I- Présentation et structure de l’œuvre

Il a de nouveau  frappé. Une frappe littéraire dans le sens positif du terme. Il offre une œuvre remarquable.  « Mon père, Mon choix » Abdel Hakim A. LALEYE vient inscrire au panthéon des œuvres littéraires béninoises un roman délicieux et poignant.   « Mon père, Mon choix » : ce titre assez évocateur semble s’imposer à l’auteur lui-même rien qu’en voyant sa police. On ne sort pas de cette impression avant de poser les yeux sur l’image illustrant tout le message que peut contenir ce titre à la fois intriguant et séduisant. Sur la couverture du livre, se détache un homme trainant son vélo avec un passager, un petit garçon, sans doute le fils. Le panier de provisions posé sur le siège avant laisse deviner d’où ils revenaient. Tout en bas l‘effigie des Editions LAHA trône. La quatrième de couverture porte un bref aperçu de l’ouvrage suivi son code ISBN. Les premières pages sont consacrées aux différents romans déjà publiés par LAHA éditions et à la préface d’Apollinaire AGBAZAHOU. « Mon père, Mon choix » est subdivisé en 1O temps et fait 165 pages.

 

II-Résumé de l’œuvre

« Mon père, Mon choix » est un titre évocateur. En témoigne cet extrait « voyons, fiston, mes choix je les ai faits en toute connaissance de cause, même si certains avaient été délicats. Mais je les assume. La vie est une grâce et les choix qu’on fait sont des parures que l’on met à l’âme. Merci à toi petit prince. » (Page 165). Intelligenti pauca, disent les latins. Le lecteur n’aura point besoin d’un dessin pour se faire une idée claire du vrai sens du choix dont il s’agit dans ce roman. Disou, est un père célibataire. Il est appelé à choisir entre son fils et la nouvelle femme de sa vie, Omo Lara. Une femme de condition aisée avec qui il pourrait avoir une vie de rêve. Mais attention. Tout cela n’est possible qu’à une condition…. L’insécurité de cette condition guette le fils, source de gêne et d’inconfort. Disou réussit à faire la part des choses et choisit de garder son fils. Des années plus tard le fils lui rend la pareille en faisant le même geste lorsque sa fiancée lui parle en ces termes :

«  -Je ne sais pas, tu le ramènes au village ou tu lui trouves une maison en ville.

 -Ecoute, c’est ça ou rien. »

Biyi choisit son père au détriment de sa fiancée. Le père Disou rompt d’avec les préjugés cousus du fil de l’irresponsabilité attribuée aux pères en générale : « La figure tutélaire du père se dévoile certes, ici, mais c’est plutôt son amour unique et généreux qui se construit à travers un duo de tous les instants avec le fils orphelin de mère à la naissance. » (quatrième de couverture). Le père a choisi. Un choix décisif nécessitant un « Non Samorien. » La célèbre parole samorienne si chère à Ahmandou Kourouma se descelle implicitement dans ce choix. Car en effet, « Quand on refuse, on dit non ». Un non qui vient vasculariser les espérances de Biyi tout en catapultant dans le labyrinthe de la déception les ambitions gauchistes d’Omo lara. N’est-ce pas que Disou en sera récompensé par son fils ?

 

III- Du rôle du père

Le père de famille a un rôle prépondérant à jouer. C’est lui qui assure indépendance, épanouissement à sa progéniture. Cependant que ce rôle est bien défini, il n’est pas rare de constater que moult pères se dérobent à leur responsabilité. D’où l’étiquetage de ces derniers taxés d’irresponsables. L’auteur en parle à la quantième de couverture afin qu’on ne s’y méprenne pas : « La littérature et les arts ont souvent articulé autour de la figure maternelle les thèmes de bravoure, de la générosité et de l’endurance. Au père, n’est que restée l’image de l’irresponsable le male fouettard et de l’individu égoïste. » Il a donc le mérite de démystifier la question autour de la figure paternelle longtemps peinte aux couleurs de l’éther et aux effluves du vin de palme si cher aux Béninois. On pourra lire sur sa page Facebook : « J’ai écrit ce livre parce que, comme les autres, j’ai voulu partager une réflexion sur la place du père dans nos vies. Généralement, c’est l’image de la mère que les auteurs aiment évoquer ou montrer. La femme et la mère sont objet d’admiration et de vénération. Souvenez-vous des poèmes de Senghor ou ceux de Bernard Dadié. Or, pour les gens, le père symbolise l’autorité, la fermeté, comme s’il n’a que des ordres à donner ou la chicotte à agiter. On en oublie que le père a aussi un cœur, quelqu’un qui, même s’il ne laisse pas souvent apparaître, vit des tourments liés au devenir de son fils.ce livre nous instruit de la capacité d’un père célibataire à renoncer à tout pour l’épanouissement de son enfant, qu’importent les obstacles. N’est-ce pas une belle preuve d’amour ? ».

Tous les pères ne sont pas irresponsables. Si tous sont étiquetés c’est purement de l’ordre de ce syllogisme crié à tort et à travers : « si une tomate pourrie, alors toutes les autres subissent le même sort » Disou reste cependant l’exception qui vient confirmer la règle.

 

 IV-Temps de la narration  et sens du titre

1- Temps de la narration

Il faut remarquer que le récit est essentiellement à l’imparfait et au passe simple de l’indicatif. Le narrateur est omniscient  possesseur de toutes les informations et les livre à la connaissance du lecteur au fur et à mesure que ce dernier évolue dans sa lecture. Le récit tissé d’analepses, véritables voyages dans le temps où suivant une orchestration savamment réalisée, l’auteur introduit le lecteur dans une sorte de contemporanéité avec les personnages. N’est ce pas que les chapitres mêmes sont repartis en Temps ? L’auteur commence par le présent pour enfin faire la lumière sur le passé. Cette forme de narration est assez adaptée pour faire le lien entre ce que vit Biyi et ce qu’a vécu son père dans le passé : un trait unique de ressemblance, un point identique d’achoppement : La femme. Une sommation lancée à Biyi

– Ecoute, ( ….)

Cette dernière phrase de Shadé lui impose un choix. Un choix évocateur de celui fait par son père jadis.

2-Sens du titre  

« Mon père, mon choix ». A bien lire entre les lignes, on découvre les allusions et les implicites de cette œuvre. Le titre à lui seul émane et renvoie à la maxime bien connue : « La vie est un choix », un choix personnel que l’on fait en toute exercice de sa conscience. Un choix qui peut se révéler philosophique aussi. Ainsi que Karl Jaspers le dit dans son introduction à la philosophie, « La réflexion philosophique doit en tout temps jaillir de la source originelle du moi et tout homme doit s’y livrer lui-même » Personne ne peut donc prétendre ne pas devoir choisir. Car c’est choisir tout de même que de choisir ne pas choisir. Ici le père est le choix qui s’opère en toute conscience et en toute liberté. Et pour cela il aura fallu assez de force de caractère pour détacher l’esprit des sens . La vie est tout simplement un choix.

L’on ne saurait lire ce livre sans penser à l’hommage de Maurice CAREME quand il écrit :

Mon père aimé, mon père à moi,
Toi qui me fais bondir
Sur tes genoux
Comme un chamois,
Que pourrais-je te dire
Que tu ne sais déjà ?
Il fait si doux
Quand ton sourire
Eclaire tout sous notre toit.
Je me sens fort, je me sens roi,
Quand je marche à côté de toi.

 

Dans l’histoire rapportée par Abdel HAKIM, il appert clairement que le choix du père n’est pas toujours une sinécure. Certes, il existe des pères moins bons ainsi que l’illustre Dostoïevski   dans « Les Frères Kamarazov », à travers Fiodor Pavlovitch Kamarazov père de Dmitri, Ivan et Alexe.  Contrairement à Dostoïevski, Abdel HAKIM soustrait son personnage au parricide et pose la figure du père comme un point de repère incontournable dans la vie de l’enfant. Il s’agit en effet d’un genre de psychanalyse où Abdel HAKIM fait voir tant aux enfants qu’aux pères de familles que le complexe d’Œdipe peut être surpassé et que le  « fantasme de l’amour du père au fantasme du meurtre du père » évoqué par Freud au sujet de Dostoïevski et de son chef d’œuvre « Les Frères Kamarazov » n’est ni une fatalité ni une sorte d’Epée de Damoclès qui planerait sur la tête de tous les enfants.

S’inscrivant dans ce débat psychanalytique Colince Yann pose le problème de la figure du père en relation à la femme. Il écrit en effet dans sa présentation de « Mon père, mon choix » :  » Mon père mon choix, c’est la version masculine de la fête du 08 mars. Pas forcément, voire pas du tout une opération testostérone. Mais plutôt une invitation, adressée aussi bien au garçon qu’à la fille. Une ode à la nostalgie. Une originale proposition de voyage dans les souvenirs passés et présents de nos relations avec Papa. » Cette pensée fait d’emblée pétition d’une récupération et d’une revendication qu’on pourrait qualifier de « masculiniste ». Mais à y voir de près, Colince Yann interprète le tire de l’œuvre en lien avec tout ce que bien des vies sont certainement détruites parce que les enfants ne sont pas arrivés à accepter leur père qu’il est. Le titre renvoie à la responsabilité du papa dans l’équilibre psychoaffectif de l’enfant qui très souvent n’a de modèle immédiat que son papa.

Conclusion

Le voyage à travers les lignes de cette œuvre prend fin sur une note de joie. Le fils paie sa rançon au père. Une rançon méritée à coup sur. Abdel HAKIM a su en découdre avec les vieux démons qui hantent l’opinion. Il a érigé une nouvelle ère où l’on pourra espérer une figure paternelle hors du commun. C’est aussi une hymne merveilleuse en hommage aux pères célibataires qui élèvent tout seuls leurs enfants. Vivement que cela serve de leçon. Car la vie est un choix. Entre le père et le fils etc… quel est votre choix ? Le mien est connu….

 

Cyriaque ADJAHO

  1. Encore cet auteur.. Cet homme de courage et d’indépendance d’esprit nous éclaire encore et encore…
    Cher Cyriaque, merci pour cette prescription !!

    • Merci à tous pour la participation. Mais la question de Cyriaque est restée sans réponse. « quel est votre choix? »

  2. Bonsoir. Comment vous faire parvenir un écrit ? Puis-je avoir une adresse électronique puisque je suis dans le nord. Merci de me répondre

    • Evoyez le à cet adresse : Adeifeadjaho @gmail.com

      je me ferai le plaisir de le transmettre à qui de droit .Soyez biscottes littéraires.

  3. Merci Cyriaque. Ce livre t’a marqué (apparemment pour la raison que nous savons, toi et moi). J’aime le très beau travail abattu. Merci