La nuit était belle, éclairée par la lune qui jetait tous ses éclats de lumière sur les fenêtres de la bibliothèque. Cet éclairage aux milles étincelles, telle une constellation, illuminait même les anciens manuscrits en leur redonnant vie. Cette nuit là, flottaient dans l’air des âmes invisibles qui semblaient prendre possession de l’espace. L’air qui planait était si étrange, si léger… Et en même temps comme un parfum, le mystère se répandait dans cette nuit sans ténèbres.
La journée avait été très calme, peu de lecteurs étaient venus consulter. La chaleur extérieure les retenant aux jolies terrasses si accueillantes. Dès la fermeture, la bibliothécaire s’était empressée de remettre en place ouvrages, revues et autres manuscrits qui traînaient sur les tables. Le silence régnait et le vigile, comme un rituel mille fois répétés eut tôt fait de fermer portes et fenêtres.
Quand, le lendemain, les employés arrivèrent, ils furent surpris de constater le grand désordre qui régnait sur les tables. Et ce n’était pas pour la première fois que pareille pagaille se produisait. Mais qui était donc l’intrus qui parvenait à s’introduire dans la bibliothèque, la nuit venue, alors que tout était fermé? Le soir suivant, le gardien voulut en avoir le cœur net et décida de monter la garde.
Sur le coup de minuit, il entendit une espèce de froufroutement dans le couloir. Le cœur battant la chamade, il se tapit derrière le bureau. Un bruit de pas se rapprochait, léger comme un glissement sur le parquet. Une ombre apparut, toute menue, et commença à fouiller dans les rayons. Elle prit un manuscrit et alla s’asseoir à une table.
Le gardien, le souffle coupé, interpella ce fantôme qui, tout à coup, releva sa tête chenue et d’une voix fluette dit : ‘’Je suis Chateaubriand. Je viens compléter le dernier chapitre de mes mémoires d’Outre-tombe’’.
FIN