Junior Haussin est écrivain camerounais. Il est connu pour sa passion pour la littérature et la lecture. Et sa cible, aussi paradoxal que cela puisse paraître, est bien le non lecteur, celui pour qui la lecture est une épreuve, une corvée. Et pour réaliser son rêve de faire de tout le monde un bon lecteur, il commet un livre destiné au non lecteur comme il le dit lui-même : « Pour moi offrir ce roman aux non lecteurs est une démarche thérapeutique dans un environnement trop dispersé et distrait. BANANE MALAXEE est ce qui faire peur aux non lecteurs mais qu’ils doivent saisir pour vaincre cette peur ». Si Banane malaxée, puisque c’est de cela qu’il s’agit ici, est un appât pour attirer le plus de monde vers le livre, il nous sera tout même utile de savoir de quoi il y est question. Bienvenue donc dans le secret de « Banane Malaxée« .
Quand on lit Banane Malaxée, je sis sûr qu’on ne peut pas ne pas penser à ce plat copieux bien connu et apprécié des camerounais. On fait très bien d’y penser. Toutefois, il faut dire que Junior Haussin nous amène à découvrir dans son roman « Banane malaxée », les travers d’un système carcéral délétère. A travers son personnage Youatou, il explore les mystères horrifiants qui entourent parfois le processus d’incarcération et les conditions abjectes de détention dans nos prisons. Aussi, l’auteur s’offusque-t-il du traitement peu enviable que reçoivent les locataires de ces locaux par les agents pénitenciers.
Le livre met à nu les tares de nos sociétés actuelles, tournées vers l’excentricité et la perte des valeurs comme en témoigne cette infirmière qui, recevant le personnage Youatou gravement blessé, se soucie plus à faire des selfies pour les poster sur les réseaux sociaux que de lui accorder des soins qui allègeraient ses douleurs. Ce manquement du corps médical, associé à la précarité des conditions de détention rendent la vie infernale dans nos prisons où gisent d’innocents à qui l’on demande à ciel ouvert des sommes faramineuses pour leur « donner » la liberté.
Au bout du compte, ce sont les défaillances de tout un système carcéral qui sont ainsi mis en lumière. Du régisseur aux gardiens en passant par les infirmières, Junior Haussin nous promène dans cet univers crasseux où le personnage principal n’a pour seule issue que la lecture pour s’évader, tromper sa solitude et lui donner l’impression d’être libre au milieu de quatre gigantesques murs où il croupit injustement à la place d’un autre.
L’auteur s’érige en pourfendeur de nos valeurs culturelles qui tendent à s’oublier au carrefour de la mondialisation. Du titre de l’œuvre aux noms des personnages, l’on observe une onomastique atypique preuve de l’attachement de l’auteur à sa culture. Si le titre « Banane Malaxée » s’avère a priori programmateur du contenu culturel de l’œuvre, les noms traditionnels attribués aux personnages confortent cette hypothèse à la lecture. De Youatou à Meyo en passant par Yacouba, tante Moukouri, Kemkuimeu, Bo’obtechedem et autres, Junior Haussin nous balade tel un guide touristique dans les réalités profondes de Noulapomlanp mettant ainsi en exergue sa riche culture dont il vente fièrement et à laquelle il semble s’identifier par ailleurs.
Le livre s’ouvre de façon absurde sur Youatou, on dirait Joseph K, qui, au gré d’une confusion de personne, s’est vu injustement accusé d’un vol dont il ignore les circonstances. Désormais dos au mur dans l’impasse et abandonné à son triste sort, il n’aura pour seul ami véritable qu’un livre à lui offert par un visiteur occasionnel. C’est alors que démarre une idylle solide entre le livre et le personnage ; idylle que rien n’ébranlera, même pas les agents pénitenciers résolus à le déposséder de son trésor. Voilà qui pose le problème central de l’œuvre, à savoir la question de la lecture. L’auteur estime que la lecture apris congé il y a belle lurette de nos habitudes en Afrique. Ainsi, au-delà d’un simple mets très prisé à l’Ouest, « Banane Malaxée » se veut une épée de Damoclès dans le combat du fléau qu’il est convenu de nommer par cette néologie lexicale de « livrophobie » c’est-à-dire la peur du livre ou l’absence de toute volonté de lire.
Avec Youatou et Meyo, l’auteur tente d’aguicher les hostiles à la lecture en faisant état des bienfaits que procure cette dernière aux âmes qui s’y adonnent. Le combat de l’écrivain est noble à plus d’un titre. Si tchater est devenue la mode de notre génération, lire un livre serait une thérapie à laquelle aucun médicament ne saurait se substituer. Lire permet de s’évader,s’épanouir, se découvrir, découvrir l’autre et s’instruire utilement. C’est en un mot le message que l’auteur s’attèle à transmettre dans son œuvre qui se singularise par une simplicité originale dans le style.
« Banane Malaxée« , à lire absolument !