Mon conte vole, roule, court, vole encore puis marche et tombe à Gbèdouto. Gbèdouto était un village aussi lointain que l’ouest du monde, là où se couche le soleil. C’était un village doté de toutes les richesses de la terre. Il y faisait bon vivre et rien ne manquait aux habitants de ce village. Chaque habitant de Gbèdouto avait une grande maison dotée de plusieurs chambres, d’une ferme où se cultivaient des vergers et des palmeraies. Personne n’enviait le sort de l’autre car la terre de Gbèdouto était aussi une mine d’or. Ceux qui voulaient travailler dans la mine du village découvrait chaque jour de l’or qu’ils vendaient aux étrangers qui passaient par le village pour aller faire leur commerce. Gbèdouto avait pourtant un seul interdit: aucune femme ne devait sortir de chez elle après le coucher du jour.

On raconte que le premier habitant qui découvrit ce village était un chasseur. Il était solitaire et vivait de chasse. Un jour où il rentrait tard la nuit de sa chasse, il tomba sur une silhouette humaine, une femme aux longs cheveux et aux courbes parfaites qu’il suivit. Sans prendre garde, il s’éloigna de sa terre et la silhouette disparut. Lorsqu’il revint sur ses pas afin de retrouver son chemin, il se transforma en un lépreux: ses mains et ses pieds changeaient et devenaient difformes. Il ne se rendit compte qu’au lever du jour. Depuis, ce chasseur maudit toute femme qui sortirait la nuit et la malédiction resta. Gbèdouto n’avait pas de chef de village car chaque famille savait discipliner sa maisonnée et les conflits étaient réglés à l’amiable. Ce village avait un devin, un devin très puissant qui tenait sa puissance de ses nombreux voyages. Le devin Tounoubi avait un garçon Dobli, il était en âge de se marier mais ne sortait jamais de la maison de son père.

Tounoubi avait tout fait pour guérir son fils Dobli atteint de lèpre depuis la naissance mais rien n’y fit. Il préparait des décoctions de tout genre pour guérir son fils mais peine perdue. Tous les guérisseurs et médecins des pays lointains s’aventuraient sur son cas mais toujours rien. Tounoubi avait perdu tout espoir de voir son fils guéri et heureux. Ils vivaient comme des reclus dans le village de Gbèdouto. Dobli aimait marcher la nuit pour voir la lune et les étoiles dans le ciel. Chaque soir, il disait secrètement : si seulement je pouvais être un homme physiquement normal, je serai si heureux. Une nuit où il faisait sa promenade habituelle, il entendait des pleurs et des gémissements derrière un buisson. Intrigué, il s’approcha du buisson et ce qu’il vit l’étonna. Il vit une jeune dame avec un nourrisson dans les bras.

Elle ne parlait pas la langue de Dobli et était effrayée devant son apparence. Elle refusait de parler à Dobli qui voyait dans ses yeux qu’elle était apeurée et que son bébé avait froid et gémissait. Dobli ne voulait pas laisser les deux êtres seuls dans la nature la nuit. Il réfléchit puis se mit à taper dans ce qui lui restait comme mains et il dansait, il faisait plus de grimaces qu’autre chose. Il s’y prenait tellement mal mais était décidé à faire parler la jeune dame que celle-ci éclata d’un grand rire puis lui dit:
– Éyon, gbon ato vlè ( c’est bon, arrête de faire le clown)
Automatiquement, le visage, les mains et les pieds se transformèrent. Il devint un très bel homme. Ahuri, il n’y croyait pas. C’était cela le remède à la lèpre de Dobli, qu’il rencontrera et parlera à une femme la nuit.
Ses parents et son mari décimés par la guerre, elle faisait le chemin seule avec son enfant pour trouver asile quelque part.
Dobli convainc la jeune femme Bissi de venir habiter chez lui avec son enfant. C’est ainsi que Dobli fût guéri et Bissi eut désormais un foyer.

Myrtille HAHO