« Les rescapés de l’indifférence »: quand le sang innocent gicle à la joie des vautours
Jean-Patrice DAKO vient de publier aux Editions plurielles (Cotonou, 2018)un roman profondément bouleversant, à la limite révoltant, violent et déchirant : « Les rescapés de l’indifférence« . Mais attention, le livre sonne comme une mise en garde sonore et rugueuse, un avertissement à prendre au sérieux : « Que les manipulateurs n’ouvrent pas ce livre. Que les âmes sensibles n’y touchent pas non plus. Que ceux qui considèrent la politique comme l’art d’allumer le feu pour se pavaner comme pyromane s’abstiennent de prendre ce livre. Car s’ils le font, ils se trouveront en face de la bête qui rugit en eux et met à genoux l’humanité qui, en l’autre, aspire à un mieux-être. Et pourtant, ils devront le lire aussi, pour se mirer dans les dégâts et torts causés aux autres, à cette Afrique qu’ils enchaînent et piétinent, bafouent et avilissent ». A la vérité, ce livre n’est pas écrit pour ceux qui versent le sang et font semblant de pleurer le sort de leurs victimes. On peut l’appeler sadisme ou méchanceté, supercherie ou diablerie. Mais Jean-Patrice DAKO, en commettant cette œuvre, s’adresse à tous ceux qui ont encore un peu de cœur. Il pense toucher le cœur de tous ceux qui peuvent encore, à travers les larmes des enfants brisés par la misère, la mendicité, la faim, la guerre et autres calamités, entendre résonner dans leur âme le cri accusateur qui monte de ces gorges tranchées, ces poitrines ouvertes à coup de sagaies, ces côtes brisées et broyées par les rangers et « les souliers régnants », ces seins précocement fécondés, ces enfants confrontés très tôt à la dure réalité du struggle for life : « Ne cherchez jamais le diable en enfer, ni sur la terre, ni dans la mer. Cherchez le diable en vous et vous le trouverez.« (Jean-Patrice DAKO, « Les rescapés de l’indifférence », Editions Plurielles, Cotonou, 2018, P 184, en écho à ces propos de Sony Labou Tansi : « Ne cherchons plus, nous avons trouvé : l’homme a été créé pour inventer l’enfer. » (Sony Labou Tansi, La vie et demie » Seuil, Paris 1979, P.117) En vingt-un soupirs, l’auteur dézingue cette hypocrisie noire qui fait porter aux autres les conséquences de nos actes et nous faire entrer dans le ventre de cette Afrique déchiquetée par les guerres, cette Afrique qui se noie dans le sang de ses fils les plus vulnérables, cette Afrique remplie de monceaux de chair humaine au sommet desquels les vautours se hissent pour regarder de haut leurs victimes qui suffoquent et ahanent, exsangues et galeuses, dans la vallée des larmes et de la souffrance. « Les rescapés de l’indifférence« , le doigt accusateur qui indexe cette Afrique rouge du sang innocent de ses enfants qui ne demandent que le pain et l’eau. « Les rescapés de l’indifférence« , scanner d’une Afrique amnésique qui explose son avenir dans les déflagrations des roquettes et des obus en se fiant aux jugements parfois insensés de ses dirigeants. Et dans tout cet imbroglio, Véronique Tadjo semble renforcer la mise en garde de Jean-Patrice DAKO : « Les politiciens ne disent jamais la vérité. Ils attisent les haines. Quand le pays est pauvre et que la jeunesse est désœuvrée, ils peuvent facilement manipuler les gens en faisant des autres la cause de leurs malheurs. » (Véronique TADJO, L’Ombre d’Imana, Voyages jusqu’au bout du Rwanda, Actes du Sud, 2000).
Contenu
Une nouvelle famille prend corps chez Madame Louise, une Française installée en Afrique. Les soulèvements au Kenya lui ont enlevé un fils, son aîné, Pierre. Elle crée une oasis d’amour où elle recueille les « blessés de la vie, les blessés de (la) guerre ». Cette famille a un destin commun, un visage commun balafré d’un malheur identique : les affres de la guerre et de la mort. Et ce n’est pas anodin que l’œuvre s’ouvre sur la dernière calamité qui a secoué l’Afrique et décimé ses enfants : Ebola. La maladie et la mort sont les plus grands maux que redoutent les hommes. Mais la communauté de souffrance réunie autour de Madame Louise, comme dans Pv Salle 6 de Habib DAKPOGAN, noie sa douleur dans les confidences. Il leur est vital de se libérer pour échapper à l’emprise de la tristesse, car ainsi que l’affirme Mongo BETI : « La tristesse est un état bâtard que seul les faibles affectionnent. »(Mongo BETI, Le pauvre Christ de Bomba, Présence Africaine, Paris 1976, P. 188). Chacun raconte son passé pour adoucir les peines des autres. Cataplasme sûr que de s’extérioriser. S’épancher, fait revivre, se pencher sur les douleurs de l’autre, élève : « Nous n’avions pas du plaisir à raconter notre vie, mais c’était la manière la plus simple pour nous d’évacuer notre haine contre notre passé. C’était une manière pour nous de dire que nous n’avions pas tort d’exister, que nous étions des humains et que nous le serons toujours tant que le soleil brillera. » (P. 197) Ainsi, les enfants se lancent dans de grandes narrations dures à supporter. Et on se demande comment ils ont pu vivre toutes ces atrocités sans craquer. De Digbé à Kossivi, Abdoulaye, Karimou, et même Madame Louise, c’est toute l’Afrique en guerre qui est décryptée : Togo, Kenya, Côte-d’Ivoire, Centrafrique. Guerres politiques, guerres religieuses, animosités et atrocités se conjuguent pour mettre en péril le sort des citoyens, surtout l’avenir des enfants qui n’ont pas encore fini de poser des questions à la vie, mais qui subitement sont obligés de répondre aux questions existentielles auxquelles les soumet la dure réalité de la guerre et de l’inconscience des grandes personnes. La communauté de souffrance constituée autour de Madame Louise brasse, outre la guerre et son cortège de viols et de violences, les questions telles que la traite et le travail des enfants, l’inconscience professionnelle dans les centres de santé. Mais par-dessus tout, à travers la voix de ces enfants, c’est la rage de l’auteur qui crépite dans chaque intervention. Et la conclusion implacable à laquelle il fait aboutir son œuvre et qu’il énonce d’ailleurs dès les premières lignes de ce roman, c’est que la guerre est bête.
– La guerre, une bêtise humaine
Il a de la verve, Jean-Patrice DAKO, et sa pensée est tranchante, incisive et sans appel. Lisons ensemble : « La guerre déshumanise l’homme et altère l’image de Dieu en lui. » (p.149). S’il est vrai que les latins jadis arguèrent que « qui vis pacem para bellum« , que vaut une telle assertion dans le contexte d’une crise sociale qu’on pense résorber au moyen des roquettes et des machettes? Comment des peuples d’une même nation, d’une même terre seront-ils ennemis et se déclarer la guerre en s’entre-déchirant pour les beaux jours d’un président qui ne perd aucun membre de sa famille lors desdits affrontements? Comment peut-on, au nom de Dieu qu’on dit invoquer sous divers vocables, se mettre à se découper en petits cubes de chair ? Si Dieu est Un, ses adorateurs ne devraient-ils pas l’être aussi? Quelle incongruité que de se diviser et de s’entretuer au nom de Dieu et de la religion qui par essence et étymologie relie et unifie ! (du latin relegere « rassembler » et religare « lier, relier »). Qui cherche la paix ne doit-il pas plutôt préparer la paix, la promouvoir? Comment ceux-là qui viennent grappiller nos suffrages arrivent-ils encore à allumer en notre sein le feu de la haine? Diviser pour régner. Régner pour diviser. Et Jean-Patrice de s’indigner en donnant la parole à Abdoulaye : « Chers amis, la guerre laisse toujours des traces. Toujours! Mais la vérité, c’est que des gens profitent de cette guerre pour faire leur business : ils s’enrichissent dans le sang! Ce qui est aussi vrai, c’est que nous savons quand ça commence, mais nous ne savons jamais quand elle finit! » ( Page 113). En clair, la guerre est une bêtise, une vraie sottise. Et s’aligner derrière ces politiciens véreux qui l’allument pour venir après jouer aux sapeurs pompiers, c’est oublier qu’on sape le développement de l’Afrique et que nous enrichissons à nos propres dépens les marchands d’armes qui n’ont pas le supplément d’âme nécessaire pour savoir que l’homme vaut plus que l’argent : « Concernant les grandes sectes terroristes, la solution dépend des personnes et des institutions mafieuses, car ce sont elles qui les alimentent. » (p. 153) « Les rescapés de l’indifférence« , c’est aussi la dénonciation de la traite et du travail des enfants, la défense des droits des enfants.
– La défense des droits des enfants
Dans « Les rescapés de l’indifférence« , Jean-Patrice DAKO s’insurge contre les mauvais traitements faits aux enfants. S’il est vrai que l’avenir leur appartient, il est de ce fait impératif que nous prenions soin d’eux et que nous les préparions à relever les grands défis humains et sociaux qui les attendent. A la vérité, c’est une incongruité que de saper l’avenir de ces jeunes pousses qui portent l’espoir de l’humanité. Dans la description que fait de Manou, le « Bétonnier », l’auteur interpelle nos consciences et se dresse contre nos indifférences face au rouleur compresseur du malheur qui malaxe ces êtres vulnérables : « Ne pouvant plus de continuer à manger chez les voisins comme ses frères survivants, Manou prit ses responsabilités d’aîné! A sept ans! Sept ans seulement! « (p122). Pendant que Manou troquait sa force et son avenir contre le pain quotidien en travaillant à la carrière puis sur les chantiers de construction, son père remportait le trophée de meilleur buvait d’alcool et ne se souciait guère de l’avenir de sa nombreuse progéniture. La rencontre entre Digbé et Manou sur le chantier arrache au lecteur des émotions fortes : « Il faut dire que dire que nous faisions impérativement sur ce chantier douze heures de travail tous les jours sauf les dimanches. De 06 heures 30 minutes à 13 heures 30 minutes, nous étions ardemment au boulot. (…) On devait encore impérativement reprendre le travail à 14 heures et finir au plus tôt à 19 heures. (…) Parfois, nous travaillions jusqu’à 19 heures 45 minutes » (P 114). A ces enfants, il est interdit le droit à l’instruction. Ils devaient travailler et voir leurs patrons empocher le salaire qui leur revient de droit, en principe. Inconscience des adultes!
La défense des droits des enfants, c’est aussi la dénonciation des traitements dont ils sont victimes. Si l’inconscience paternelle a poussé Manou sur les chantiers, elle a aussi détruit la vie de Sèna. Elle a dû quitter la misère du village en se refugiant à Cotonou. Après sa brouille avec sa patronne qui l’accuse injustement de vol, elle échoue dans la rue. Elle est sans tarder livrée à la prostitution et tombe enceinte à 14 ans. N’eût été le soutien d’une famille d’accueil, Sèna non plus ne connaîtra jamais la joie de jouir de ses droits à l’éducation, au toit, à la santé…Mais au-delà de la dénonciation, la rage de Jean-Patrice DAKO plaide aussi pour la réconciliation, la justice et la paix.
– Réconciliation, justice et paix
L’œuvre résonne comme un discours, un traité rigoureux où sans ambages ni aménité, l’auteur s’épanche en faisant parler ses personnages. De sa réflexion, il appert que la première condition du vivre-ensemble, c’est la justice. Pas de justice, pas de paix. Ni la paix des armes, ni la paix des âmes. Mais les pets répétés des roquettes qui perlent les rues de charognes : » Ne pensez jamais que c’est contre votre gouvernement qu’ils luttent, ou contre une quelconque idéologie! Ils sont simplement essoufflés par la misère et la tyrannie dont ils sont accablés incessamment. Ils en ont assez du détournement de leurs richesses dont vous vous accaparez et que vous envoyez à destination des paradis fiscaux dans les pays occidentaux! » (Pp 152-153). Si la justice est le premier présupposé de la paix que la paix est une attitude collective basée fondamentalement sur le respect du droit à la différence et l’acceptation de l’autre, promouvoir le vivre-ensemble, c’est avant tout pourvoir à chacun ce qu’il lui faut dans le respect de sa dignité et de sa personne. On le sait, face au virus et sollicitations du pouvoir et de l’avoir, l’homme est souvent tenté de sacrifier son frère sur l’odieux autel de ses intérêts mortifères et liberticides. Mais quand la violation des droits humains est perpétrée, il faut encore s’atteler tous ensemble à planter et arroser les semences d’une réconciliation vraie et sincère axée sur le pardon. Cela requiert aussi que la vérité soit faite pour qu’éclate la justice. A cet effet, Benoît XVI écrit : « Pour devenir effective, cette réconciliation devra être accompagnée par un acte courageux et honnête : la recherche des responsables de ces conflits, de ceux qui ont commandité les crimes et qui se livrent à toutes sortes de trafics, et la détermination de leur responsabilité. Les victimes ont droit à la vérité et à la justice. Il est important actuellement et pour l’avenir de purifier la mémoire afin de construire une société meilleure où de telles tragédies ne se répètent plus. » (Benoit XVI, Africae Munus, § 21). Il serait heureux que dans les pays déchirés par les guerres civiles, après les affrontements, les citoyens aillent sous l’arbre de la réconciliation pour que d’une gorge à l’autre, circule la calebasse de la paix retrouvée. Car, ainsi que le proclame avec fougue et énergie Jean-Patrice DAKO, « La plus belle manière de se venger de son ennemi est de lui pardonner. (…) Car la haine est une auto-flagellation et une autodestruction. » C’est à cette condition qu’on pourra espérer qu’un nouveau soleil se lèvera sur l’Afrique.
Une hymne à l’espoir
Le livre Les rescapés de l’indifférence« , n’est pas que sang, rage, ruse, manipulation, mort. Il est aussi une fenêtre ouverte à travers laquelle pourront s’infiltrer dans le ventre de cette Afrique qui se meurt, de nouveaux rayons de soleil qui distillent l’amour et la concorde, l’espoir et la certitude que demain sera un jour meilleur. A la vérité, au cœur même des conflits, sur les champs de batailles, il s’est toujours trouvé une main secourable pour aider tel ou tel autre enfant à échapper à la gueule de la mort. On l’a vu avec le petit Kossivi et ses compagnons d’infortunes sauvés in extremis. On l’a aussi vu avec Sèna recueillie dans une famille d’accueil où sa vie reprend forme et ses rêves font éclater leurs premiers bourgeons. On l’a encore vu avec le secours des hommes de la Croix Rouge qui ont sauvé moult enfants. Et l’apothéose, c’est cette famille, cette communauté fondée par Madame Louise, cette oasis d’amour où chaque enfant se reconstruit. Ici, ils échappent à la rue. Ils ne sont plus enfants de la rue exposés à tous les risques et dangers. Mais ils rencontrent des frères. Ils découvrent une nouvelle famille. Jean-Patrice DAKO en profite pour pourfendre les donneurs de leçons, intellectuels moralisateurs, hautains et besaciers qui crachent en présence des fèces qu’ils ont fabriquées eux-mêmes : « Est-ce leurs fautes de traîner leurs fesses dans les rues? Si c’est leur faute, faites l’expérience de les inviter avec cœur à venir dormir sous vos toits et vous verrez s’ils refuseront! Faites la simple expérience de les accepter, de leur sourire, de leur montrer qu’ils ne sont pas les seuls coupables de cette vie et vous verrez qu’ils ne sont pas faits naturellement pour la rue, ni pour le hasch ! Faites l’expérience! Je vous en prie. Faites l’expérience, vous qui n’êtes pas des hommes de la rue! » (P 151-152)
–Originalité
Au-delà des thématiques abordées avec maestria et dextérité, l’œuvre est originale de par sa présentation. Ici, tout s’est déroulé en vingt-un soupirs. Attention au chiffe 21 et au vocable « soupirs ». Le chiffre 21 renvoie ici aux 21 jours que nécessite l’éclosion d’un œuf de poule. Les soupirs symbolisent l’essoufflement face à l’horreur de la guerre. Si en effet la parole est un œuf, tel l’œuf, elle éclatera pour libérer la vérité que les Mina appelle « Nyanwo, la parole éclatée. »Ainsi, l’on comprend que le but de la parole, c’est d’éclore pour que germe la vérité. Et comme on le sait, dans plusieurs mythologies africaines, la parole est comme l’œuf car tous les deux sont fragiles et ils faut les garder avec soin. La parole est aussi divine, car elle porte vie autant que l’œuf à son éclosion. Il va aussi de même du Logos Eternel, la Parole faite chair, Jésus-Christ la Vérité Eternelle du Père. Par ailleurs, il faut reconnaître que l’œuvre est aussi ancrée dans la littérature orale avec le style de l’arbre à parlabres avec les enfants et Madame Louise.
Dans le livre, le souffle est saccadé et haut. Le style est alerte et rend compte de la nécessité aussi bien pour l’auteur que ses personnages de se vider du poids de la souffrance qui pèse sur leur cœur. Et tout va vite comme dans Une si longue lettre de Mariama BA. Le style à souhait poétique, les phrases voulues courtes, accélèrent le rythme cardiaque du lecteur et l’étouffent parfois. L’enchaînement des interventions des enfants et la distribution de la parole font du livre un pur délice. Quand on y ajoute la qualité du papier et le travail presque exquis de la maison d’édition en ce qui concerne la relecture pour traquer les fautes, l’on peut dire que « Les rescapés de l’indifférence » est une belle œuvre. Et il faut dire qu’elles sont d’une très grande facture les réflexions et les analyses de l’auteur qui dans son œuvre a mêlé au roman, deux autres genres que sont l’essai et la poésie. Il n’a pas que raconté. Mais il s’est servi des faits proposés dans son roman pour inquiéter nos consciences, pour poser à l’univers ses questions, pour interroger les décideurs et les allumeurs de guerre. L’œuvre est par ailleurs rempli d’intertextualités. On y découvre des relents de Amadou Kourouma in « En attendant le vote des bêtes sauvages » avec le personnage commun de Koyaga, et in « Allah n’est pas obligé » avec les récits de guerre mis dans a bouche des enfants. On y sent aussi un peu de Sony Labou Tansi. Mais ce qui frappe, c’est le courage de l’auteur de produire une œuvre d’une crudité violente. Si Amadou Kourouma a usé d’un style déjanté pour amoindrir un peu les douleurs de son personnage, Jean-Patrice y est allé sans gants. Il décrit les scènes sans ménager la sensibilité des lecteurs. Et cela est certainement dû à la thérapie de choc, sans anesthésie, qu’il préconise pour nos consciences. Il veut dans ce livre, nous mettre en face de nos responsabilités et aussi des dégâts monstrueux causés par notre indifférence et nos silences coupables. C’est ce que symbolise justement la première de couverture où sur un océan de sang, tangue une barque ivre et sans voile. Dans la barque, on voit deux silhouettes noires qui représentent, sinon les fantômes, du moins les loques humaines que deviennent les enfants après les guerres.
Conclusion
Jean-Patrice DAKO est un jeune béninois, vivant en France où il prépare son doctorat en Littérature générale et comparée à l’Université de Perpignan via Domitia. « Les rescapés de l’indifférence » (222 pages) est son premier roman. Mais comme première œuvre, c’est un pur délice. On a du plaisir à le lire et l’on découvre, après avoir pleuré le long des récits insoutenables, qu’il y a toujours un nouveau soleil qui se lèvera pour éclairer nos horizons bouchés. L’œuvre est grande de par sa qualité. Elle est dense de par sa facture et les thématiques qui y sont traitées. Qu’elle ouvre sur un long monologue en guise de prologue introduit par une citation de John Kennedy et des regrets du narrateur, il faut réaliser que l’auteur a su situer les récits dans le temps et l’espace où les faits se sont déroulés. Volontiers, on y lit « le camp des réfugiés d’Agamé », Lokossa, Cadjèhoun, Dantokpa, Sèmé, Oumako, etc; , autant de lieux qui nous sont connus. Y sont aussi présentes des expressions en langue Mina (Cf. P 81). Quand on ferme ce livre, on ouvre les yeux sur ce qu’est la guerre. On en voit mieux l’horreur ainsi que l’incongruité, l’absurdité, la sottise et l’inutilité d’en faire l’expérience.
Destin Mahulolo
Merci pour le compte rendu.
Une chronique joliment bien écrite.
Maintenant j’ai hâte de dévorer ce chef-d’oeuvre…