J’ai souhaité débuter mon propos sur « DEMONS OU ANGES » de ZACHARIA SALL par cette boutade vue quelque part sur la toile et qui, par-delà toute considération taquine envers le titre de l’œuvre, objet d’analyse, révèle l’ambiguïté de la condition humaine.
Cher poète,
Laissez-moi d’abord vous dire que je m’en vais au défi d’un exercice qui tient de la gageure mais pas plus périlleux que l’acte d’écrire. « L’art est difficile et la critique aisée ! » dit-on. Donc cher ami, mon appréciation portera sur quelques points. Pour peu que ceux-ci ne soient pas les plus saillants à tout égard, je m’en excuse d’avance. « DEMONS OU ANGES« , ainsi s’intitule le recueil composé de trois parties : Réminiscence, Voix satanique et Sourire divin. L’auteur y affirme l’omniprésence de Satan et l’irrémédiable perversité de la condition humaine, met en scène les « deux postulations simultanées l’une vers Dieu, l’autre vers Satan» qui se partagent le cœur de l’homme.
L’Homme, qui par les remous de l’âme, représente à n’en pas douter un mystère que mille et une plumes ont tenté percer par moult astuces allant du NOUS social au JE champ de l’égo. Aussi, ce dernier procédé a été adoubé et largement consacré par une certaine tradition poétique, et plus que jamais depuis Chateaubriand, sous diverses déclinaisons : exaltation du moi, lyrisme personnel… Néanmoins, va-t-il paraitre obsolète la distinction entre poésie intime et poésie sociale ?
En effet, Hugo dans la préface de son chef d’œuvre Les contemplations ébranle le fondement de la classique partition en ces termes : « Quand je parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah insensé qui croit que je ne suis pas toi ! ». Ce que corrobore fort bien le préfacier de « DEMONS OU ANGES« , Abdoulaye Guissé considérant la quête perpétuelle de soi, dans « soi » et dans « l’autre » ou pour reprendre Sartre, à travers « autrui » dont la présence est essentielle à la prise de conscience de soi.
Selon toute vraisemblance, ZACHARIA SALL s’inscrit dans une poésie éminemment symboliste à travers la thématique baudelairienne du « Spleen » avec un champ lexical totalement consacré : « L’horizon brumeux », « Dans le gouffre », « Muse pernicieuse », « Fétide rose », « Ton courroux, ma muse », « Les ombres bien heureuses » etc. Souscrit-il dès lors à un « idéal » bien caractéristique de la nouvelle poésie sénégalaise. « Idéal poétique » que Les monologues du silence (PM SY) et Épaves oniriques (Mame Ngoné Faye) à titre indicatif semblent conforter.
De surcroit, loin de la mélancolie romantique, le spleen est un malaise existentiel : écrasé par l’Ennui, le corps et l’esprit s’enlisent dans une impuissance chronique et une torpeur insurmontable ou presque. À la différence de l’auteur des Fleurs du mal, ZACHARIA SALL propose à tout homme d’engager un baroud d’honneur contre les tourments de l’âme et promeut la foi en Dieu comme ultime remède (« …toute vérité demeure, sans doute, une foi/ La foi ! La foi ! La foi ! Quelle voie ! Quelle joie !)
De ce fait, dans « Ô seigneur Dieu, le temps ! » il exprime l’angoisse du temps et reprend à son compte la vieille prière de Lamartine auprès du Lac : « Ô temps ! Suspends ton vol. » De même, l’Afrique n’est pas passée sous silence notamment par des hommages rendus à des réminiscences de lectures (L’enfant noir, Le vieux nègre et la médaille, le Soleil des indépendances) à l’appui de jeux de mots dans Afrique, ma plume saigne ! et la Femme est célébrée en Promesse d’ascèse.
Par ailleurs, des compositions à la manière de « Rappelle-toi, frère ! »; « Main dans la main » ; « Bourde de l’âme » etc. charment particulièrement par une sobriété du langage et une économie dans le dire à tel enseigne qu’ils revêtent plus une portée suggestive que d’autres poèmes. C’est à considérer que la densité du poète a quelquefois primé sur le texte aux dépens d’un art de la suggestion résidant dans la foi en l’intelligence du lecteur quand bien même le niveau soutenu de la langue en titillera plus d’un.
À moi de vous le rappeler une fois de plus, mon cher : « L’art est difficile et la critique aisée !» Sur ce, à l’orée de votre aventure poétique qui en vaut le détour, je vous renouvelle mes amitiés littéraires et sanaroises.
Jeune poète sénégalais, auteur du recueil « DE LA PLUIE ET DU BEAU TEMPS« , Ousseynou Thiombiano se définit comme : « Un aventurier qui ne demande qu’à apprendre des hommes ce qui fait de la vie ce qu’elle est. »