ce qui à mes yeux pourrait être l’essentiel, surtout chez nous.
BL : Qu’est-ce qui vous a marqué depuis votre premier livre ?
JB : L’écriture est une activité solitaire et depuis la parution de mon premier recueil de nouvelles, j’affectionne les échanges avec les lecteurs. Ces interactions sont importantes et influencent sans doute en partie mon travail.
BL : Vous avez 4 livres et le tout dernier est Derrière le sourire du matin. C’est un thriller paru en 2020. Cher auteur, pourquoi devrait-il être lu ?
JB : Pour écrire le roman thriller Derrière le sourire du masque, je me suis posé la question de savoir comment nous pouvons faire pour retrouver nos objets de culte dérobés et éparpillés dans le monde, les ramener chez nous et les accueillir dans les conditions optimales sachant que nous devons être prêts pour que le retour de ce patrimoine soit fructueux. Il ne suffira pas d’aller chercher les différents objets, il faudra savoir ce qu’il faut en faire. Par exemple, lorsque la statue Afo Akom est revenue au Cameroun après son vol et de nombreuses péripéties, elle a repris exactement sa place dans le royaume. Est-ce que c’est le sort que connaîtront tous les objets de culte à leur retour ?
Pa ailleurs, il faut savoir que si l’on s’accorde à reconnaître que 80 à 90% des objets de culte africains se retrouve hors du continent, il y a encore un trafic qui perdure. Ce trafic est d’ailleurs encouragé aujourd’hui avec les prix record qu’atteignent certains objets lors des ventes. Nous devons penser aussi à préserver la richesse patrimoniale qui est encore disponible sur le continent.
J’invite le lecteur à se faire sa propre idée de ces enjeux. Mais bien sûr, le roman est d’abord un thriller avec du suspense, des personnages attachants qui se meuvent dans nos villes et surtout à Douala qui est une ville que j’adore.
BL : Depuis sa sortie, les retours sont-ils positifs ?
JB : Les retours sont positifs. On me parle beaucoup du suspense et j’ai noté une certaine fascination pour le personnage d’Alima. Le fait que l’histoire se déroule à Douala, une grande ville africaine, donne des points d’ancrage pour suivre l’action avec un certain plaisir. Des lecteurs et des lectrices me demandent du reste quand sortira le film…
BL : D’après vous, quelle position occupe le thriller en Afrique ?
JB : C’est un genre qui existe, mais que les lecteurs et les lectrices ne perçoivent pas toujours comme tel. C’est d’ailleurs pourquoi je précise autant que possible que mon roman est un thriller. Cela étant, les lecteurs ont besoin un peu partout d’avoir une certaine culture pour faire la différence entre les genres littéraires. Dans le roman, il y a des romans policiers camerounais et africains qui sont mentionnés. C’est une invitation à découvrir cet univers fascinant sous un prisme africain.
BL : Comment trouvez-vous la littérature au Cameroun et en Afrique en général ?
JB : La littérature dans nos géographies est dynamique et inventive.
Il y a de nombreux auteurs d’hier et d’aujourd’hui à découvrir. Dans certains pays, les différents acteurs de la chaîne du livre doivent encore apprendre à bien travailler ensemble pour rendre l’industrie viable au niveau local d’abord.
Mais on peut tous noter aussi qu’il y a un regain d’intérêt dans le monde pour la littérature africaine notamment celle produite à partir du continent même, et c’est une excellente nouvelle.
BL : Quelles sont vos habitudes quand vous écrivez ?
JB : J’écris lorsque je trouve du temps pour le faire. Donc, j’ai pu écrire sur des créneaux différents du jour ou de la nuit. Mais j’aime bien le créneau où je peux me lever tôt, par exemple à 4h du matin, travailler dans une certaine quiétude jusqu’à 9h ou 10 h environ.
BL : Quels sont les 5 acteurs de la littérature africaine qui vous ont marqué durant ces 5 années ?
JB : Je suis frappé par la volonté de différents acteurs de la chaîne du livre de bien faire leur travail.
Pour ce qui est des écrivains, les auteurs comme Mutt-Lon montrent qu’il est possible d’écrire à partir du continent et de rayonner dans le monde entier. Notre compatriote Djaïli Amadou Amal est actuellement au firmament des lettres. J’ai eu l’occasion de discuter récemment avec Blick Bassy qui est une sorte de virtuose touchant à plusieurs formes d’art dont la littérature, la musique ou le cinéma. Et Sami Tchak est un illustre aîné qui, en plus de son œuvre foisonnante, est une figure tutélaire et un érudit de la littérature. L’époque est formidable !
BL : Quels conseils donnez-vous aux jeunes auteurs ?
JB : Pour moi, il faut beaucoup lire pour bien écrire. Cela permet de connaître ses goûts, peut-être de découvrir ses forces et ses faiblesses en tant qu’auteur ou autrice et d’avoir une bonne culture littéraire. Lire des ouvrages « techniques », ceux qui expliquent les genres littéraires par exemple est un atout. Et par-dessus tout, il faut écrire et discuter avec d’autres auteurs si possible. Enfin, il faut se rappeler ces mots extraordinaires de Toni Morrison « Si vous voulez lire un livre mais qui n’a pas encore été écrit, vous devez l’écrire ». Oui, vous avez bien lu, vous devez l’écrire !
BL : Comment peut-on être en possession de votre livre ?
JB : La diffusion de mon roman thriller est assurée par le Grand Vide Grenier. Le livre est notamment disponible pour ce qui est du Cameroun à la Librairie des Peuples Noirs à Yaoundé et la FNAC Bali à Douala et, bien sûr, sur les plateformes numériques dont Amazon.
BL : Votre dernier mot ?
JB : Nous devons accorder plus d’intérêt à nos richesses cultuelles, culturelles et patrimoniales. Il y a là un pan de nous-mêmes que nous ne connaissons pas. Or, il est important de le connaître, ne serait-ce que pour notre culture…générale.
A l’heure actuelle, le retour inéluctable de nos richesses artistiques et spirituelles disséminées à travers le monde questionne chacun de nous, que nous soyons des acteurs directs de ces processus ou non. C’est pourquoi, il est impératif de suivre de près ce qui est en cours, ensuite réfléchir et proposer des solutions sur le retour et la préservation de nos héritages.
BL : Merci pour votre temps.
JB : Merci à vous.