Mon conte roule, roule et tombe sur Lanta et Ganzin. Ces deux hommes étaient de très grands amis. On ne voyait jamais l’un sans l’autre. Ils faisaient tout ensemble : travaux champêtres, promenades dans la forêt, au marigot. Ils prenaient même leurs repas ensemble. Ganzin était beau et avait une famille, alors que son ami Lanta, était un homme très vilain flanqué d’une tête aussi grosse qu’une marmite. De plus, il était un célibataire. La femme de Ganzin était une tisserande de grande renommée.
Un jour, au cours de l’une de leurs promenades quotidiennes, une jeune et belle fille, Nounyon, jeta son dévolu sur Lanta. Ganzin s’en offusqua et devint du coup très jaloux. Il estimait en effet que Lanta était trop laid pour bénéficier de l’attention et de la grâce d’une si belle créature. Il aurait aimé épouser la jeune fille. Il ne comprenait vraiment pas pourquoi et comment, une fille dotée des attributs de fée, de longs cheveux qui lui descendaient jusqu’aux fesses, d’un teint clair qui rivalisait en clarté avec le soleil, des fossettes d’un nouveau-né et des joues aguichantes, puisse aimer un homme aussi vilain que Lanta qui, à ses yeux, était le réceptacle de toutes les laideurs de la terre.
Des jours passèrent, des saisons et des lunes aussi, et la relation entre Lanta et la jeune fille s’amplifiait et se précisait progressivement pour se concrétiser et déboucher sur un mariage jugé miraculeux par Ganzin et les autres curieux et même les incrédules du village. Le jour du mariage fut annoncé par le crieur public, ainsi que l’exigeait la coutume. Lanta paya tout ce qu’il fallait pour la dot. Il en paya même plus qu’il n’en était demandé, tellement il débordait d’amour et de reconnaissance pour sa belle Nounyon et ses parents qui ont daigné le rendre heureux.
La nouvelle du mariage attrista Ganzin. Et pour l’empêcher, il décida de tuer son ami Lanta. C’était la veille. La maison de Lanta était en ébullition. Grands préparatifs. Ganzin, remarqua que les dernières courses ne permettaient pas à Lanta de se préparer à manger avant que Nounyon ne le rejoigne après le mariage. Il lui offrit alors un plat de lentilles, repas préféré de son ami. Ce dernier se dit que sa future épouse serait dans la même situation et lui fit apporter le plat.
La femme de Ganzin était sollicitée pour habiller Nounyon. Elle avait travaillé toute la journée. Le soir venu, elle apporta à la mariée sa robe pour l’essayage. Pendant qu’elle l’habillait, elle eut faim. N’ayant rien préparé, Nounyon, lui proposa le plat de lentille qu’elle fit chauffer pour elle. Elle mangea avec satiété et rentra chez elle. Une fois à la maison, elle eut de violents maux de ventre. Sur insistance de son mari pour savoir ce qui aurait pu causer ce mal inhabituel, elle répondit avoir mangé des lentilles chez Nounyon. Il se rendit compte de sa bévue : il avait mis du poison dans la nourriture. L’homme comprit la cause du mal de sa femme, mais c’était tard, car elle rendit l’âme.
Le mariage eut lieu avec grande pompe. Ganzin, très malheureux à force de penser à sa femme à sa nouvelle situation de veuf infortuné, devint fou. Il répétait dans la rue, dans la brousse, à l’endroit des animaux, des herbes et des hommes, partout où il passait, « Faire du mal ou du bien aux autres, c’est à soi-même qu’on le fait. »
Kouassi Claude OBOE