Après deux sorties fracassantes avec deux romans épiques et palpitants, Habib Dakpogan nous revient en 2016 avec un recueil de nouvelles paru aux Editions Plurielles; un recueil au titre mystérieux: Etha Contest. Sans conteste, l’état d’ivresse dans lequel nous plonge ce coffret de huit nouvelles, n’est que la résultante du savoir-faire de l’auteur et de son maniement de la langue française.
Avec Etha Contest (258 pages, 2016, Editions Plurielles), sont au rendez-vous, le « dire pour faire rire » et le « lire pour découvrir » les tares et les ordures d’une société pourrie de l’intérieur, mal embarquée sur les radeaux du développement, une société qui s’élève vers les soleils du bien-être pour tous, mais qui se dote des ailes d’Icare. Le résultat est là, têtu, toisant à la fois les décideurs et les suiveurs, les « mangeurs » et les mécontents. Et nous nous trouvons en face d’«Un Piège à cons » où les plus intelligents ne sont pas nécessairement les plus doués…
Quand on dirige un Etat aussi dynamique que le Capharnaou, il faut se faire craindre comme un matador impitoyable. On ne peut être Touchaud Zopiapia, et manquer de se hisser dans le ciel du Capharnaou comme le seul guide éclairé, le seul intelligent. Ses ministres l’ont compris: ce qui rassasie le chef suprême des êtres vivants et inertes de ce pays, c’est de flatter son ego. Il suffit simplement de se soumettre à ses conneries et sautes d’humeur. Au lieu de travailler pour accroître le niveau de vie du peuple, ils excellent dans des agissements « démocraticides », avec à la clef une seule ambition : s’enrichir.
Avec « Madame Matrix», tous ces politicards ont pour dénominateurs commun, l’art de manger leur pain à la sueur du front d’autrui. En effet, Madame Matrix s’engraissait en privant l’épouse légitime. La rencontre entre la maîtresse et la légitime a donné lieu à des étincelles: la vérité a triomphé. Si le Chef de l’Etat et ses Ministres ne sont pas mieux que Madame Matrix, « Les flics monnayeurs», eux, ne sont que la mise en abyme d’une conscience collective atteinte par la teigne de la possession illicite. Que cela soit appelé corruption, « Myriam Dicoh» représente, dans la nouvelle éponyme, toutes ces victimes croquées et escroquées par nos frères en uniforme. « Myriam Dicoh» , la pauvre pièce de vingt-cinq francs, est la succédanée de toutes ces fortunes illégalement construites sur le dos de cet Etat où tout boude et bouillonne de colère. Le motif? Un seul problème: le pain. Pour résoudre l’énigmatique équation de pain énoncée par l’Ex Président Glosso qui, plus d’une décennie après, n’avait encore digéré le goût trop amer de sa défaite à l’élection Présidentielle qu’il avait pourtant organisée, Domato Yiniboya, s’est rendu chez ce dernier. Après une douche d’humiliations, il sort avec cette conviction: « C’est bête de perdre un mandat consécutif; …. Ce n’est pas toi qui votes, mais c’est toi qui organises » (P.257). Le peuple a trouvé la solution à ses problèmes en élisant Présidente Lyse Dogbé. Son assassinat manqué, traduit le rêve de l’auteur qui invite à croire que l’espoir peut être aussi féminin. On ne tue pas l’espoir.
Pour Habib Dakpogan, les malaises au sommet de l’Etat prennent source dans les familles. Avec « Moi, moitié de moitié», il se fait ardent défenseur de la famille, et nous fait toucher du doigt le drame que vivent nos foyers. Une femme trompée par son mari se révolte et l’émascule, alors qu’il était sur le point de convoler en secondes noces avec sa maîtresse. Mélissa, la fille du « Rendez-vous unique » n’est pas très différente de celle qui tue son mari par jalousie. Ayant constaté que son amant qui l’avait invitée était en compagnie d’une autre, Mélissa sans réfléchir, lui balance le contenu de son café au visage et se souvient de son « ex ».
Si les femmes peuvent tuer leur mari par excès de jalousie, des hommes peuvent se tuer aussi pour amour des bouteilles. Djoguétchédo est un vétéran de l’alcool; l’Etha Contest auquel il rend un culte pratiquement divin: sa religion, c’est l’alcool. Dans un duel final et mortel, il terrasse son vis-à-vis Boris Elstine Aminovitch de waterpolo. Record diabolique: 72 grandes bouteilles de Béninoise ingurgitées, avec , et c’est là le hic, un nombre impressionnant de citations pour célébrer le deuil de chaque bouteille ensevelie dans les boyaux. Mais loin d’être le chantre de l’alcoolisme, Habib Dakpogan met à nu la triste vérité que les éthyliques se cachent volontairement par conviction et par refus de divorcer d’avec la Béninoise en bouteille: « L’alcool ronge, ruine et tue… » (p 127).
Au demeurant, au-delà des crises sociales stigmatisées, c’est la cause de la famille qui est plaidée. Lire ce livre, c’est redécouvrir le style amusant et particulier d’Habib Dakpogan qui a l’art de dire des choses graves avec des mots « banales ». On ne peut le lire sans garder dans la bouche le goût du revenez-y…
Destin Mahulolo
Super ….
On est ensemble
Salut Cyriaque. Quel plaisir de te retrouver par ici. On imagine la mine que tu fais en relisant ce recueil de nouvelles.
Balade émotionnelle, encore une fois. Tout y est. De l’auteur au chroniqueur, on ne peut avoir qu’une seule envie: les lire
Merci pour les encouragements. Mais attention au virus Esltine. rires
Sacré duel entre deux éthyliques. « L’outil le plus efficace du monde, c’est le décapsuleur. », dixit Aminon (P.107)
Forte envie de lire ce livre. Merci pour la chronique
Cher Louis, ne refrène pas ce noble désir de livre Etha Contest. Ce live est bien, un tableau saisissant des réalités de notre temps.
Myrtille a tout dit.
sourire…
merci pour la chronique.
Habib est en effet une belle plume. Merci Amoni pour le passage.
C’est avec beaucoup d’attention que j’ai lu les traits à moi envoyé. C’est sans doute un avant goût du livre que j’ai vraiment hâte de renconter. Merci et Dieu vous bénisse !
Amen.
Merci Elysé Godo pour l’intérêt porté à ce blog et à ses articles.
J’aime et l’oeuvre de l’auteur et la chronique écrite. .. Courage à vous
Merci Edison Adjovi. Bon vent à nous tous
Merci, Edison, pour le passage. Ne manquez pas de nous visiter assez souvent sur ce blog vôtre
Waooh… Merci pour la chronique joliment bien écrite. J’ai hâte de lire maintenant le livre…
L’objectif est atteint, peut-on dire.
J’ai beaucoup aimé.merci à vous
on est ensemble