Alfoncine Nyélénga Bouya est l’auteure que nous recevons pour vous aujourd’hui. En votre nom, nous lui disons merci pour cette interview qu’elle nous accorde. Bonne découverte à chacun et à tous!

BL : Bonjour madame Alfoncine Nyélénga Bouya. Vous êtes belge, originaire du Congo. Vous avez travaillé à l’UNESCO et au PAM. Vous avez étudié en Allemagne. Que pouvons-nous savoir davantage de vous ?

ANB : Je suis retraitée ; mère de trois enfants, grand-mère de 4 petits enfants. J’écris, je prends part à plusieurs activités récréatives et de maintiende la forme pour Seniors dont la danse (Zumba, disco, harmonie et bien-être) et aussi la marche. Actuellement j’apprends à jouer du piano!

BL : Quel regard portez-vous sur l’Afrique d’aujourd’hui, en ce temps de covid 196, vous qui avez travaillé pendant longtemps à l’UNESCO et au PAM?

ANB : Au début de la pandémie, j’ai beaucoup craint pour l’Afrique, même si au fond de moi une petite voix me rassurait que l’Afrique avait déjà fait face à plusieurs crises sanitaires : choléra, le SIDA, ébola, chikukunya pour ne parler que celles-là, et s’en était tirée pas mal. Cependant, ce virus étant quelque chose de tout à fait nouveau que personne ne maîtrisait encore, je ne pouvais qu’être très préoccupée pour l’Afrique. Connaissant l’état des structures et infrastructures sanitaires j’ai craint l’hécatombe en Afrique. J’ai même écrit un ou deux articles là-dessus en réaction aux mesures prises par certains gouvernements concernant l’éducation en période de Covid (ça c’est mon côté UNESCO) et,bien entendu, je m’informe chaque jour de ce que fait le PAM pour toucher les personnes les plus vulnérables en leur apportant des denrées alimentaires qui augmenteraient un tant soit peu leur résistance à la pandémie et leur résilience vis-à-vis de la crise économique qui accompagne la pandémie.

BL : Vous avez beaucoup voyagé. Quelles influences ces voyages exercent-ils sur votre écriture?

ANB : Les voyages ont façonné ma personnalité et m’ont dotée d’une largesse d’esprit hors du commun. Les souvenirs et autres expériences ramenés de ces voyages constituent un immense creuset dans lequel je puise constamment ce qui alimente mon écriture.

BL : Quels enseignements sur l’homme tirez-vous, chère Alfoncine Nyélénga Bouya ,  de vos nombreux voyages?

ANB : Le plus grand enseignement est que l’humain est l’humain quelles que soient les latitudes sous lesquelles il vit. Comme l’on dit en Wolof (Sénégal) : « ÑitgarabÑit la » l’humain est le remède de l’humain ou encore en créole haïtien : « Tout moun se moun » tout humain est humain.

BL : On peut dire que vous êtes entrée en littérature sur le tard, quelles appréhensions, difficultés, contraintes justifient cela?

ANB : J’ai toujours aimé la littérature ; j’ai toujours été et je suis encore une dévoreuse de livres. Avec mes activités professionnelles, je n’avais pas le temps de me consacrer à l’écriture littéraire, trop occupée par la rédaction des documents professionnels : rapports, études, projets, politiques, stratégies, et autres évaluations, etc… Quand j’ai pris ma retraite, j’ai eu beaucoup plus de temps pour moi et j’ai enfin décidé de réaliser cet autre rêve qui était tapi au fond de moi depuis des années. Me lancer dans la littérature qui est aussi pour moi une bonne stratégie pour maintenir l’activité cérébrale et mentale, c’est aussi une bonne hygiène pour mon intellect.

BL : Vous avez écrit un recueil de nouvelles intitulé « Makandal dans mon sang ». Veuillez nous introduire dans l’économie de ce titre. Quand on sait qui est Makandal, comment le portez-vous dans le sang?

ANB : Dans mon pays d’origine, le Congo-Brazzaville, on rencontre des expressions comme « Son sang est fort » ou encore « Cet enfant est vraiment le sang de son père ou de sa mère ». Il s’agit là de figures allégoriques très souvent employées dans les langues africaines, particulièrement dans les langues bantoues. En intitulant mon recueil de nouvelles « Makandal dans mon sang » j’ai voulu d’abord faire ressortir l’origine de Makandal qui venait de l’espace nommé aujourd’hui Bassin du Congo, ensuite j’ai voulu affirmer mon attachement à la terre haïtienne, ma fierté d’avoir vécu dans ce pays qui fut la première république noire au monde, et souligner aussi mon caractère foncièrement rebelle car, mine de rien, je suis de nature très rebelle à l’instar de Makandal qui fut le premier Marron sur l’île d’Hispagnola dont la partie occidentale deviendra Haïti.

BL : Que ressentez-vous aujourd’hui dans votre chair après avoir quitté Haïti et surtout après avoir accouché « Makandal dans mon sang »?

ANB : Mon départ d’Haïti a été une vraie déchirure. Je ne me suis jamais sentie aussi bien dans un pays qu’en Haïti. J’ai écrit les nouvelles de « Makandal dans mon sang » pendant que j’étais encore en Haïti. Puis, une fois à Bruxelles, je n’ai fait que relire et corriger les coquilles avant l’envoi à l’éditeur. Chaque année depuis mon départ, je ne cesse de programmer et, hélas de déprogrammer aussi des voyages pour Haïti à cause de l’instabilité politico-sociale et des troubles qui ont cours dans le pays, à quoi s’ajoute la pandémie du Covid avec ses corollaires le confinement et la fermeture des frontières. Mais j’espère que très bientôt je pourrai y retourner car j’y ai des attaches très profondes, des amis et amies qui sont plus que des amis (es) et qui sont devenus (es) des parents, des frères et sœurs pour moi.

BL : Les parallèles entre l’Afrique subéquatoriale et Haïti révèlent deux mondes identiques marqués par un attachement au magico-sorcier et aussi, paradoxalement, par le sous-développement. L’Europe s’est développée, en partie, grâce au catholicisme. Pourquoi l’Afrique ne l’a-t-il pas pu au moyen de ses croyances religieuses?

ANB : Permettez-moi d’abord de retirer l’expression « attachement au magico-sorcier » et de le remplacer par « une même spiritualité ». Ensuite que les situations socio-économiques de certains pays africains soient plus ou moins identiques à celle d’Haïti n’est pas un fait du hasard. Déjà rien que du fait de la déportation des millions d’Africains vers les Amériques dont Haïti, ensuite par la colonisation. C’est vrai qu’Haïti aujourd’hui vit une situation chaotique, mais on oublie souvent aussi qu’Haïti a été longtemps un grand producteur mondial de café, et que même aujourd’hui Haïti est le premier producteur mondial du vétiver. Malheureusement cette richesse est entre les mains du grand Capital et les populations n’en profitent pas, elles croupissent dans la misère exactement comme dans les pays producteurs de pétrole en Afrique où la grande majorité de la population vit dans des espaces hautement pollués et meurt dans la misère la plus sombre. On oublie aussi de parler de l’embargo international infligé à Haïti pour la punir d’avoir osé braver les colons et ravi son indépendance en mettant en déroute l’armée de Napoléon ! Après l’indépendance d’Haïti, il y a eu cette coalition des puissances occidentales qui a été mise en route pour punir cette petite république noire composée d’esclaves libérés ! Et, ironie du destin c’est en 1860 qu’est signé le Concordat qui a consacré la reconnaissance d’Haïti par le Vatican. Le Vatican a été ainsi le premier état à reconnaître la république d’Haïti. Je ne suis pas certainement que l’Europe se soit développée grâce au catholicisme, celui-ci n’étant qu’une branche du christianisme ! La révolution industrielle en Europe n’était pas le fait du catholicisme. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le christianisme avait saccagé et continue de saccager les croyances, la spiritualité, les pratiques religieuses proprement africains en les affublant de tous les maux et mots péjoratifs : magie noire, sorcellerie, superstitions, sataniques, etc…Aujourd’hui les églises chrétiennes se sont installées partout en Afrique et des millions d’Africains sont convertis au christianisme y compris au catholicisme, cela n’a pas plus permis le développement de l’Afrique. Je suis tentée de dire que le christianisme et partout le catholicisme ont été des freins au développement de l’Afrique et d’Haïti.

BL : Madame Alfoncine Nyélénga Bouya, dans une interview accordée à Nathasha Pemba, vous écrivez ceci: « Haïti représente pour moi la rencontre de moi à moi, la révélation de moi à moi-même. » Comment cela s’est-il fait qu’après plusieurs années passées sur terre, il fallu ce voyage en Haïti pour que vous opériez cette rencontre avec vous-même?

ANB : La vie est une quête ! Quête de connaissances, quête du bonheur, quête de richesses, quête de gloire, etc. J’ai été dans ma vie (et je le suis encore) toujours en quête de quelque chose. On peut vivre 100 ans sur terre sans jamais se rencontrer, sans jamais se révéler à soi-même, sans jamais se trouver soi-même. Mon séjour à Haïti m’a permis de découvrir cette richesse extraordinaire qui était tapie en moi : une personne ouverte à toutes les cultures, une personne qui évolue dans l’acceptation des autres, une personne foncièrement spirituelle, fondamentalement indépendante, libre dans sa tête, dans son être. Quand j’avais été invitée à une cérémonie vodou, (c’était la fête de la divinité Ogou) le son du tambour m’a ramenée à Ikoumou, le village de mon grand-père dans la Cuvette congolaise alors que j’étais physiquement à Haïti. C’était pour moi une expérience spirituelle semblable aux extases de Sainte Rita ou de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Comprenez-moi bien, je ne dis pas que je suis une sainte, je veux dire que l’expérience spirituelle que j’ai vécue à ce moment m’a confirmé l’UNICITE de Dieu qui se manifeste aux uns et autres selon leur culture, leur milieu de vie, leur histoire propre. Mon expérience haïtienne a été la somme de mes expériences ontologiques.

BL : Comment le nom Makandal résonne-t-il selon au coeur de l’histoire du monde de ce temps?

ANB : Hélas, le nom et l’histoire de Makandal ne sont pas très connus, dans le monde noir actuel, alors qu’il devait être considéré comme un héros de l’histoire des Africains et des Afrodescendants ! Bien que ses racines remontent au Bassin du Congo, très peu ou pas de personnes vivant aujourd’hui dans cet espace culturel savent que l’un des leurs, déporté en terre d’Hispagnola avait été à la tête du mouvement Marron. Beaucoup connaissent Toussaint Louverture et dans une certaine mesure le roi Christophe, mais ceux qui connaissent Makandal … se comptent sur les doigts d’une main. C’est pour cela que j’ai cru de mon devoir de faire connaître Makandal, esclave rebelle et premier marron originaire du Bassin du Congo, combattant de la liberté ! Enfin en étudiant la vie de Makandal, j’ai trouvé des points de similitude avec mon grand-père maternel Itoua L’Ossolo qui fut un grand nganga (devin-guérisseur) et qui fut persécuté à cause de ses savoirs et connaissances.

BL : L’on ne peut lire ce livre sans penser à l’esclavage. Qu’est-ce que cela vous inspire que des siècles après, l’on détrône des statues de Victor Schoelscher?

ANB : Je pense que l’esclavage et la colonisation ont laissé des séquelles durables chez les descendants des populations qui ont été victimes de ces fléaux. Mais je ne pense pas que déboulonner les statues des hommes qui ont marqué l’histoire de l’Occident puisse être la solution pour effacer ces séquelles. On ne peut pas effacer l’histoire ni réparer les travers traumatiques de l’histoire par des actes qui ne participent pas à notre développement personnel et collectif. Ceux qui déboulonnent les statues devraient plutôt se battre pour que soient érigées d’autres statues évoquant des héros, des personnes qui ont lutté contre l’oppression, l’esclavage, la colonisation, l’asservissement des peuples etc… On devrait, dans les villes africaines et même occidentales, avoir des statues de Jean Jacques Dessalines, de Toussaint Louverture, de Makandal, de Kwamé Nkrumah, de MbuyaNehanda, de Anténor Firmin, de Jacques Roumain, et j’en passe. Le ridicule est que pendant que l’on déboulonne la statue de Victor Schoelcher d’un côté, personne ne s’offusque de ce que la statue de Pierre Savorgnan De Brazza à qui il est dédié tout un mausolée, trône au centre-ville de la ville de Brazzaville au Congo. Les villes européennes peuvent garder leurs statues, mais les villes africaines devraient faire en sorte qu’hommage soit rendu à tous les héros et combattants pour la liberté en Afrique. Nos héros à nous aussi doivent être connus et honorés de génération en génération.

BL : La question nègre est toujours à l’ordre du jour. Qu’est-ce qui explique le fait que partout au monde, les Noirs soient victimes de toutes les injustices et exactions possibles?

ANB : C’est la bêtise humaine qui se traduit par l’ignorance, la peur de l’autre, l’esclavage, la colonisation, la cupidité etc. qui font que les Noirs sont toujours et encore victimes des injustices et autres exactions. L’origine de tout cela remonte à la rencontre des Noirs avec les « autres. » Les Noirs sont les seuls au monde à avoir subi autant d’injustices, de maltraitances, d’exactions, toutes formes d’oppression, de déshumanisation de l’humain. Le passage de « populations sans âme » à celui de « dotés d’une âme » n’a pas changé grand-chose dans l’esprit des descendants de ceux qui ont établi cette catégorisation. Malheureusement, j’ajouterai aussi à cela, le manque de solidarité entre les Noirs, l’égoïsme, l’absence d’un sentiment fort d’appartenance, et aussi la cupidité qui contribuent à maintenir les Noirs dans un état de vulnérabilité quasi permanente. Tant que les Noirs ne tireront pas les leçons du passé et ne se forgeront un destin commun, une vision commune de leur avenir en prenant appui sur leur histoire commune, en se tournant vers l’héritage laissé par leurs ancêtrespour en tirer la substantielle moëlle, ils continueront à subir injustices et exactions de la part des autres.

BL : Que vous inspirent les vagues de contestations planétaires nées au lendemain de la mort de GoergeFLOYD?

ANB : Je pense que le meurtre de George Floyd marque un tournant décisif dans l’histoire de l’humanité. Les contestations ont été planétaires c’est vrai, mais je déplore la faiblesse des voix africaines pour ne pas dire leur silence. Pour moi, quelque chose de fort, un changement radical, des forces spectaculaires sont en mouvement, en train de se produire dans le Cosmos, dans l’Univers et sur notre Planète Terre. Malheureusement l’Afrique risque de rester à l’écart de ce vaste chamboulement qui se produit dans l’Univers. Les Japonais et même les Coréens ont protesté alors que dans de nombreuses villes africaines c’était quasiment le silence, l’inaction. Et ça c’est bien triste. La mort de Floyd a dévoilé ce qui se passe tous les jours sous tous les cieux, ce que vivent les africains et afrodescendants sous toutes les latitudes y compris en Europe et en Afrique. D’ailleurs j’ai coordonné la publication d’un recueil de poèmes intitulé « Des plumes contre les violences en Afrique du sud » trouvable sur les sites de ventes en ligne, pour dénoncer les exactions commises contre les ressortissants africains dans ce pays dit « Arc-en-ciel »…mais très vite, on bascule aisément dans l’oubli.

BL : « Le rendez-vous de Mombin crochu », Alfoncine Nyélénga Bouya, nous invite aussi en Haïti. Mais ici il est question d’une initiation à la connaissance de soi, de son histoire, de ses origines. Le vodun est aussi présent. Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire ce roman et qu’avez-vous ressenti intérieurement après l’avoir écrit?

ANB : Mombin -Crochu est, en effet, une localité située dans le nord-est d’Haïti, pays où se déroule la plus grande partie du roman. J’ai vécu plusieurs années dans ce pays, j’ai épousé son histoire, sa culture, sa spiritualité. Je me suis retrouvée dans tous ces aspects, j’ai réalisé que quelque chose de très fort, de très puissant, de très profond me reliait à l’histoire, à la culture et surtout à la spiritualité d’Haïti. J’ai aussi constaté que la condition des femmes était similaire à celle des Africaines que j’avais rencontrées en peu partout sur le continent lors de mes missions professionnelles, que les violences de toutes sortes subies par les femmes en Haïti étaient les mêmes que celles que subissent les femmes africaines, alors j’ai tenu à faire ressortir dans mon roman cette communauté du vécu des femmes. Après avoir écrit ce roman, le sentiment qui m’a animé est que je venais de subir une initiation c’est-à-dire de commencer un cheminement, de m’engager dans une voie qu’il me faudra suivre : renforcer les liens entre Haïti et l’Afrique en utilisant l’écriture comme moyen, outil ou arme pour mon action.

BL : L’on ne peut non plus le lire sans réaliser votre souci de remettre sur le tapis la question de l’altérité. Comment la percevez-vous en cette ère des TICs, de la sécularisation et de l’individualisme outrancier où vous pouvez paraître bizarre ou exotique à l’autre en lui adressant le bonjour dans le métro ou dans la rue ?

ANB : Dans mon adolescence je m’amusais à répéter qu’il fallait oser vivre à contre-courant. C’était pour moi une philosophie de vie : Ne pas suivre le courant ! Et je crois que c’est ainsi que j’ai vécu ma vie en gardant à l’esprit les valeurs sociétales humanistes et universelles et en ayant mes valeurs à moi que je respecte scrupuleusement : par exemple voir en tout être humain une étincelle divine ou universelle ; vivre ma relation à l’autre comme dans le « Je » et « Tu » dont parle Martin Buber dans son livre éponyme, et veiller continuellement à ne pas sombrer dans l’individualisme et ses pendants l’égoïsme, le renferment sur soi et la négation / dénégation de l’autre.

BL : Est-ce pour autant que le communautarisme qui est bien cher aux africains est une valeur universalisable quand on voit tout le poids que pèse la collectivité dans la vie de l’individu à tous les niveaux au point que ce dernier ne semble plus exister ?

ANB : Ce n’est parce qu’en France on critique le communautarisme qu’il est mauvais en soi. Le communautarisme est bien vécu dans des pays comme les Etats-Unis ou la Belgique et dans ces pays, il est plutôt une stratégie de survie, une arme contre la dissolution du soi. Je ne suis pas convaincue qu’en Afrique l’individu ou ce que vous appelez la vie de l’individu soient happés par la collectivité. La philosophie de l’Ubuntu est là pour attester la connectivité des êtres et l’interpénétration des différents niveaux d’être ; « Je suis ce que je suis parce que vous êtes ce que vous êtes » ou encore « Je suis ce que je suis grâce à ce que vous êtes » ; « je suis parce que vous êtes et vous êtes parce que je suis ».

BL : La condition féminine est un thème qui traverse vos deux œuvres. Comment définissez-vous aujourd’hui le féminisme, avec le recul du temps, après que tant d’eaux ont coulé sous le pont? et de quel féminisme vous réclamez-vous quand dans « Le rendez-vous de Mombin crochu » vous lâchez cette bombe : « Si tu ne peux défendre la terre de tes Ancêtres, donne le sabre de guerre aux femmes, elles te montreront le chemin de l’honneur. » (Page 157)?

ANB : Je ne définis pas le féminisme, je le vis. J’ai, depuis longtemps, dépassé le stade des simples revendications et des slogans. J’applique les principes d’égalité et d’équité dans tous les domaines de la vie quotidienne et dans mes écrits. Quand je reprends dans mon roman ces paroles contenues dans l’hymne du Wassoulou et chantées par Kouyaté SoryKandia : « Si tu ne peux défendre la terre de tes Ancêtres… » je ne réclame pas un féminisme ou une branche quelconque du féminisme, mais je rappelle aux lecteurs africains et à ces africains devenus des violeurs, des pédophiles, des marchands d’enfants etc… que leurs déviances actuelles ne sont innées ni ataviques, que leurs ancêtres avaient du respect pour les femmes qui, elles, détenaient la moitié des pouvoirs temporels et spirituels, et que rien sur cette terre de beau, de bon, de vrai, de durable, ne peut s’accomplir sur cette terre sans la participation juste et équitable des femmes.

BL : Cette voix qui invite au Monben Kwochi, au-delà de la petite fille aux allures féériques, de qui s’agit-il en réalité?

ANB : Justement, le roman ne dit pas à qui est la voix.  Le roman dit seulement que c’est la voix d’une femme sans préciser qui est exactement cette femme. C’est ça aussi le suspens, un des mystères de ce roman, ce qui fait sa beauté !

BL : Comment passez-vous vos journées maintenant que vous êtes à la retraite ? Qu’est-ce qui vous occupe vraiment ?

ANB : Je lis, j’écris, je participe à plusieurs activités physiques pour me maintenir en forme, je voyage entre la France et la Belgique pour m’occuper de mes petits- enfants, je voyage aussi hors d’Europe pour mon propre plaisir, pour rendre visite à mes amis (es) et pour servir ceux qui sont dans le besoin quand on fait appel à moi pour mon expertise.

BL : Quels sont vos projets en matière de littérature, madame Alfoncine Nyélénga Bouya ?

ANB : Je continue d’écrire. J’ai sur la table un recueil de nouvelles à terminer et un roman qui est en chantier. La nouvelle et le roman restent mes genres préférés pour le moment. Peut-être qu’un jour je me mettrai au théâtre, à la poésie ou autre chose.

BL : Votre portait chinois à présent

Un héros ou une héroïne :  Ti Jean l’Horizon

-Un personnage historique :  Makandal

-Un auteur :  Maryse Condé

-Un plat : le lalo, un plat haïtien à base de feuilles gluantes

Un animal : la gazelle

-Un passe-temps : le tirage des cartes du tarot ou des oracles

BL : Merci madame Alfoncine Nyélénga Bouya de vous être prêtée à nos questions. Votre mot de la fin.

ANB : Merci à toute l’équipe des Biscottes littéraires pour la promotion qu’elle fait des écrivains et écrivaines du continent africain et de la diaspora. L’aventure est exaltante, le chemin périlleux, mais ensemble nous arriverons .