La triste nuit s’en va. L’aube suit, toute blanche.
De l’orme, maints oiseaux chantent sur une branche.
Leurs cris épars font bruire toute la nature.
Elle qui offre un clair tapis de sa verdure.
L’air est tantôt géorgique, tantôt classique.
On dirait que la nuit, dans sa robe mystique,
A emporté tout reste des sentiments anciens,
Des humeurs latentes, des états quotidiens.
On entend la pie crier aux autres oiselles :
« Ah !venez mes chères. Venez mes demoiselles !
L’air est doux. La nature est plus que charmante.
Tout bouge. Tout chante. La fleur est fascinante.
Le vallon est, de loin, de fin givre couvert.
Le coteau est splendide et son gazon très vert.
Les beaux cheveux frêles des joyeux goémons,
Flottent au gré du vent, à l’ombre des gais monts.
Le golfe, œuvre de Dieu, les forêts, les landes,
Tous fort bourdonnent avec d’autres jolies bandes. »
La belle linotte, avec sa mine coquette,
Fait tonner sa voix de son étique pochette :
« Le grand saule verse ses pleurs près de la mare.
Le soir, le feu au village danse dans maint lare.
Les enfants des hommes, au très clair de la lune,
Bougent comme des écrevisses sur la dune.
Ici, les pas de danse, là-bas les cris d’extase.
Une épaisse fumée, flotte sur toute case.
Un groupe joyeux de sages rit dans la cour.
On parle des enfants, on parle de l’amour.
La douce voix des heureux par moments s’élève.
Tout parait vraiment beau, on dirait un vrai rêve»
L’alcyon ouvre son bec, remue sa lisse plume :
« La mer est moins calme. Sa lame fort écume.
Elle se brise aux flancs des coteaux solides,
Et repart vite comme de discrets bolides.
Les grèves sont grises. Le zéphyr est plus tendre.
L’écho des dryades la nuit se fait entendre.
Il réveille les sens, il séduit les dorades.
Il charme fort et retient les poissons nomades. »
Le gracieux rossignol, de sa voix harmonieuse,
Fait, en contemplant bien la nature heureuse :
« Le ciel est bleu. Les nuages dansent tout beaux.
Le soleil bien se dévêt de ses vieux lambeaux.
Il parait si fort qu’il fond les métaux en bruines.
Plus de fumées, plus de poussières, plus de ruines.
L’éther, l’invisible océan bleu sans rivages,
Sans bornes, sans grèves, juste que de mirages,
Sans milieu, sans forme, sans tête, sans âme,
Sans cœur, sans foi, sans esprit et même sans flamme,
Mais où se mêlent les vents du matin et soir,
L’aube et crépuscule, comme de l’encensoir,
Les parfums épars au but consonant qu’est Ciel ;
Les bises et canicules pleines de fiel,
Les astres de nuit et les vœux des cœurs sincères,
Les pures obscurités et les vraies lumières ;
Cet éther exhale un effluve agréable.
Les hommes sont en fête. C’est bien indéniable. »
Ces oiseaux s’expriment. Les hommes dansent de joie.
Ils portent leurs souliers, leurs vêtements de soie.
C’est vraiment la fête. Une année nouvelle.
L’homme est élégant, la femme est très belle.
En fête, tout bouge, tout parle, aussi tout chante,
Tel ce groupe d’oiseaux à la verve frappante.
On n’entend souvent pas leurs vœux d’amour, de paix,
Qu’ils nous formulent bien dans leurs arbres épais,
Car les sens sont amincis par l’odeur de fête,
Or, la nature est pourtant de merveille faite.
RICARDO AKPO