« TSYLLA » DE CHEIKH DIOP : UNE VIRTUOSITÉ DE LA DÉMESURE

« TSYLLA » DE CHEIKH DIOP : UNE VIRTUOSITÉ DE LA DÉMESURE

PRÉLUDE

« C’est donc quel burin magique

Qui sculpta ce chef d’œuvre

De grâce et de volupté ? »

(Tsylla – poème éponyme, P.34)

TSYLLA DE CHEIKH DIOP : UNE VIRTUOSITÉ DE LA DÉMESURE ENTRE TRANSCENDANCE DE L’ÊTRE ET TRANSGRESSION DU LANGAGE

 Artiste plasticien, romancier, biologiste, physicien, mathématicien, philosophe, biochimiste, chimiste, Cheikh Diop est tout à la fois certes mais substantiellement par-dessus il est poète d’une sensibilité en perpétuel mouvement et d’une intelligibilité indisciplinée. C’est à supposer que de la discipline, Cheikh n’en a cure. Quand bien même en serait-il autrement, elle réside moins dans les domaines de connaissance respectifs que dans l’universalité de la connaissance elle-même. En outre, celle-là qui prédestine à l’épanouissement de soi-même donc par essence de dimension ontologique. Dès lors, tel le preux chevalier en quête du Graal, l’auteur de Tsylla est à l’affût de l’état premier de l’être et du langage. À ce titre,on peut aisément comprendre dans ce recueil de dix poèmes paru aux éditions Fasalque le poète ait érigé la démesure – défiant toutes contenances préalablement établies–en plaque tournante de son écriture par le biais tantôt d’une transcendance de l’être (I) tantôt d’une transgression du langage (II).

  • LA TRANSCENDANCE DE L’ÊTRE

Dans cette œuvre aux allures lyriques, le poète amorce, naturellement, une profonde réflexion sur la question de l’identité. À un point de son écriture, le poème devient une parole naïve, au sens de la proximité des origines.Ainsi réalise-t-il une alchimie de l’oratoire et prononce-t-il des mots qui sont, littéralement, des enfants de l’Amour. Amour du terroir, de l’Afrique et, surtout, amour de la femme. Car l’Amour, Cheikh le chante sur tous les modes si bien qu’il est charnel et tellurique par l’évocation d’une seule et même muse (A). Nonobstant, en invoquant le droit d’inventaire sur son identité propre, le poètese rend compte que dans la quête de soi, il est bien une sagesse à travers « autrui », dont la présence est essentielle à la prise de conscience de soi. D’où un éloge dédié à une mémoire doublement intime et collective (B).

  • UN AMOUR CHARNEL ET TELLURIQUE ENVERS UNE SEULE ET MÊME MUSE

Il n’est pas sans intérêt de relever que dans le chant du poète, Tsylla est une muse aux apparences chatoyantes voire une allégorie empreinte de plusieurs réalités.

De prime abord, comme le notifie dans sa préface le professeur Alioune Badara Diane,Tsylla est surtout une femme.Ses « yeux surréels étincelants », son « regard », son « rire », son « sourire peuplé d’énigmes », sa « chevelure rebelle », son « nez gracieux », son « front candide » et ses « lèvres succulentes » transforment en une « Joconde noire » qui attire irrésistiblement le poète. Pour l’essentiel, le recueil est une déclaration d’amour adressée à cette femme dont les parties du corps sont dispersées dans les différents poèmes. La mythologie personnelle élaborée par Cheikh Diop fait de Tsylla une « Déesse de la Beauté », une muse qui donne son impulsion initiale à la création poétique. Et, par endroits, le poème devient cosmique car quand le poète et Tsylla s’aiment, leurs amours semblent ébranler les assisses du monde.Et Cheikh envouté par sa Venus callipyge de nous interpeler sans tabou :

« Ô lecteur, je vous jure que ce sera

Quelque chose de plus qu’une orgie

Car quand j’aime ma Tsylla

C’est un déluge qui s’abat

Sur le pays submergeant

Les grottes et les gouffres

 

Inonde les plaines voluptueuses

Et serpente dans la vallée

Entre les deux collines jumelles

Quand aussi m’aime ma Tsylla

Le mistral furieux en rut se rue

Dans le continent noir

Caresse la pilosité sahélienne

Jusque dans la forêt tropicale 

De ma tête de Nègre »

(Tsylla – poème éponyme, P.53)

Au demeurant, après cette brève intrusion dans l’intimité du poète, Cheikh somme le lecteur de mettre fin à son voyeurisme afin de ne point succomber à son tour ni « aux croupes rebondies », ni au « diali-diali[1]érotiques autour de la taille souple », ni aux « senteurs enivrants dugongo et du némali[2] »car :

«Sachez que la belle Adorée est à Cheikh

Comme toute marmite à son couvercle.

 

Pauvres Vantards jaloux !

Je suis le bourreau de son cœur

Eussé-je avoir une tête de Silène. »

(Poème Jalousie, P.64)

Par ailleurs, dans un registre moins libidineux et plus maternant,Tsylla symbolise ce monde qui se superpose aux « verts paradis des amours enfantines » dont parle Baudelaire.Par celle-ci, le poète entend à certains égards son royaume d’enfance qui évoque ses racines profondes et les lieux où son rêve de poésie a pris naissance. Par la seule vertu de son pouvoir poétique, Cheikh fait de l’absence une présence et ressuscite le lointain passé personnel dans sa dimension spatio-temporelle. Le royaume d’enfance que le poète semble regretter amèrement lui permet d’entrer dans l’univers du rêve, de lutter contre le désespoir et de domestiquer le temps. Situé « ailleurs et autrefois », le royaume d’enfance est, à l’intérieur de la poésie, transposée « ici et maintenant » parce qu’il permet la naissance d’un véritable bonheur qui est envisagé dans un cadre géographique très précis : la province du Mbackol dans le Cayor.

À vrai dire il n’est rien d’étonnant que ce chauvinisme, cet amour tellurique, ce rapport fusionnel à la terre de Cayor si on en interroge la terminologie du terroir. Le mot « Cayor » est derivatif de « Kadior » ; expression composée des mots Kadd (arbre de la région entre le fleuve Sénégal et le Saloum) et Dior (qui est le nom du sable, rouge spécifique de cette région). De plus, la terre en wolof ancien est appelée Dior et la « main droite » est appelée « loxondeyedior » qui veut dire « la main qui nourrit, telle que notre mère la terre ». De surcroît, le poète appartenant à la noble lignée des Diop à égale dignité avec Lat-Dior, dernier roi du Cayor et figure de proue contre l’occupation française dont il n’est autre que l’arrière petit neveu. Pour ainsi dire, l’histoire de Cayor est celle de Cheikh et vice versa dans une certaine mesure puisqu’il s’insurge contre la patine du temps pour que dans sa mémoire, son terroir ne perde rien de son lustre d’antan.

  • UN ÉLOGE DÉDIÉ À UNE MÉMOIRE DOUBLEMENT INTIME ET COLLECTIVE

De cet amour charnel et tellurique voué à Tsylla,il s’en suit un éloge dédié à une mémoire doublement intime et collective. Le poète ne lésine pas sur les mots pour nous transmettre au détail près le sentiment ambigu qui l’anime. Il fait un saut de plein pied dans le passé pour mieux raccorder circulairement les deux bouts de la chaîne du temps. En effet, le poète nourrit le sentiment profond qu’un lien s’est rompu entre l’identité et la représentation de soi. Le désœuvrement est si terrible que le poète se confie ci-après :

« Ce cœur de granit et de basalte

Durci par des années d’humiliation

À travers toutes les rues et universités de France

Où pendant six ans mon amour

J’ai traîné traîné ma négritude

Aussi maladroitement qu’un boulet à la cheville d’un forçat. »

(Tsylla – poème éponyme, P.39)

Il fait de cette expérience personnelle un casus belli qui lui permet de convoquer la fibre héroïque de ses ancêtres contre le colonialisme français. Lat-Dior, Alboury, El hadj Omar Tall, Behanzin et Samory sont dignement célébrés car « quand un homme refuse, il dit NON » (Poème Haïti). De surcroît, au lieu de s’en arrêter à un sort défaitiste, il juxtapose leurs batailles à d’autres couronnées par d’éclatantes victoires devant les forces impérialistes. Il en est ainsi quand il écrit :

« Je revois dans la nuit des temps

Les troupes napoléoniennes par des marrons haïtiens décimées

Comme là-bas en un autre temps

L’armée italienne saccagée par les intrépides Éthiopiens du Négus

Menelick II »

(Poème Haïti, P.71)

Le poète prend à partie la France coloniale en s’exclamant : « Ô France ! Source de ma souffrance ! ». En revanche, il ne cède pas à sa réserve de haine et « pardonne à la France son hypocrisie/ puisqu’Adèle[3] vint se convertir au mouridisme[4] pieusement ». Il trouve dans cet épisode spirituelle triomphe symbolique de Cheikh Ahmadou Bamba et par ricochet retrouve une certaine foi en l’humanisme.

Aussi, il fustige la grande ineptie de l’histoire représentant l’Afrique comme sans civilisation et écriture. La vérité historique est de suite rétablie sans états d’âme sur l’antériorité de la civilisation des nations nègres sur le reste du monde:

« (Je) confonds Euclide et tous ses postulats

Pythagore, Talés et Archimède, de bien grands tricheurs

Qui pillèrent et profanèrent et plagièrent

Tous les théorèmes des papyrus sacrés

Des scribes Chamites d’Egypte »

(Tsylla – poème éponyme, P.42)

Il relaie ainsi dans un langage poétique les travaux scientifiques de son oncle et non moins grand savant, le Professeur Cheikh Anta Diop.

  • LA TRANSGRESSION DU LANGAGE

« Aucune chose, aucun mot ne recèle la moindre parcelle de poésie en soi. Tout est dans l’opération de l’esprit, du cœur du poète, de celui qui justement mérite d’être appelé poète, sur les choses, à l’aide des mots et à travers les mots[5]. » préconise Reverdy. Fort heureusement, l’assertion est loin d’être tombée dans l’oreille d’un sourd. Cheikh Diop l’a intégrée dans sa matrice créatrice dont la priorité revient à la maîtrise de la langue mais aussi à son dépassement à travers un langage sublimement poétique au carrefour des langues maternelle et officielle. Il tente pour le moins de répondre à la question mythique de Léon Laleau sur comment « apprivoiser, avec des mots de France,/Ce cœur qui m’est venu du Sénégal[6] ». Question qui l’a autant interpellé qu’il s’en est remis à une rhétorique verbale et/ou proverbiale wolofe au chevet d’une poésie écrite d’expression française (A) et a troqué le parallélisme symétrique contre dérive esthétique mesurée des poèmes (B).

  • UNE RHÉTORIQUE VERBALE ET/OU PROVERBIALE WOLOFE AU CHEVET D’UNE POÉSIE ÉCRITE D’EXPRESSION FRANÇAISE

Tsylla est un terreau fertile où germent et éclosent les paraboles ou maximes de la sagesse wolofe. Le poète a souvent eu recours au fil du texte à un procédé consistant à placer des expressions de la langue de Kocc[7]en tête des strophes. Il s’agit d’un condensé de sens mobilisé dans l’expression avant de le dérouler sur l’ensemble de la strophe en langue française.Plus d’un passage en illustre la portée rhétorique dont :

« Li nexdajewull » :

On ne trouve pas toutes les bonnes choses

Au même endroit à la fois. »

(Tsylla – poème éponyme, P.42)

Il met en valeur ainsi toute la vigueur et la justesse du wolof qui, en des termes sommaires et succinctes, décline une règle morale autour des idées de quête, depatience et de persévérance dont l’être doit s’armer pour arriver à ses fins.

Dans ce même ordre d’expérimentation linguistique à grandes pompes, on peut citer :

« Peccum xall,

Le danseur sur la braise ardente

Ne devrait considérer aucun des sauts comme le dernier ».

(Tsylla – poème éponyme, P.35)

À l’orée de l’entête de la strophe, l’initié en wolof voit une image pittoresque présageant déjànon sans dextérité de la suite logique des vers à suivre et ce sans besoin qu’il y ait de les parcourir.Cette approche édifie sur la richesse de la langue wolofe, une source viatique qui ne tarit pas enprincipes clairs et établis, de justice, de prudence, de tempérance et de force. La sentence, la maxime, le proverbe et l’adage, quelquefois même de l’énigme y sont de mise et servent de formules de relais dans une sociétéportée sur l’éloquence et la prestance à l’oral.

De cette altération de la langue française fomentée par Cheikh Diop, naît une poésie solaire rythmée par la cadence des tam-tams ancestrales, les chevauchements des étalons dans les savanes larges du Cayoret le tintement du marteau dans la forge pour le ferrage des équidés. Le détour par la langue de Kocc vaut si bien qu’il consiste en un détournement de certaines figures de style expérimentées à la sauce tropicale. L’antanaclase[8] qui suit en est la parfaite illustration :

« Malaw

S’il connait son métier, le laobé n’a pas besoin

D’être fort pour tailler son bois

Et Malaw, l’étalon noir se cabre et éclate en hennissements :

 

Non ! Non ! Non ! Le train de la servitude

Ne traversera pas le Cayor jamais je ne verrai les rails »

(Tsylla – poème éponyme, P.35-36)

Le vocable « Malaw » est utilisé ici à double tranchant. D’abord, il désigne la caste des « laobés », ces artisans du fer et du bois dans la société traditionnelle. Ensuite, il renvoie au nom du légendaire cheval de guerre de Lat-Dior. Et entre les deux strophes qui se succèdent voire les trois (si l’on y ajoute celle qui d’entrée suggère le feu de la forge par « Peccum xall »)une gradation, filée à grande échelle par les rameaux du langage wolof, est rafistolée ça et là.

  • UN PARALLÉLISME ASYMÉTRIQUE OU UNE DÉRIVE ESTHÉTIQUE MESURÉE DES POÈMES

Portant un regard critique dans la postface intitulée « la poésie ou la fusion harmonieuse du sensible et de l’intelligible », Cheikh Diopdécèledes hésitations relevant d’une certaine « aventure ambiguë » dans ses écrits. Car ajoute-il, il est au nombre des hybrides culturels oscillant entre négritude et « occidentalité », de même entre animisme et religions révélées. Il embouche, par l’occasion, la même trompette que Léopold Sedar Senghor, partisan convaincu du métissage culturel et théoricien du parallélisme asymétrique. L’influence du président-poète à l’égard de Cheikh Diop se présente au grand jour comme un secret de polichinelle à la lecture de Tsylla.

Cheikh Diop emploie le terme « Sopée[9] » pour enjôler et enjouer sa tendre museemboitant ainsi le pasà Senghor qui dans Nocturnesconsole la sienne en ces termes :

« Nous aurons d’autres nuits Sopée : tu reviendras sur ce banc d’ombre

Tu seras la même toujours et tu ne seras pas la même

Qu’importe ? A travers tes métamorphoses, j’adorerai le visage de KoumbaTâm »

Plus encore dans ce même texte, Senghor avait vu le soleil se coucher dans les yeux bleus de sa négresse blonde. Du côté de Diop, la sopée en est devenue une «  belle négresse aux gènes blancs taciturnes » (Poème Liberté, P.56).

Outre mesure dans la filiation poétique, lorsque Senghor se rappelle Joal et ses « signares aux yeux surréels comme un clair de lune sur la grève »dans sa « marche lasse le long des jours d´Europe », Cheikh Diop chuchote à l’oreille de Tsylla :

« M’éblouissent tes yeux surréels étincelants

Deux soleils de tropiques

Dans mes jours d’angoisse et de lassitude. »

(Tsylla – poème éponyme, P.37)

De manière plus structurelle, parallélisme asymétrique– que Cheikh Diop nomme dans son recueil par une formule variante « parallélisme antisymétrique » – constitue en  une répétition diversifiée du rythme dans le temps et dans l’espace, une irrégularité dans la répétition caractérisant le plus justement le rythme africain.Senghor explique et développe sa théorie du parallélisme asymétrique en partant du rythme indo-européen. Ce dernier épouse un rythme dichotomique – par exemple 1,2 ; 2 et 2 font 4 – alors qu’en Afrique, le rythme est fondé sur le principe suivant : 1,2 mais 3 ; 2 et 2 ne font pas 4 mais font 5. Le décalage qui surgit est caractéristique du swing négro africain.

 Plus explicitement, le parallélisme asymétrique de Senghor rythme une pensée wolof qu’il aime bien et qui s’exprime selon ces termes : « Nittmoy Garab ou nitt » [10]. Cette simple phrase, qui contient trois accents, montre d’un côté une syllabe atone (Nittmoy) et de l’autre côté non pas une mais deux syllabes atones (Garab/ou nitt).

D’une évidence toute aussi plate que raffinée, Cheikh Diop projette à répétitiondes séquences de parallélisme dans l’architecture du vers sans longueur comparable de pieds comme suit :

« Ma parole d’aujourd’hui

Est ma parole d’hier

Que les hommes ne descendent pas des femmes

Et les marmites des feux »

Il souscrit de ce fait au même titre que son pionnier Senghor à la diffusion, sans commune mesure, de l’avatar du parallélisme d’origine.

CONCLUSION

Dans l’univers artistique de Cheikh Diop, toute poésie est peinture et toute peinture est poésie. Le poète peint avec des mots tandis que le peintre écrit avec des couleurs.C’est dire que la densité poétique de Tsylla est insondable dans un article de quelques pages. En effet, le texte revêt cette dimension transversale depuis laquelle s’enchevêtrent peinture et  poésie et dans une moindre mesure musique classique. Cheikh rend hommage à Picasso, Goya, Van Gogh, De vinci et Gericault, des maîtres en peinture qui sont quasiment les seules figures occidentales en odeur de sainteté dans le recueil. Du reste, si le poète assimileles majestueux chevaux de Géricault aux étalons du Cayor, l’on pourrait s’étonner au vu de son immense connaissance sur l’art et l’histoirequ’il eût passéà côté du Radeau de la Méduse,son tableau le plus pertinent sur la colonie française du Sénégal dans un recueil traversé par la même thématique.Il proclame la démesure dans son écriture poétique à l’aune d’une confusion entre « Bach et Beethoven » qui à eux deux représentent respectivement le style baroque et le style classico-romantique en musique classique.

Le génie de Cheikh Diop s’illustre également par l’articulation subtile entre Histoire, épopée et mythe dans son récit poétique. Il est possible dès lors de relever des faits mineurs qui, tout en n’étant pas historiquement établis en raison de leur invraisemblance, s’inscrivent irrémédiablement dans le contexte historique et/ou culturel. C’est le cas du micro-récit de Malawqu’affectionne tant la tradition griotte dans la grande épopée de Lat-Dior et qui voudrait que l’étalon se soit ôté la vie après la mort de son maître pour ne pas être témoin du « train de la servitude ». S’agissant des mythes, nous pouvons citer les diables blancs de DiggNdjollor[11] et le KussKondrong[12].

Derechef, le personnage de NdamalGossas en la personne d’un certain Mbaye Fall–à notre connaissance – reste à vérifier dans la mesure où le NdamalGossas[13]connu de tous porte le nom de Oumar Gueye, un maître de la parole originaire du Cayor et enterré vers 1952 à KeurguMakk dans la région de Diourbel.

De plus, la force déconcertante de l’image est exploitée dans Tsyllapar le rapprochement systématique de deux éléments entretenant une correspondance insoupçonnée jusqu’à ce que Cheikh s’en mêle :

« Savez-vous que le fusil est un phallus

Ejaculant des belles séminales

Et noyant dans le sang et la mort

L’ardente libido des soldats »

(Poème Mars et Eros, P.57)

« Vous ignorez que la pluie n’est qu’un sperme

La terre un vaste utérus fertile

Et l’herbe une verte progéniture osirienne

 

Le jour est mâle

La nuit femelle

Et les étoiles fruits de leur amour »

(Poème Cosmogonie, P.59)

Néanmoins, la filiation poétique à Senghor n’est pas en tout point valorisante pour la poésie de Cheikh. En réalité, plus d’une fois, elle s’est apparentéeà de la pastiche, du Senghor sans le long verset troqué contreun souffle court et saccadé. Pour autant, Cheik Diop,par le burin magique de sa plume, s’est fait démiurge en sculptant Tsylla, chef d’œuvre de grâce et de volupté.

Ouzin Karbala Thiombiano

[1]Ceinture de perles

[2]Musc et Encens

[3]Adèle Brochet qui aurait reçu le nom de Astou Mbacké après sa conversion

[4]Confrérie soufie d’obédience musulmane fondée par le guide religieux et résistant pacifique Cheikh Ahmadou Bamba

[5]P. Reverdy, En vrac,Flammarion, 1929

[6] Léon Laleau, Musique nègre, 1931, poème Trahison

[7]Philosophe wolof grâce à qui la langue wolofe aurait acquis ses lettres de noblesse

[8]Figure de style consistant en une répétition d’un même mot pris dans des sens différents.

[9]La favorite

[10]L’homme est le remède de l’homme

[11]En milieu d’après midi

[12]Esprit nain, d’après la mythologie Wolof, il possède une calebasse qui procure la fortune

[13] Pensionnaire de Gossas, ville située dans la région culturelle du Sine Saloum

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