» L’homme dit fou et la mauvaise foi des hommes », Florent Couao-Zotti

 » L’homme dit fou et la mauvaise foi des hommes », Florent Couao-Zotti

L’homme dit fou et la mauvaise foi des hommes est un recueil de neuf (09) nouvelles, édité pour la première fois en 2000 par le Serpent à plumes. Ecrit par Florent Couao-Zotti, ce livre nous renvoie dans la société d’aujourd’hui avec ses tares.

  • Du résumé de chaque nouvelle
  • « L’homme dit fou et la mauvaise foi des hommes » (p 9- p 39)

Prosper Natchaba, « l’homme dit fou », un économiste renvoyé de la fonction publique tombe dans la galère. Il se promène désormais dans les rues avec Viscentia sa fille, avec qui il traverse le calvaire. Prétextant un rendez-vous avec le PDG de la banque centrale, il débite des injures qui finissent par faire intervenir l’inspecteur Malou et ses hommes pour l’arrêter. Mais à coups de forces magiques, il met en déroute la troupe de Malou, affronte ensuite le maire de la ville qu’il accuse de mauvaise gouvernance dans un débat télévisé en direct diffusé par la Gazette. Devant tout le monde, il disparaît suite à l’usage des incantations tout en faisant une promesse : « Je reviendrai vous délivrer de la mauvaise foi des hommes », p.39.

 Quelques personnages:

Prosper Nachaba : Père de Visenctia, économiste limogé, devenu fou.

Malou : Inspecteur de police : il a pour mission d’arrêter le fou

PDG : Directeur de la banque centrale : c’est lui qui a appelé la police pour arrestation du fou.

  • Le monstre (pp 41- 52)

A la fois victime de viol par son oncle et tuteur Dossou et contaminée au VIH/Sida, Césaria a fini par éliminer en elle sur conseil et soutien de sa cousine prostituée, le petit enfant qu’elle appelait « le monstre ». Son oncle qui désirait avoir enfin un enfant, nourrissait le plaisir secret d’être comblé sans avoir avoué auparavant son crime avec sa nièce.  Cette dernière ne connaissant pas l’auteur de ce viol, finit par le découvrir après l’avortement et se rend compte que c’est son oncle.

Quelques personnages

Césaria : Nièce de Dossou, victime du viol. Elle vit avec son oncle depuis 10 ans

Dossou : Oncle tuteur de Césaria, célibataire endurcie et sidéen. C’est lui qui viole sa nièce.

Cousine : Prostituée et conseillère en avortement

  • L’avant-jour du paradis (p.p 53-83)

Le couple Marc et Lysa vit dans la pauvreté. Désireux d’offrir une vie épanouie à sa femme Lisa, Marc est obligé de braquer un tontinier en le rouant de coups pour lui voler son argent. Devant l’impossibilité de son mari de justifier la provenance de l’argent, Lysa se fâche et s’adonne à la drogue. Dans son second état, elle se colle à Marc. Ce dernier la brutalise et la conduit ensuite à l’hôpital. Mais Lysa prend la fuite et se retrouve en ébats sexuels avec un chien. Marc, horrifié devant cette scène immorale et inhumaine, finit par tuer le chien. Accusé de double meurtre (tontinier et chien), la population se jette sur lui.

Quelques personnages :

Lysa : Femme de Marc, consommatrice de drogue et de plaisir sexuel avec le chien.

Marc : Epoux de Lysa, braqueur du tontinier et assassin.

  • Petits enfers de coins de rues (pp. 85-117)

Un enfant de la rue abandonné à lui-même se sent obligé de voler pour survivre. C’est ainsi qu’il  arrache un pendentif en or d’une dame qu’il avale pour le dissimuler. Dans sa tentative de fuite, il tombe dans une lagune, mais est sauvé par Nubi, le roi des voleurs, qui réclame sa part du butin. Rusé, il réussit à s’échapper de nouveau. Malheureusement, il est blessé par une moto. Dans l’agonie, il demande du secours avant de vomir le bijou en or devant la victime, puis s’éteint.

Quelques personnages :

L’enfant : enfant de rue, voleur. Abandonné par les parents, il vit dans la rue

Nubi : Roi des voleurs et sauveur de l’enfant.

  • Présumé sorcière (pp 119-138)

Le narrateur, endeuillé par la mort subite de son enfant accuse les sorciers dont il aurait eu les manifestations nocturnes. Abiba, la mère de l’enfant reste inconsolable. Brusquement, une information parvient selon laquelle une chouette échouée sur un terrain vague s’est transformée en une femme hideuse. Le père de l’enfant, devant cette population furieuse et vengeresse, vient déposer devant la chouette devenue femme, son enfant mort. Une seconde chouette horrible et effrayante apparait. L’homme accuse et menace la sorcière d’être l’assassin de tous ses enfants morts. S’en suit alors une série de scènes magiques, de démonstrations de pouvoirs occultes par les sorcières avec une pluie drue.

Quelques personnages :

Le narrateur : père de l’enfant mort

Les deux chouettes : les deux sorcières

Abiba : la mère de l’enfant mort

La population : témoin des faits.

  • Le rire nombril (pp 139-166)

Histoire extraordinaire d’une femme qui danse avec un nombril hors du commun pour faire rire le monde. Elle parcourt tous les quartiers pour offrir des spectacles à la population contre de l’argent spontané. Suite à une prestation, elle est accusée d’escroquerie organisée avec l’aide d’une autre danseuse. Toutes deux sont arrêtées. A l’audition, le juge ayant trop ri devant la prestation de la danseuse meurt. Ensuite, elle presta nue devant le président, qui incapable de se contenir, ordonne de tirer sur elle sans sommation.

Quelques personnages :

La femme : Danseuse, virtuose de la danse avec le nombril

Le juge : Il devrait juger la danseuse, mais mourut

Le président : Il a demandé à ses gardes de tirer sur la danseuse.

  • Délalie (pp. 167-177)

Officier de l’armée, le lieutenant Martin Koffi Azon s’est marié avec Délalie. Ils ont eu beaucoup d’enfants. Convaincu de l’infidélité maladive de sa femme, Azon décide de s’en remettre aux charlatans pour miner cette dernière. Malheureusement, l’effet n’a pas duré, et un soir, il voit sa femme partir devant lui dans une voiture avec l’un de ses amants, qui n’est autre que le supérieur hiérachique de Martin : le Général Kouyo.

Quelques personnages

Martin Koffi Azon : lieutenant de l’armée et mari de Délalie.

Délélie : épouse de Azon, femme infidèle.

  • Jonquet blues (pp 179- 191)

Qui ne connait pas le quartier Jonquet à Cotonou ? Ici,  l’auteur fait une description minutieuse et cocasse de ce quartier chaud de Cotonou.  On découvre « Jonquet blues » avec son ambiance particulière, bouillante, bruyante de ses bars, maquis, commerces divers, prostitution à tous les prix, du gangstérisme.

Quelques personnages :

Les prostituées : vente de plaisir sexuel

Les vendeuses : vente à la volée et serveuses dans les maquis

  • Tant qu’il y aura des anges (pp 193-214)

Ablan, mère de quatre filles, n’arrive pas à enfanter un garçon. Du coup, son mari l’a ignorée. Mais finalement, elle accouche d’un garçon prénommé « sèna » qui est pour Ablan, un don de Dieu. Sans tarder, Vero, sa cousine, incapable de concevoir, vient voler l’enfant. Dans sa fuite à travers le lac Nokoué, elle est rattrapée par trois hommes avec Ablan, mais finit par rendre l’âme, avec le bébé volé.

Quelques personnages :

Ablan : mère de quatre filles et finalement de Sèna, qui est volé

Véro : Cousine de Ablan, sans enfant. C’est elle qui a volé le garçon et finalement morte.

  • De la thématique

L’amour et ses dérivés

Ah ! L’amour, toujours l’amour. En son nom, tous les coups sont permis. Et quand il rime avec des pratiques occultes, des questions se posent. Dans la première nouvelle qui a d’ailleurs le titre éponyme du livre « L’homme dit fou et la mauvaise foi des hommes », c’est au nom de cet amour protecteur que Prosper Natchaba revient voir sa fille et empêche quiconque de lui faire du mal « Tu es là, ma chérie. Tu es enfin là. Viens tout près de moi », p11. « Je suis maintenant vieux, murmure-t-il, je n’ai plus de lait dans mes seins. Mais c’est promis, je ne te quitterai plus, on ne se quittera plus… », p.12. L’amour nous fait faire des folies. Prosper est allé jusqu’au bout pour protéger sa fille au point d’assassiner la mère de sa fille, P.20. Pour beaucoup de personnes, l’amour poussé peut amener un être au viol de la chose tant désirée mais peut-être inaccessible. C’est le cas de Dossou dans « Le monstre » qui a violé sa nièce Césaria pour avoir d’enfant : « Cris, sueur, urines, sperme, sang. Le monstre à visage humain, c’est donc lui… A lui ce muscle idiot, ivre de folie qui a injecté le pou, l’horreur du siècle en elle. », p.48. Les conséquences d’un tel acte sont désastreuses : l’avortement. Comment garder un enfant dont on n’a pas voulu et de surcroît d’un membre de la famille ? Mais comment faire avec une personne qu’on aime et qui nous est infidèle ? Martin Koffi Azon pense avoir trouvé la solution : miner sa femme par les forces occultes. En effet, dans la nouvelle « Délalie », incapable de supporter les insultes et l’infidélité de sa femme, Martin alla consulter un charlatan pour régler une fois pour de bon le problème, même s’il devait laisser une grande quantité de somme. Qu’importe, que le résultat soit là : « Le jeune officier commença à écumer les cases obscures des charlatans. Il se fondit dans  les ombres enfumées et épicées des gris-griseurs. Tout y passa : couches de menstrues transformées en poudre à avaler, poils de pubis réduits en pentacles, prières et invocations psalmodiques, transes, sacrifices… », pp. 171-172. Mais parfois, le résultat n’est pas souvent probant. La preuve, Délalie continue à jouir de l’amour avec ses amants. En matière d’amants en amour, il y en a des spécialistes. Ce qui nous conduit vers ces personnes qui sont seulement et souvent en un seul lieu : « Jonquet blues ». Ce quartier adorable et plein de merveilles est devenu un quartier avec une mauvaise réputation ayant « un goût d’orange ridée », p.191. C’est l’endroit parfait où le sexe se vend officiellement mais de façon privée. On achète non pas l’amour, mais les rapports sexuels. En cet endroit, on y trouve tout, n’importe quoi et n’importe qui : des jeunes en manques d’expériences sexuelles qui y vont pour parfaire les techniques, des vieux de tout acabit (fonctionnaire, ministre, artisans et autres) voulant revivre une seconde jeunesse pour certains et en manque d’amour pour d’autres.

Des pratiques traditionnelles

L’autre thématique importante que j’ai trouvée dans ce recueil de nouvelles est le recours permanents aux forces occultes pour résoudre les problèmes. L’auteur y va avec humour et une description ingénieuse. Au fond, il s’agit d’une dénonciation voilée. En effet, le personnage Natchaba, avec des paroles incantatoires a réussi à arrêter les balles tirées par les hommes de l’inspecteur Malou : « C’en est trop. À peine, le doigt de l’inspecteur chatouille la gâchette de son arme qu’une volée de mitraille sort du canon, tout fumant, tout droit sur le fou et l’enfant », p.32. « Mais stupeur. L’homme dit fou est toujours là, debout, avec son enfant, indemne tel un paquet postal. Il avance son point qu’il ouvre grandement, laissant tomber une dizaine de balles », p.33.

 Comment des chouettes peuvent-elles se transformer en femmes ou comment une femme peut se transformer en hibou pour aller manger des bébés ? Est-on obligé et comment peut-on à l’aide de feuilles, d’écorces, de racines et autres ingrédients miner sa femme pour que les amants de la femme infidèle meurent ? Mais si la tradition est dotée de ces forces, comment l’Afrique a pu se faire coloniser ? Ne pouvait-on pas les mettre en pratique contre le colonisateur ?

 L’homme dit fou et la mauvaise foi des hommes  est un livre qu’on a du bonheur à lire. L’écriture y est un peu violente avec des mots crus utilisés sans protection. Le simple lecteur peut se sentir parfois choqué sans pour autant s’énerver car il n’aura pas cette occasion tant les actions s’enchaînent. L’autre mérite de ce livre est l’utilisation des mots d’origine béninoise tout au long du livre. Les actions se passent au Bénin. En témoigne, les quartiers et villes comme espaces des actions : Cotonou, Vossa, Jonquet, Gbégamey, Etoile rouge, Eglise notre Dame, Ganhi… Un livre à (re) découvrir absolument.

Kouassi Claude OBOE

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