Vigblé tentait sans grand succès de se concentrer sur le livre qu’il s’était donné pour objectif de terminer. Il n’y arrivait pas. La concentration n’était plus son fort depuis un certain moment. Il n’arrivait quasiment plus à faire grand-chose. Il essaya de porter son attention sur la télévision où se diffusait un épisode du tele novelas el triumfo de lamor. Max et Maria venaient de se donner un houleux câlin. On ne pouvait plus profond.Ceci lui fit bizarrement très mal. Il éteignit la télé avec une envie subite d’en faire un ballon de rugby. Mais il s’en retint pendant qu’il était encore temps. Il prit un cahier et voulut écrire quelque chose, n’importe quoi. En effet, la plume était pour lui exutoire. Féru de littérature bien que scientifique, il en avait fait à travers la lecture et même l’écriture, un lieu où il pouvait à tout loisir s’enfermer pour en ressortir vidé de tout chagrin. Il prit son stylo. Mais, l’épisode de sa mésaventure lui revenait toujours.
C’était hier soir, à la fête de la Saint-Valentin. Adjoua et lui avaient passé une soirée de fous. Il avait aimé, jusqu’au moment où lui, l’indomptable Vigblé s’était pour la deuxième fois de sa vie, fourvoyé. Il avait pensé trop loin, si bien que la réalité lui était beaucoup plus difficile à vivre. Pour se remettre en place les idées, il se mit à écrire un poème auquel il donna le titre de ‘’Ouvre les yeux’’…Mais au bout d’un certain temps, il se relut et se rendit compte qu’il cherchait le bonheur perdu ailleurs. Il se relut encore…
Il est là dans le silence
De la fleur qui, chaque matin te sourit.
Dans l’eau qui de ses feuilles dégouline,
Transparait un être qui rit.
Aux éclats du soleil, elle livre ses pétales :
Cette fleur qui à l’appel, s’ouvre à la joie
Elle n’attend que la silencieuse mélodie
Qui la berce au gré du vent parfois pie.
Il est là dans la lumière du matin,
De ces matins revêtus d’or :
Cet or dont le soleil l’a sans disgrâce couvert,
Pour, à la fête, joindre la verte parure de la terre.
Aux vents, chante l’aurore,
Cette verdure qui tout comme au crépuscule,
Demeure enchantée de tout l’or.
Oh !or qui précède la nuit.
Il est là au loin
Dans cet astre qui brille la nuit.
Cherche bien dans les étoiles !
Même si regarder la lune lui sert de tremplin.
Dans l’interminable danse de ces petits être,
Rythmée aux battements de ton cœur,
Dans l’ascendant, pour eux, de ton être,
Tu trouveras ce que tu cherches.
Il est là,
L’ange de nos vies :
Enfance éternelle
Bienfaisante pluie,
Ondée rebelle.
Nature inouïe,
Habibi immortel,
Entamure amie.
Ugh atemporel,
Reflet du ciel.
Il est là, le bonheur, au début de chaque chose.
Maintenant qu’il y pensait, pourquoi ne pas l’écrire ? Pourquoi ne pas consigner quelque part son histoire pour avertir ces jeunes qui ne rêvent que d’amour? Rien qu’à y penser, vigblé en eut la gorge nouée d’amertume. Il n’y avait pas d’amour. Il n’y avait que d’intérêts. Cette pensée, il la ruminait assez pour être sûr de s’en imprégner, c’est triste de le dire, mais à jamais. Les feuilletons avaient en effet leurré plus d’un pour lui. Il s’était déclaré désormais capitaliste, pour une affaire de cœur.
C’était donc hier soir. Aux environs de 19h15. Adjoua était venue chez lui comme prévu. Elle avait mis sur un jean noir, un habit à bretelles de couleur blanche. Elle était tout simplement radieuse. Vigblé l’invita à s’asseoir. Ils discutèrent longtemps, sans que vienne à Vigblé le courage de lui conter fleurette. Ah non !C’est de Vigblé qu’il s’agit ! Lui qui ne pouvait même plus compter ses conquêtes au bout des doigts des mains et des pieds…devenir du coup muet comme, non !plus qu’une carpe. Ils avaient fait la cuisine et mangé ensemble. Leur complicité était grande jusqu’au moment Adjoua se décida à rentrer. Vigblé prit sa main sans s’en rendre compte. Tous les atomes de son corps s’étaient mis à danser le tipenti à un tempo beaucoup plus accélérée. Il essaya de sortir les mots capables de rendre comme il se doit sa pensée sans grand succès.
- Oui ? Qu’as-tu donc à me dire qui soit si difficile à exprimer ?
- Euh !!!en fait, tu me plais et je me demandais si ce ne serait pas possible de nous lancer dans une relation…
- Je crains que nous ne nous comprenions pas… Mais je suis déjà en couple avec quelqu’un.
- Ah d’accord. Ce n’est pas grave.
- Apparemment, peu t’importe que je sois déjà en couple…au revoir.
- Attends !
Adjoua se vaporisa malgré les interpellations de Vigblé qui continua en vain à s’époumoner…
- Attends, Adjoua, attends
- Vigblé, qu’est-ce qui t’arrive ? demanda Cocou après avoir réveillé son ami. Tu es sérieux là ?
- Elle m’a dit non
- Adjoua t’a dit non ?! Mais pour quoi ? N’est-ce pas devant moi qu’elle t’a invité à passer la soirée de demain, la Saint-Valentin ?
- Pardon, c’est un rêve.