« L’aspirant écrivain doit être d’abord lui, ne pas vouloir être immédiatement un Ahmadou Kourouma ou autre Dadié. Il doit aimer la lecture, beaucoup lire et avoir une forte dose d’imagination, de la suite dans les idées et surtout être très patient afin de produire quelque chose de potable. » THIAM ABDOULAYE

Bonjour les amis, ainsi s’exprime l’écrivain que nous recevons pour vous cette semaine. Il s’appelle THIAM ABDOULAYE et nous vient de la Côte-d’Ivoire. Il a à son actif un roman « La Promesse« . Découvrons-le dans cette interview.

BL : Bonjour M. Thiam Abdoulaye. Merci de nous accorder cette interview. Veuillez vous présenter aux lecteurs.

TA : Bonjour monsieur. Bon voilà, THIAM ABDOULAYE est un jeune ivoirien de 33ans né au nord de la Cote d’Ivoire précisément dans une belle petite ville appelée Niakara. Mon père (paix à son âme) était commerçant et ma mère une brave femme ménagère. Je suis marié et père de deux adorables garçons.

BL : Titulaire d’un bac scientifique, vous êtes aujourd’hui écrivain. Curieux ! Comment s’est faite votre rencontre avec les lettres ?

TA : Rire… Effectivement que cela pourrait attirer la curiosité, mais il faut dire que j’ai été poussé vers le monde de la littérature depuis mon très jeune âge car j’aimais lire, j’aimais découvrir des histoires alors avec l’aide d’une grande sœur (Fatou que je salue au passage) je me suis inscrit à une petite bibliothèque de ma petite ville (Niakara). Quand j’y allais je me dirigeais chaque fois dans le rayon des livres pour adulte, j’adorais vraiment les histoires imaginaires alors j’ai commencé à nourrir cette idée de un jour écrire et Dieu merci c’est arrivé.

BL : Vous avez pour pseudonyme « L’enfant noir ». Partagez avec nous le secret du choix de ce pseudonyme.

TA : Rire…Non pas vraiment de secret. L’enfant noir est venu d’abord par certains de mes condisciples étant sur la fac à cause de la noirceur de ma peau, rire…. Et par la suite puisque j’ai adoré les écrits du célèbre écrivain Camara Laye qui se faisait appeler l’enfant noir, je me suis dit pourquoi ne pas accepter enfin ce pseudonyme que m’octroyaient mes amis, c’était un honneur pour moi de me faire appeler ainsi.

BL : Quelle utilité l’écrivain contemporain a-t-il selon vous ?

TA : Merci bien, vous savez quel que soit ce que l’on dira de lui, l’écrivain, ancien comme nouveau a toujours eu une grande place dans la société. Son impact n’a pas changé. C’est un éveilleur de conscience, c’est un guide, un ami qui nous aide de par ses écrits à traverser les difficultés etc. Pour moi les écrivains historiques ou contemporains ont toujours su apporter une touche particulière quant aux différentes luttes pour une meilleure existence. Les écrivains sont toujours utiles.

BL : Jugez-vous utile de continuer à produire de la littérature pour un lectorat de plus en plus restreint et davantage attiré par d’autres loisirs peu constructifs ?

TA : Bien évidemment, vous l’avez si bien dit : attiré par d’autres loisirs peu constructifs. Alors que pourraient apporter ces loisirs peu constructifs à l’humanité ? Et même si le lectorat rétrécit continuellement, il faut continuer d’écrire, chercher à toucher la sensibilité de ce petit lectorat qui, certainement pourrait faire la promotion du livre.

BL : En tant qu’homme de lettres, quelle(s) mission(s) vous assignez-vous personnellement ?

TA : Je veux d’abord donner ou créer l’amour de la lecture chez cette nouvelle génération à travers des histoires palpitantes, histoires qui leur donneront envie de vouloir ouvrir d’autres livres et en même temps véhiculer certaines bonnes mœurs telles que le respect, le travail, la décence etc.

BL :Avez-vous une quelconque cible pour vos textes ?

TA : Non pas particulièrement, je veux toucher tout le monde.

BL : Parlez-nous de la genèse de « La Promesse »

TA : ‘’La promesse’’ a été inspirée d’une histoire vraie. J’étais en résidence universitaire, lorsque je fis la rencontre d’une jeune fille musulmane. J’ai été tout d’abord frappé par son accoutrement parce qu’elle avait tout le corps recouvert de voile noir. Elle était en deuxième année de Physique à l’université et moi en maitrise en faculté des lettres. Elle était la cousine à une condisciple qui m’avait juré de n’avoir jamais vu le visage cette fille quand bien même qu’elles auraient grandi ensemble. Elle était l’unique enfant de ses parents et son géniteur, l’on ne sait pour qu’elle raison avait décidé et par tous les moyens de laisser vivre sa fille dans ses tissus noirs depuis que celle-ci n’était qu’une enfant. Elle en souffrait énormément mais en même temps ne voulait pas désobéir à son père.  Son histoire m’avait marqué j’eus de la peine pour elle. J’avais en ce temps-là, un manuscrit à achever que j’abandonnai pour écrire ‘’La Promesse’’, histoire pour moi de soutenir la jeune fille tout en dénonçant l’attitude du père.

BL : Vous y racontez l’histoire du déchirement tragique entre un père et sa fille, de quoi illustrer parfaitement un phénomène social : l’écart entre les générations passées et celles actuellement et leurs éternels affrontements. Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce sujet ?

TA : Effectivement, je me suis intéressé à ce sujet parce que comme feu Seydou Badian  qui en en avait fait cas de cela dans œuvre ‘’Sous l’Orage’’, le conflit de génération est toujours d’actualité. Les parents qui veulent imposer leur méthode, leur vision aux enfants, et ces derniers qui voient ces visions comme de la dictature, comme un idéal de vie dépassée, se trouvent confronter ou opposer aux parents. De ces contradictions naitra un bras de fer qui fera plus de mal aux deux camps.  Alors j’essaie de faire comprendre à ces deux générations qu’il faudra essayer de trouver un certain équilibre afin d’avoir une vie harmonieuse où aucune dignité humaine ne sera bafouée.

BL : Le choc des générations, leur fréquent antagonisme comme on en voit souvent de nos jours, à quoi cela est-il dû selon vous ?

TA : Cela est dû d’une part à la nostalgie des parents de leur époque, pour ces derniers leur temps était le meilleur et que tout ce qui se fait par la jeunesse n’est que immaturité et donc voué àl’échec ; également cela saurait s’expliquer d’autres part par l’euphorie de cette nouvelle génération qui veut vivre à cent à l’heure, sans tenir compte souvent des bonnes mœurs , de la coutume, de l’éthique des conseils etc.

BL : Dieu occupe une grande place dans l’œuvre. C’est à lui qu’a été faite la promesse, une promesse dont la tenue va entraîner le drame. Dieu serait-il le premier coupable de toute cette tragédie ?

TA : Dieu serait-il le premier coupable ? Je dirai non. Les lois ont été établies par Dieu et celui qui possède toutes ses facultés mentales en place saurait bien utiliser ces lois. Mais le problème qui se pose c’est le zèle dans l’application de ces lois. Dieu ne veut du mal à personne, Il a rendu les choses aisées pour chacun de nous, mais c’est lorsque nous nous comportons comme si nous étions Dieu lui-même, que très souvent on commet beaucoup d’erreurs et on fait souffrir notre entourage comme ce fut le cas de M. Cissé vis-à-vis de sa fille Soumaya.

BL : Soumaya est donc une calamité puisqu’elle est à l’origine de la mort et de sa mère et du petit ami qu’elle s’est trouvé….

TA : Non, non ! Soumaya ne saurait être une calamité dans ce cas, elle est plutôt la victime d’un homme qui décide d’imposer un mode de vie à sa fille sans lui donner les bien-fondés de son choix. C’est l’entêtement du vieux et son attitude égocentrique qui entraineront la mort de sa mère et de son petit ami.

BL : Quelle est la part de responsabilité de Soumaya dans le fait que la promesse faite par son père à Allah à la Mecque n’a pas été tenue ?

TA : Soumaya voulait vivre sa propre vie. Malgré son opposition à la décision de père, elle était respectueuse des principes de l’islam concernant la décence, le respect de la pudeur alors ne voulait pas mener une vie de débauche seulement que son père avait poussé le bouchon un peu trop loin.

BL : Pensez-vous que le papa a mal fait de faire une promesse dont la réalisation dépend de sa fille Soumaya ou estimez-vous qu’il aurait dû laisser la fille naître et d’obtenir son consentement avant de faire sa promesse à Allah ?

TA : Vous savez, son épouse et lui rêvait d’avoir un enfant, chose qui tardait à s réaliser or ils étaient très avancés dans l’âge. Alors à leur pèlerinage à la Mecque, ils demandèrent à Allah de leur permettre d’être parents. Ils décidèrent à cet effet des faire des promesses à Dieu qu’ils respecteraient s’ils avaient eu gain de cause, et la promesse du vieux Cissé était que son enfant ne vivrait que pour adorer Allah ; si l’enfant était une fille, celle-ci serait voilée de la tête au pied jusqu’à ce qu’il lui trouve un mari. Comprenez donc avec moi que le père en tant que fervent croyant ne devait que respecter sa parole.  Mais sa promesse allait gâcher la vie de son unique enfant. Vous comprenez pourquoi j’ai parlé plus tôt de zèle dans l’application de notre foi en Dieu qui fini par éclabousser ceux qui nous entourent

BL : Y a-t-il selon-vous des problèmes imputables à Dieu ou fait-il tout bien ?

TA : Je crois en toute sincérité que Dieu fait tout bien sinon il ne serait pas Dieu, c’est seulement l’homme qui n’a pas encore compris le fonctionnement de Dieu.

BL : Quel regard la société porte, selon vous, sur les couples qui ont des problèmes de conception, et quel message auriez-vous à l’endroit des uns et des autres ?

TA : Il faut dire que sous nos tropiques, vivre dans un foyer pendant des années sans le moindre enfant est difficile et pour les parents et pour les beaux-parents. La femme est généralement marginalisée, traitée de tous les noms.  Il faut faire comprendre aux couples qui sont dans ce cas que toute chose arrive à temps, il faut demeurer dans la prière et les traitements surtout que la science évolue de jour en jour.  Ceux  qui portent des regards accusateurs ou moqueurs de prendre conscience de la dangerosité de leurs actes et comprendre que le problème de conception peut être traité avec la science ou avec même nos médecins traditionnels, seulement que tout est une question de temps.

BL : Que pensez-vous de la crise sanitaire mondiale due au covid-19 ?

TA : Le premier trimestre de 2020 sera une année inoubliable pour toute l’humanité. Ce virus très dangereux, endeuille l’humanité avec tous ces morts en cascades. Il nous faut être vraiment disciplinés, unis, et solidaires afin d’éradiquer rapidement cette pandémie qui est venue paralyser le monde.

BL : De quelles armes doit se munir, selon vous, l’aspirant écrivain ?

TA : L’aspirant écrivain doit être d’abord lui, ne pas vouloir être immédiatement un Ahmadou Kourouma ou autre Dadié. Il doit aimer la lecture, beaucoup lire et avoir une forte dose d’imagination, de la suite dans les idées et surtout être très patient afin de produire quelque chose de potable.

BL : Comment la promotion de votre livre se fait-elle ? Arrivez-vous à écouler vos livres ?

TA : Oui le premier stock qui avait été produit est épuisé.  Pour la promotion, on avait commencé en force avec l’aide d’un grand écrivain Yahn Aka pour qui j’ai un profond respect et une grande admiration. Contacts et rendez-vous avaient été pris avec des stations de radios et des chaines de télévisions, mais le covid-19 est venu nous ralentir. Mais on garde espoir.

BL : Quel accueil le public a-t-il réservé à « La Promesse » ? En êtes-vous satisfait ?

TA : Comme je viens de le dire, les choses avaient commencé à bouger mais malheureusement actuellement, on est dans une crise où la priorité est donnée à la santé, aux provisions alimentaires et il faut aider les autorités à sensibiliser. Sinon les premiers échos concernant mon livre m’ont grandement satisfait, le retour après lecture est vraiment encourageant, les témoignages font plaisir.

BL : Quelle est votre plus grande difficulté aujourd’hui dans votre jeune carrière d’écrivain ?

TA : L’accès aux médias pour la promotion est presque impossible. J’ai réussi à avoir des contacts comme je l’ai dit grâce à Yahn, un écrivain que d’ailleurs vous connaissez très bien à qui je dis un grand merci de passage, qui m’aide vraiment.

BL : Parlez- nous de vos projets littéraires.

TA : Actuellement, c’est la promotion de ‘’La Promesse’’ qui m’occupe. Dans quelques mois un autre livre verra le jour. Tout est pratiquement prêt, on attend le moment opportun pour lancer. Le monde littéraire doit s’attendre très bientôt à une autre histoire plus palpitante. Qu’il sache qu’un écrivain est né et fera tout pour produire des œuvres de belle facture.

BL : Merci M. Thiam de vous être prêté à nos questions. Votre mot de la fin

TA : C’est moi qui vous remercie, merci pour la promotion du livre et des écrivains. Je voudrais également dire un grand merci à ma maison d’édition NEB (Nouvelles Editions Balafons) dirigée par l’éminent professeur Soro Musa David qui a bien voulu m’accompagner dans cette aventure. ‘’La promesse’’ est disponible en librairie. Il faut se le procurer pour découvrir l’histoire de Soumaya. Aimons lire, encourageons la lecture, et que Dieu bénisse et protège le monde entier de cette pandémie.