« Voltaïque, La Noire de…  » Sembène Ousmane

« Voltaïque, La Noire de…  » Sembène Ousmane

PLAN

               Introduction

I : Présentation de l’auteur

          1 : Biographie de Sembène Ousmane

2 : Oeuvres de Sembène Ousmane

II : Contextualisation d’écriture

1 :  Contexte  historique

2- Contexte littéraire

III- Structure thématique et résumé

1 : Structure thématique de l’œuvre

2 : Résumé suivi de l’étude des personnages de chaque nouvelle

IV : Etude de l’œuvre

1 : Intérêt de l’œuvre du point de vu thématique

2 : Intérêt de l’œuvre du point de vu esthétique

                   Conclusion

Références bibliographiques

 

 

Introduction

La littérature africaine de langue française née dans un contexte de cause à effet a soufflé encore une bougie cette année de 1962. D’ailleurs, les années 60 ont été  un tournant décisif pour les écrivains africains. Elle s’est mise au service de la destinée de l’Afrique confiée désormais aux soins de ses propres fils. Voltaïque, La Noire de… a bel et bien participé à la concrétisation des idéaux de cette période de l’écriture africaine francophone. Dans cette optique, il serait judicieux de présenter dans son ensemble le contenu de ce recueil de nouvelles.

I : Biobibliographie de  Sembène Ousmane

1 : Biographie

Né en Janvier 1923, à Ziguinchor, une ville de Casamance, Sembène va en France pour faire la guerre en 1942. Après la guerre, il devient Docker en 1946, où il assume la responsabilité syndicale. Il suit assidûment les cours du soir. Pendant la longue immobilisation due à un accident de travail, il écrit son premier roman intitulé Docker Noir en 1956. Il voyage à travers l’Europe, visite l’U.R.S.S, où il apprend le cinéma auprès du vieux Donskoï.

Il rentre au Sénégal en 1959 et mène une double activité d’écrivain et de scénariste. Sembene est un autodidacte en ce sens qu’il n’a que le Certificat d’Etudes Primaires. En 1962, il publia son premier recueil de nouvelles intitulé Voltaïque dans lequel il a dénoncé les maux qui minent les pays africains nouvellement indépendants et a défendu la cause féminine dans la nouvelle société africaine. Après sa formation dans une école de cinéma à Moscou, il transformera, en 1966, la 11eme nouvelle de ce recueil en  un long-métrage qui est aussi le 1er long métrage « négro-africain » du continent (prix Jean-Vigo de la même année). D’emblée, Ousmane se place sur le terrain de la critique sociale et politique avec l’histoire d’une jeune sénégalaise, nommée Diouana. Malade depuis plusieurs mois, il meurt à l’âge de 84 ans, à son domicile à Yoff le 09 Juin 2007 et inhumé au cimetière musulman de Yoff.

 

2 : Bibliographie 

2-1 : Les œuvres littéraires                                                                                                  

Le Docker Noir, Paris, Ed. Présence Africaine, 1956 ;

O pays, mon beau peuple, Paris, Ed. Buch et Chastel, 1957 ;

– Les bouts de bois de Dieu, Paris, Ed. Du livre contemporain, 1960 ;

– Voltaïque la noire de…, Paris, Ed. Présence Africaine, 1962 ;

– L’Harmattan, Paris, Ed. Présence Africaine, 1963 ;

-Le mandat précédé de Vehi-Ciosane ou Blanche-Genèse, Paris, Présence africaine, 1966 ;

– Xala, Paris, Ed. Présence Africaine, 1973 ;

Le dernier de l’empire, Paris, L’Harmattan, 1981 ;

Niwam, suivi de Taaw, Paris, Ed. Présence Africaine, 1987

         2-2 : Les œuvres  filmographiques    

L’empire Songhay, court métrage documentaire, 1963;

– La Noire de… (Scénariste, réalisateur) ,  1966;

– Taaw, court-métrage, 1970;

Emitai, (dieu tonnerre), (Scénariste, réalisateur) , 1971;

– Xala , 1974;

– Geelwar , 1992;

– Faat Kiné , 2000.

 

II: Contextualisation de l’œuvre

1 : Contexte historique

Les actions des nouvelles se situent  dans la période précoloniale, la période coloniale et la période postcoloniale qui se caractérisent  par les coutumes, les  traditions, l’esclavage et la barbarie ou la sauvagerie de certains rois dans l’ancienne société africaine, la domination des blancs sur les noires (la colonisation) et l’incompétence,  la corruption des nouveaux dirigeants africains. L’intrigue de certaines nouvelles représente, en particulier, la lutte effrénée des femmes à se  libérer des enclos où la tradition les a enfermées ; celle d’autres nouvelles est centrée sur les mésaventures des africains ayant cru en l’amitié de la France.

2-Contexte littéraire

Ce recueil de nouvelles socio-politiques dans lequel le féministe Sembène a mis surtout en scène la femme s’inscrit dans le cadre du courant littéraire qui a vu le jour après les indépendances. La troisième période de la littérature négro-africaine d’expression française (le désenchantement) à laquelle appartient ce courant est caractérisée par le dévoilement des maux socio-politiques tels que l’incompétence des dirigeants africains, la corruption dans les administrations, le favoritisme, le régionalisme, la misère des peuples, l’analphabétisme des masses, la dictature, le détournement des deniers publics, la cause féminine. Cette tendance très engagée rend les africains eux-mêmes responsables de leur malheur synonyme de sous-développement.

 

III- Structure thématique et résumé de chaque nouvelle suivi de l’étude des personnages

1- Structure thématique de l’œuvre  

Concernant la structure thématique de l’œuvre, on pourrait répartir les nouvelles en trois catégories abordant les mêmes thèmes et soutenant  la même idéologie. D’abord, on constate que  l’auteur manifeste un sentiment féministe à travers les nouvelles suivantes : Devant l’histoire ; Un amour de la <<Rue Sablonneuse>> ; La mère ; Ses trois jours ; Souleymane». En effet, les principaux thèmes développés dans ses nouvelles sont : l’amour, le mariage forcé, le divorce, la polygamie, la bassesse, l’émancipation de la femme, la phallocratie, etc.

Ensuite, l’auteur dénonce les africains rêveurs d’une existence paisible en France dans  les nouvelles: Lettres de France, La Noire de… ; Nostalgie. Ces nouvelles évoquent des thèmes tels que : l’exploitation de l’homme par l’homme, l’esclavage, le racisme ; la misère, le suicide, l’immigration, la mésaventure ; etc.

Enfin, pour mettre à nu d’autres imperfections de la société et surtout celles africaines, le nouvelliste passe par le biais des nouvelles telles que : Communauté, Prise de conscience, Mahmoud Fall, Chaïba et le Voltaïque, dans lesquelles il aborde la thématique de l’injustice,  de l’escroquerie,  de la domination coloniale, de la traite des esclaves, etc.

2- Résumé suivi de l’étude des personnages  de chaque nouvelle

-Nouvelle 1 : Devant l’histoire (7-14)

« Devant l’histoire » relate l’histoire du couple Abdoulaye-Sakinétou. En effet, une jeune femme diplômée d’un collège technique, du nom de Sakinétou, et son époux  Abdoulaye, un instituteur, allaient voir le film «Dalila et  Samson» au cinéma. Abdoulaye, l’instituteur, ayant déjà vu le film, protesta de s’acheter le billet d’entrer et imposa à sa femme d’aller voir le ballet africain. Mais loin d’obéir à ses caprices, Sakinétou   s’opposa catégoriquement cette imposition. Elle voulait voir coûte que coûte le film au programme. D’ailleurs, elle lui affirma qu’elle avait la possibilité de s’acheter le ticket d’entrée.

Etude des personnages

-Sakinétou: jeune femme instruite, diplômée d’un collège technique, représente la femme africaine dont la dignité fut longtemps bafouée par les hommes. Son attitude vis-à-vis de son époux est une interpellation à la gent féminine surtout africain. Elle l’invite à ne pas se laisser brimer par la gent masculine, elle incarne l’image de la femme émancipée.

– Abdoulaye : Un instituteur représentant la société africaine traditionnelle, qui la maternité comme fonction unique de la femme. Il incarne l’image de ceux qui épousent l’idée d’asservissement de la femme par l’homme.

Nouvelle 2 : Un amour de la « RUE SABLONNEUSE » (15-24):                                           Dans cette nouvelle, il s’agit de l’impossibilité de l’union des jeunes amoureux Yoro et Kiné, résidant dans le bel quartier la « Rue sablonneuse ».   En effet, Kiné, l’héroïne de la nouvelle  aimait fort Yoro, un jeune pauvre. Mais son père issu d’une famille aisée la forçait à épouser un ministre riche. Les jeunes amoureux qui se voyaient en secret, furent soudainement portés disparus l’un après l’autre, pour vivre leur amour sous d’autres cieux.

Etude des personnages

-Kiné : l’héroïne de la nouvelle, fille de El Hadj, amante de Yoro, représente toutes les femmes victimes des pratiques avilissantes du mariage forcé. Elle reflète les femmes qui s’oppose à l’abus d’autorité des anciens.

-Yoro : fils de charbonnier, il incarne l’image des prolétaires délaissés, piétinés par les plus forts, les nouveaux dirigeants africains.

El Hadj Mar : il représente la classe bourgeoise, il prône l’idéologie ancienne, selon laquelle la prise de décision dans la société n’est que l’apanage des hommes.

Nouvelle 3 : Prise de conscience (25-36)

La nouvelle « Prise de conscience » raconte l’histoire d’Ibra, un grand défenseur des ouvriers pendant la période coloniale.  Élu député après l’indépendance de son pays, il cessa de combattre pour l’intérêt collectif au profit de son bien être personnel. Son successeur Malic, au regard de la mauvaise condition des travailleurs, lui adressa un rapport alarmant. Mais le rapport fut négligé. Sous le couvert du ministre, Ibra, le député, intenta un procès à Malic et le condamna de déserteur.

Etude des personnages

-Ibra : il fut l’un des syndicats  et défenseur du monde ouvrier contre la forteresse coloniale, l’inégalité des salaires entre blancs et noirs (pp.26-27). Avec son titre de député du peuple,  Ibra bénéficiait d’énormes privilèges et en devint égoïste et orgueilleux. Il incarne les leaders africains corrompus et corrupteurs qui ont toujours pensé à eux au lieu de la masse souffrante.

Malic: jeune intègre et impartial, c’est lui le successeur d’Ibra. En tant que nouveau syndicat des ouvriers, il a fait preuve de déterminisme et de militantisme. Il n’a jamais falsifié la vérité même au péril de sa vie. Ce personnage est le prototype des rares hommes d’Afrique qui se battent, corps et âme, pour l’intérêt du peuple et le développement à l’instar du sud africain Nelson Mandela, du Burkinabé Thomas Sankara…

Nouvelle 4 : La Mère (37-42)

Un roi sauvage et barbare faisait de l’autorité sa priorité. Par orgueil, il s’est permis d’instaurer le droit de cuissage, un droit qu’il se refuse d’exercer sur sa fille, en l’abrogeant à la veille même du mariage de cette dernière. Avec son animosité, il enleva à une vieille femme sa jeune fille. La mère de la fille se dressa contre le monarque. Elle réussit à faire destituer le tyran par le soutien de ses propres sujets.

Etude des personnages :

La mère : brave femme, elle est une âme masculine logée dans un corps féminin.  Elle est la mère d’une jeune fille anonyme kidnappée par le roi sans loi ni âme.   Par son amour maternel, son courage, a non seulement sauvé sa fille de la main du despote. mais également a provoqué sa destitution. Elle  incarne ces femmes amazones d’Afrique surtout danxoméennes ( différentes de dahoméennes) qui sont allées à la guerre et qui, par leur bravoure indomptable, l’ont remportée.

-Le roi : roi sauvage, barbare, sans cœur, il n’y avait de tête qui tenait à lui. C’était un roi cannibalise. Il représente quelques souverains africains disposant d’un pouvoir absolu et totalitaire  sur leurs sujets.

Nouvelle 5 : Ses trois  jours

« Ses trois jours » est une réflexion pathétique qui ne laisse personne indifférent. Noumbé voulait juste que son époux,  maître de quatre femmes, honore sa couche conformément aux lois de la polygamie en vigueur chez les musulmans.   Les trois jours de Noumbé sont épuisés par la quatrième femme de Moustaphe qui était plus charmante et envoûtante qu’elle. L’ Époux tant attendu n’hésita pas à lui infliger des souffrances physiques de par sa moquerie, en plus de la souffrance morale que vivait Noumbé.

Etude des personnages :

Noumbé : la troisième femme de moustaphe, elle attendit son mari pour jouir à ses côtés de «  ses trois jours ». Hélas ! Noumbé est victime des avatars de la polygamie comme des femmes africaines qui souffrent, jour  après jour,  à cause de l’amour conjugal qu’elles partagent avec d’autres femmes. Moustaphe : Époux de Noumbé, il préféra passer les trois jours de Noumbé aux côtés de sa quatrième femme. Il est l’un de ces hommes qui considèrent les femmes comme des choses qu’ils pourront manipuler à leur guise et qui les blessent suffisamment.

Nouvelle 6 : Lettre de France (73-116)

Cette nouvelle est un corpus de lettres de Nafi adressées à sa vielle amie durant son séjour  à Marseille  en France  avant l’indépendance du Sénégal,. Dans ses lettres, Nafi raconte à son amie la vie difficile qu’elle menait au jour le jour, au côté de son époux Demba, un vieil homme à qui son père l’a envoyée  contre  une dot. De leur union est issue une fille juste avant le décès de Demba. Aidée par Arona, l’ami de Demba, la jeune veuve revint au bercail.

Etude des personnages

Nafi : auteur des « Lettres de France », elle est l’épouse de Demba. A travers les faits qu’elle relate dans ses correspondances, elle est l’échantillon de toutes les femmes victimes du mariage forcé, ainsi que l’image de toutes ces personnes qui luttent par le biais de l’écriture pour la libération de la femme des clichés socio- politiques et religieux dont elles sont victimes.

Demba : vieux immigrant et époux de Nafi, il mourut de cancer. Il représente la classe des personnes qui abusent de leur pouvoir d’autorité pour se satisfaire. Il est aussi l’une des victimes du phénomène d’immigration.

Arona : c’est un ami de Demba faisant partie du club des ressortissants du Sénégal en France. C’est lui le prototype de la solidarité en Afrique.

Nouvelle 7 : Communauté (117-122)

El Hadji Niara, au retour de la Mecque, décida de tenir une campagne de prédication en faveur des dieunahs, les rats. Profitant de la mêlée générale pendant la conférence de réconciliation, les chats ont entrainé la disparition des rats.

Etude des personnages

Deux classes de personnages sont à souligner :

La classe des plus forts : représentée par  les chats parmi lesquels figure l’illustre imam El Hadji Niara. Cette classe fondée ruse des chats symbolise le colonisateur dans sa‹‹Mission  dite Civilisatrice.

La classe des plus faibles : représentée par celle des dieunahs (les rats) qui sont les colonisés au sein duquel figure Inekeiv, un personnage intelligent et habile. Par sa présence, il symbolise ceux qui luttent pour le développement de l’Afrique sans la politique de main tendue.

Nouvelle 8 : CHAÏBA (123-126)

Pendant 25 ans, Chaïba, un algérien fut docker au port de Marseille. Il résidait en France avec sa femme et ses enfants et jouissait d’une situation économiquement bonne. Chaïba était innocent de tous mouvements révolutionnaires et anti- colonialistes. Cependant, soupçonné, la police française l’arrêta et le rapatria. Enfin, Chaïba fut martyrisé à la veille de l’indépendance de son pays.

 

Étude des personnages

Chaïba : Algérien immigré, Chaïba est le personnage principal de la nouvelle. Il est le symbole de tous les innocents militants assassinés  par la puissance coloniale française à la veille des soleils des  indépendances en Afrique.

-Nouvelle 9 : Mahmoud Fall (127-139)

Le jeune musulman Mahmoud Fall  alla au Sénégal et se fit passer pour un marabout. Ayant étudié le coran, il prit le nom de Aïdra et il dépouilla les gens de leur richesse. Il quitta le pays et alla se reposer, à la faveur de la nuit, au près des fétichistes Tièdes. Ceux-ci lui ont volé à leur tour cette ignoble richesse. Mahmoud Fall réalisa enfin que ce sermon de vie lui vint d’Allah.

Etude des personnages

Mohamed Fall : un paresseux légendaire ; il représente l’ensemble des faux marabouts se réalisant sur le dos des autres et aujourd’hui, tous les faux prophètes qui font de Dieu une opportunité d’affaire.

-Nouvelle 10 : Souleymane (140-156)

Cette nouvelle nous relate l’histoire de Souleymane, homme apparemment pieux et bon à tout faire à la mosquée. Brusquement, il abandonna l’entretien de la mosquée qui allait à sa ruine et se mit à coup d’astuces à abuser des jeunes filles. Les fidèles imputèrent la cause de son changement d’humeur à ses épouses. Pour corriger son attitude, Yacine N’Doye lui fut donnée comme épouse. Celle-ci, sous prétexte de l’incapacité sexuelle de son époux, commet l’adultère après la naissance de leur premier enfant. Devant le tribunal des Sages, Souleymane demande le divorce et le remboursement de la dot. Yacine, elle, revendiqua la restitution de sa virginité.

Etude des personnages :

-Souleymane : homme polygame, il est violent avec ses femmes. C’est le prototype des hommes africains qui maltraitent leurs femmes mais qui se passent pour des saints dans la communauté.

N’Doye Yacine : elle est la quatrième femme de Souleymane. Elle est l’une de ces rares femmes qui, à cette époque où la société africaine est phallocrate, parviennent quand  même  à prendre la parole devant toute une assemblée pour défendre leurs opinions.

Nouvelle 11 : La Noire de… (157-184)

Une jeune bonne sénégalaise du nom de Diouana rejoint ses patrons français séjournant à Antibes. Elle espère découvrir la belle France qui n’a existé que dans sa tête et la visiter. Cependant, elle se rend compte que sa patronne ne l’a emmenée que pour servir à tout faire sans répit. La garde des enfants, la lessive, la vaisselle, le blanchissage, la cuisine sont sa monnaie courante. Déçue et désespérée et bientôt en dépression, elle se suicida.

Etude des personnages

Deux catégories de personnages sont présentes.

Première catégorie : Diouana est la domestique du couple P. Elle symbolise l’Afrique dominée pendant la période coloniale et ses enfants noirs qui ont eu une aventure ambiguë en Europe.

Deuxième catégorie : Mme. et M. P. sont des employeurs de Diouana, ils symbolisent le colonisateur, le plus rusé de tous les hommes.

-Nouvelle 12 : Nostalgie (185)

Hommage rendu à Diouana et à tous ses frères nègres qui ont cru en  la France, et qui dans le désespoir, le regret, ont rendu l’âme.

Nouvelle 13 : Le Voltaïque (189-216)

Au Sénégal après l’indépendance, certains compatriotes se réunissaient sous l’arbre à palabre où ils abordèrent plusieurs sujets concernant le monde en  général et l’Afrique en particulier. Dans cette lancée, Saër posa une question concernant l’origine des balafres en Afrique. D’une réponse à une autre, Saër demeura insatisfait. Il raconta à son tour le récit couronnant l’apparition des balafres qui remonte à l’époque négrière où un certain Amoo, après avoir tué sa femme pour qu’elle ne soit captive, taillada le corps de sa fille en vue de la soustraire aux supplices de l’esclavage. Les balafres s’ils représentent des signes de noblesse pour les uns et d’asservissement pour d’autres, ils sont par excellence des signes de libération.

Etude des personnages :

-Saër: un sénégalais, il est le narrateur du second récit. C’est un personnage curieux en quête d’identité africaine.

Amoo : un jeune homme, père de famille, il est l’échantillon de tous les africains qui ont subit les séquelles de la cupidité des chefs africains et la malhonnêteté des marchands européens pendant le commerce triangulaire.

IV- Étude de l’œuvre

1-  L’intérêt de l’œuvre du point de vue thématique

On peut retentir trois principaux thèmes: le féminisme, la mésaventure et le néocolonialisme.

 √ Le féminisme

Si le féminisme constitue la doctrine ou le mouvement préconisant l’extension des droits, du rôle de la femme dans la société,  Sembène sera alors qualifié d’écrivain féministe.   A travers les sous-thèmes du mariage, de la polygamie, de l’amour du divorce, de l’émancipation de la femme, présents dans certaines nouvelles (ses trois jours, la mèreSouleymane, devant l’histoire, un amour de  la rue sablonneuse), le nouvelliste sénégalais attaque vigoureusement les préjugés avilissants dont sont victimes les femmes dans la société africaine. Il montre ainsi que la femme peut faire autant que l’homme dans tous les domaines sociaux, qu’elle possède d’autres fonctions que la maternité et l’éducation des enfants. ‹‹ Je ne suis pas une Fatou (appellation qu’on donne dans certains milieux aux femmes illustrées)››(p.12). ‹‹ Pourtant elle se révéla indomptable par le maintien de ce bras vigoureux››(p.40).  Plusieurs nouvelles du recueil revendiquent  l’égalité entre l’homme et la femme sur tous les plans que ces celles-ci cherchent d’ hameau en hameau, de village en village, de ville en ville et de pays en pays en traversant montagnes et collines, savanes et forêts, fleuves et rivières.

√ La mésaventure
       De surcroit, le nouvelliste opine  sur l’utopie d’une existence paisible, une vie de rose en France. L’aventure ambiguë de Diouana qui s’est soldée par la triste phrase ‹‹ A Antibes, une Noire nostalgique se tranche la gorge›› (p.184).  Sembène met l’accent sur les vicissitudes de l’immigration en dépeignant le personnage de Demba, un vieillard qui a passé toute sa vie en France mais finit sa vie dans la misère.

√ Le néocolonialisme

Dans le souci du bon fonctionnement de la société, Sembène fait un clin d’œil sur la société africaine venue récemment dans la jungle de l’autodétermination. Il montre, en effet, comment l’intérêt collectif, l’intérêt du peuple se sacrifie sur l’autel de l’égoïsme et du pots-de-vin des nouveaux leaders africains moulés dans l’incompétence politique. Les dirigeants une fois corrompus deviennent les acolytes des colonisateurs, leurs anciens maîtres.  C’est exactement ce que témoigne les plaintes des ouvriers ‹‹Ces types n’ont rien de commun avec nous! Ils sont noirs dessus… leur intérieur est comme le colonialisme… ›› (p.35). Abondant dans ce sens, Sembène, par la voix du personnage de Malic affirme : « Ce sont les colonialistes qui dirigent le pays ! Vous n’êtes que des exécuteurs! » ( p.31). Il invite alors le peuple africain  surtout sénégalais et ses dirigeants à une prise de conscience pour un développement politique et économique.

Le texte de Sembène regorge beaucoup d’autres thèmes possibles d’être étudiés.

2- Intérêt stylistique de l’œuvre

Sembene Ousmane est l’un des célèbres écrivains de la littérature négro-africains d’expression française et moins difficile à lire. Il doit cette célébrité à son style simple, courant et assez compréhensif. Il parfume son texte de constructions accessibles avec des thèmes tirés de l’actualité. Voltaïque, La Noire de…, en est le présent exemple. Dans ce recueil de nouvelle, on assiste à l’usage des mots et expressions du français courant.

En outre, pour faire passer son message et conférer une authenticité au genre de la nouvelle dans sa diversité, il eut recours à plusieurs procédés. Lesquels procédés consistent à mélanger les genres littéraires. A titre illustratif, on  peut citer la nouvelle «Lettres de France » dans laquelle il arrive à adapter la lettre à la nouvelle ce qui conduit à une nouvelle épistolaire. De même, dans « La Noire de… », l’auteur insère un petit chant de trois vers (p.176). La héroïne de « La Noire de… » devient le personnage dans la nouvelle « Nostalgie ». Ce qui confère à celle-ci le nom de nouvelle élégiaque. Abondant dans le même sens, le nouvelliste tire de l’héritage des traditions orales en Afrique, pour nous produire des nouvelles telles que La mère ; Mahmoud Fall et  Communauté qui se présentent comme des contes du point de vue de leur finalité.

Par ailleurs, le discours descriptif se retrouve au portail de plusieurs nouvelles telles que : « Un amour de la « Rue Sablonneuse » », « Prise de conscience » et  « Souleymane ».

De même, par certains procédés typographiques tels que les deux points (:), il procède à une explication voire une énumération. A titre illustratif, on peut citer : « D’un coup d’œil, il savait où placer la caisse : debout, à plat, de côté » (p.124). Il fait aussi l’usage des points de suspension (…), pour laisser le lecteur dans l’embarras (« Demain cette chambre sera » p.46). Enfin, on remarque des interférences linguistiques qui sont certainement en wolof tel que Vav (oui), Déded (non, non) et Volimata (la quatrième épouse) (p.66); les noms des principaux personnages (Souleymane, Sakinetou) et le titre de l’une des nouvelles intitulée : ses trois jours.

Conclusion

Ce travail nous a permis premièrement de résumer chaque nouvelle contenue dans Voltaïque, La noire de… après avoir présenté l’auteur ; deuxièment d’étudier les personnages, les thèmes principaux abordés dans chaque nouvelle par l’auteur. A l’analyse, on s’aperçoit que cette œuvre est un ensemble de nouvelle satirique. D’une manière ou d’une autre, c’est un moyens pour l’auteur de peindre, d’une nouvelle à une autre, la société africaine en dénonçant les maux qui retardent le développement du continent surtout la cause féminine.

 

Delmas Cossi Agbangla

 

 

AGBANGLA Cossi Delmas est étudiant en Lettres Modernes, Journaliste à « Le Héraut », Artiste dessinateur et séminariste.

 

Références bibliographiques

–  SEMBENE, Ousmane, Voltaïque, la Noire de…, Paris, Présence Africaine, 1962.

– MIDIOHOUN, Guy Ossito, et DOSSOU, D. Mathias, La nouvelle d’expression française : formes courtes, Paris, L’Harmattan, 1999.

– Dictionnaire Grand Larousse illustré 2017.

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