Yehni Djidji (YD): « Être une épouse et être une mère sont deux des meilleures choses qui me soient arrivées. »

Yehni Djidji (YD): « Être une épouse et être une mère sont deux des meilleures choses qui me soient arrivées. »

« Être une épouse et être une mère sont deux des meilleures choses qui me soient arrivées! » Ainsi s’extasie celle que nous recevons pour vous ce matin, chers amis de Biscottes Littéraires que nous saluons avec déférence et reconnaissance.  Cette écrivaine nous vient de la Côte-d’Ivoire et a pour nom Yehni DJIDJI. Elle a de grandes ambitions littéraires et livresques. Pour en savoir davantage, installez-vous confortablement et délectez-vous de la présente interview qu’elle nous a gracieusement accordée.

BL : Bonjour Mme Yehni Djidji. C’est un plaisir de vous recevoir sur notre blog. Que doit-on savoir sur la grande dame que vous êtes ?

YD : Bonjour. Je suis une passionnée de lecture et d’écriture qui essaie de faire vivre cet amour à travers un blog, une agence littéraire et diverses autres activités.

BL : Vous êtes une « folle » des belles lettres. Cette grande romance entre la littérature et vous, de quand date-t-elle et comment a-t-elle commencé ?

YD : Je préfère le terme « passionnée ». J’ai eu la chance d’avoir des parents qui offraient des livres et une sœur qui aimait beaucoup lire. Elle m’encourageait à dépenser notre argent de poche à la librairie. L’amour pour les lettres est né de là. Et puis, à force de lire, l’envie d’écrire a commencé à grandir.

BL : Vous ambitionnez de créer une bibliothèque sonore destinée aux handicapés et analphabètes. En voilà une idée intéressante. Pourquoi cette cible particulière ?

YD : Les livres sonores sont adaptés pour les personnes qui ne peuvent pas lire mais ils sont aussi adaptés à ceux qui ne savent pas lire. En général on pense à eux seulement pour les malvoyants. Alors que nous avons une importante population analphabète qui peut en profiter. C’est un projet assez vaste que je n’ai pas encore eu l’occasion de déployer.

BL : Des livres pour enfants, vous en avez écrit et votre projet est d’en écrire davantage. Croyez-vous que cela réussirait à redonner le goût de la lecture à la société actuelle qui semble attirée par d’autres loisirs peu profitables ?

YD : Ce serait un peu prétentieux de penser que mes quelques ouvrages réussiront à redonner le goût de la lecture à la société actuelle. Je pense cependant qu’ils peuvent y contribuer. Il faut faire plus d’actions en faveur des enfants qui sont encore modelables. Redonner le goût de lire à un adulte qui a pourtant eu la chance de faire un parcours académique et donc de constater que les livres sont des sources inépuisables de savoir est un exercice très difficile. Il faut produire plus de livres à destination des enfants, mais aussi multiplier les cadres pour les encourager à lire et également mettre en place des stratégies pour inciter les parents à les acheter. Nous formerons ainsi la prochaine génération de lecteurs. Les librairies ne sont bondées qu’en période de rentrée scolaire et c’est dommage.

BL : Vous êtes créatrice de contenu avec un focus sur les fictions et les chroniques web. C’est ce qui justifie la naissance de 225nouvelles. Internet aujourd’hui, est-ce un outil indispensable dans la promotion de la littérature ?

YD : Avant internet, il existait d’autres moyens pour promouvoir le livre. Ils continuent d’exister et lui survivront peut-être. Internet est un outil important pour promouvoir le livre mais j’ai des scrupules à le qualifier d’indispensable. Internet permet de lever les barrières, réduire les frontières, conquérir de nouveaux territoires, gagner du temps souvent, mais encore faudrait-il savoir l’utiliser.

BL : En 2013, vous créiez l’Agence Littéraire Livresque. Qu’est-ce qui vous y a motivée ?

YD : L’agence Littéraire Livresque a été créée en 2016. Après plusieurs années à promouvoir le livre de façon bénévole, je me suis dit que je pouvais allier passion et gain financier. L’expérience réussie de la réédition et la distribution de mon livre « une passion interrompue » m’a confortée dans cette idée que si j’avais pu le faire pour moi, je pouvais le faire pour d’autres personnes. J’ai fini par démissionner et me lancer dans l’aventure.

BL : Quel bilan à mi-chemin pourriez-vous faire ?

YD : A mi-chemin? Le chemin est encore bien long. J’ai de grandes ambitions pour cette agence que je suis d’ailleurs en train de repenser. Je préfère ne pas donner plus de détails.

BL : Quelles sont à ce jour vos plus belles réussites en tant que promotrice de la littérature ?

YD : Chaque nouveau livre publié sur le marché est une réussite. Chaque rupture de stock et nouvelle commande chez mon imprimeur est un succès. Chaque livre vendu et chaque chèque encaissé est une victoire. Chaque nouvelle édition du café littéraire « Livresque » organisée est une joie immense et je peux continuer la liste pendant longtemps…

BL : Votre plus grand regret…

YD : Ne pas encore être milliardaire grâce à mes livres. (rires) Plus sérieusement, je n’ai pas de regrets. J’ai eu la chance de pouvoir réaliser un de mes rêves d’enfant, de pouvoir allier travail et passion à ma façon, tout en étant plus présente pour ma famille.  Il y a pire.

BL : Blogueuse, chroniqueuse, scénariste, écrivaine. Vous baignez littéralement dans le flot des mots. Cela vous ennuie-t-il parfois ?

YD : J’ai eu mes phases de pages blanches et de spleen mais cela ne dure pas longtemps. Surtout en ce qui concerne mon envie de lire. Ces derniers mois je suis pratiquement boulimique. Je lis 3 ou 4 livres en même temps. Je profite des moindres moments de pause pour dévorer des lignes. J’ai l’impression qu’il y a trop de livres à lire et pas assez de temps.

BL : À cela s’ajoutent des responsabilités de chef d’entreprise et mieux, ou pire, d’épouse et de mère. Comment vous en sortez-vous?

YD : Être une épouse et être une mère sont deux des meilleures choses qui me soient arrivées. Je ne peux même pas imaginer les associer au mot « pire ». Comment je m’en sors ? J’essaie d’établir mes priorités en me conformant à ce que j’estime être l’ordre divin des choses et par la grâce de Dieu cela fonctionne. Après ma relation avec Dieu, vient ma responsabilité d’épouse et celle de mère. Voici mes priorités. Tout le reste vient après et doit servir les intérêts de mon Top 3.

BL : Le monde littéraire ivoirien, qu’en pensez-vous ? Le livre prospère-t-il en Côte d’Ivoire ?

YD : Je ne peux porter un jugement sur l’ensemble de la communauté littéraire. Je n’ai pas suffisamment de cartes en main pour le faire. Je note en tout cas l’intérêt du public pour mes livres, l’intérêt des parents pour l’éducation de leurs enfants, une frénésie dans la recherche d’activités ou de jeux à la fois ludiques et éducatifs pour les enfants. Il y a du potentiel mais la recette magique n’a pas encore été trouvée. Les livres scolaires demeurent encore les plus vendus. Les libraires et les éditeurs, ne cachent pas d’ailleurs que c’est pendant la rentrée qu’ils font le plus gros de leurs chiffres d’affaires. Ces quelques jours battent le record d’une année entière de vente. Mon souhait est qu’on puisse arriver à ce genre de performance tout au long de l’année et pas seulement sur les livres scolaires.

BL : Écrire, peut-on en vivre aujourd’hui en Côte d’Ivoire ?

YD : Certains y arrivent, d’autres pas. Tout dépend aussi de la qualité de la vie qu’on veut mener. J’ai vécu exclusivement de mon écriture pendant plusieurs années. Mais je n’écrivais pas que des livres, j’écrivais des articles rémunérés pour mon blog, des journaux ou des magazines, entre autres. L’écriture m’a aussi ouvert des portes qui ont permis des gains financiers sans que je n’aie forcément à écrire.

BL : La femme dans l’arène littéraire ivoirien, quelle est sa place, à votre avis ?

YD : Elle n’a pas une place différente de ses homologues masculins. Elle critique ou pas, dénonce si elle veut, sensibilise si cela lui parle, passe des messages ou écrit juste pour la beauté du geste. Elle peut être témoin de son temps, héraut du passé ou prophète quand elle le souhaite. Elle est libre et  cela lui va très bien.

BL : Parlez-nous des difficultés auxquelles vous avez été confrontée dans votre parcours. Quel mot avez-vous à dire à ceux qui comme vous empruntent le même chemin, celui du combat pour le rayonnement de la littérature, mais qui n’y croient plus ?

YD : Mes difficultés étaient en général liées au financement de mes projets. Mais j’ai appris à faire avec les moyens de bord. Je les invite à faire de même. Il ne faut surtout pas croiser les bras, se lamenter, accuser. Il faut avancer. Même si ce sont des petits pas, ils comptent quand même. J’ai également eu des difficultés parce que j’étais la seule porteuse du projet. Chaque long voyage, chaque absence, chaque contrainte personnelle a une résonance sur l’activité. C’est toujours difficile mais j’essaie de déléguer. Il ne faut pas faire équipe avec n’importe qui, mais il est important de penser à s’entourer et bien s’entourer. Pour ceux qui sont découragés, c’est dommage et c’est là où la passion fait la différence. Ils doivent raviver la flamme et revenir à leur premier amour. Je continue de faire mon café littéraire parce que la première personne qui est heureuse d’y participer, c’est moi. Voilà pourquoi je peux faire une pause, repousser des dates pour des convenances personnelles, réduire le standard pour des questions financières, mais je continue de tenir ces rencontres. Le concept évoluera peut-être mais mon souhait est qu’il demeure. Peu importe sa nouvelle forme. J’aime lire et partager cette passion.

BL : Vous êtes auteure de plusieurs ouvrages allant de la nouvelle au roman. Entre temps vous êtes passée à la production de livres pour enfants. Pourquoi ce revirement ?

YD : Je ne vois pas cela comme un revirement. Les enfants sont une cible comme toute autre. Je compte produire d’autres livres pour les enfants, d’autres livres pour les grands, des livres pour les femmes… Tant que Dieu m’accorde l’inspiration, je produirai.

BL : Quelles sont vos sources d’inspiration ?

YD : Comme je l’ai dit plus haut, c’est Dieu qui donne l’inspiration. Elle peut naître d’une situation, d’un sentiment, d’une lecture, d’un rêve, d’un fardeau particulier. Mes livres de coloriage par exemple sont nés du souci de produire des ouvrages pour enfants qui seraient à la fois ludiques et éducatifs et feraient la promotion positive de la culture africaine.

BL : En 2010, vous publiez Côte d’Ivoire : 50 ans d’indépendance. 9 ans après, quel bilan faites-vous? Votre livre a-t-il eu un écho favorable ?

YD : Ce livre est un recueil de nouvelles lauréates au concours organisé par Fraternité Matin sur le thème Côte d’Ivoire : 50 ans d’indépendance. Nous étions dix lauréats. Certains ont continué dans la littérature et ont publié plusieurs livres par la suite, d’autres pas.

BL : Vous avez publié en 2012 « une passion interrompue » qui est en réalité votre première œuvre. Vous l’avez écrite quand vous étiez en 4ème. Vous deviez avoir environ 14 ou 15ans. A cet âge pubertaire, il paraît qu’on s’occupe d’autres choses. Mais vous, vous écriviez un roman. Qu’est-ce qui n’a pas marché ? (rires)

YD : J’avais plutôt 13 ans. Et ce n’était pas ma première œuvre mais l’œuvre que j’ai trouvée la plus aboutie à l’époque. J’avais déjà été piqué par la fibre de l’écriture mais la plupart de mes textes étaient de gros plagiats. C’étaient des copies presque conformes des livres que je lisais. Ils parlaient d’enfants détectives, de chasse au trésor, etc. Une passion interrompue a été la première histoire où j’ai eu le sentiment d’avoir produit quelque chose de différent de mes lectures, d’avoir passé un cap. Si certains font autre chose à la puberté, moi j’ai choisi d’écrire et ça été une des meilleures décisions de ma vie.

BL : « Intimes confidences » et « Les plus belles lettres d’amour » : deux ouvrages qui vous ont valu des récompenses de NEI. La poésie a certainement une place dans votre vie. Laquelle ?

YD : Ce n’étaient pas des ouvrages poétiques mais des lettres. Pour ce qui est de la poésie, c’est un poème qui m’a valu mon premier prix littéraire. J’étais en classe de Terminale. J’ai une grande admiration pour les poètes même si j’écris peu dans ce genre littéraire.

BL : La page des romans et nouvelles est-elle définitivement tournée ? En écrirez-vous d’autres ?

YD : Je ferai en fonction de mon inspiration.

BL : Nous sommes à la fin de notre interview. Nous vous remercions de vous être prêtée à nos questions. Mais avant de vous libérer (rire), dites-nous ce que représentent Dieu et votre mari dans votre vie ? Qu’avez-vous à dire à chacun d’eux ?

YD : Dieu est ma priorité numéro 1. Il est mon créateur qui est allé au-delà de cette relation pour me donner le statut de fille et de cohéritière avec Christ. Chaque jour je prends la mesure de sa bonté dans ma vie et ne considère pas comme acquis le privilège que j’ai de le connaître. Ma prière est de toujours choisir la bonne part, celle qui ne me sera point ôtée. Je veux achever la course, garder la foi, obtenir la couronne de vie et connaître le plaisir un jour d’entendre cette belle parole « bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître ». Je le prie de m’accorder cette grâce.

Mon époux est ma priorité numéro 2. Il est mon compagnon de service. Nous avons été affectés ensemble sur le même champ de bataille pour remplir ensemble une mission divine. Dans une armée, chacun a son rôle et son poste mais chacun contribue à remporter la victoire. Nous nous complétons. Nous nous soutenons. Ecclésiaste 4 : 9-10 dit « Deux valent mieux qu’un, parce qu’ils retirent un bon salaire de leur travail. Car, s’ils tombent, l’un relève son compagnon; mais malheur à celui qui est seul et qui tombe, sans avoir un second pour le relever! ». Il est une grâce incroyable pour ma vie. Il y a des opportunités que je n’aurais jamais saisies si je n’étais pas mariée. Mon époux a une foi qui ose. Il m’encourage à foncer, à me dépasser. Il veut que j’exploite mes talents au lieu de les enterrer comme le méchant serviteur. Il croit que je suis une lampe qui doit briller au lieu d’être cachée sous le boisseau. Il n’y a pas beaucoup d’hommes qui acceptent que leurs femmes puissent avoir une vie épanouie en dehors du cadre familial. Certains ne sont pas à l’aise quand leurs épouses brillent sous le feu des projecteurs. Il faut du charisme et beaucoup de maturité pour être le chef et se mettre au service du bien de l’autre. Et c’est ce que Christ nous a montré comme exemple. Et c’est ce que mon époux est pour moi. Pour lui j’ai une prière, qu’il continue d’aimer Dieu plus que tout et de le servir avec fidélité afin qu’on soit compagnons de louange au ciel.

BL : Votre mot de fin

YD : Merci pour cette lucarne et bonne chance dans cette belle aventure de promotion du livre.

×

Aimez notre page Facebook