Le silence est un art, celui de ne parler qu’en son for intérieur, parler pour se libérer, se libérer pour mieux vivre. C’est peut-être aussi l’art de faire du bruit en l’autre sans lui parler. Et Chaque jour en nous, nous dessinons le silence qui embrouille, sollicite ou dérange l’entourage tels les pleurs d’un enfant. Vous avez l’impression qu’il me plait de vous malmener dans des théories inutiles. Mais, en réalité, c’est vous même qui, sans vraiment me consulter, dessinez en vous ce silence, cette idée. Vous permettrez qu’ici et qu’ainsi pour faire silence en vous et en moi, je vous installe dans ma chronique sur le recueil «Dessins de silences» de Habib Dakpogan que j’ai «réécrit à ma manière » en le lisant avec vive émotion.
«Dessins de silences»est une poésie publiée à Venus d’ébène Editions en 2017. Habib Dakpogan en est l’auteur.
« Dessins de silences » est subdivisé en trois parties que l’auteur nomme livres. Ainsi, le livre 1 «itinéraire» (Pp 13-24) composé de cinq poèmes, est introduit par un silence, cette envie de «pouvoir dessiner les effluves qui circulent entre nos envies d’aimer…Un trait dense liant deux yeux…Mais fin jusqu’à la transparence…Pour ne pas éblouir les passants». Page 13. Le livre 2 «au dernier croissant, ne viens pas» (Pp 25- 48) comporte dix textes, ensemble de «poèmes écrits entre 1992 et 1996, regroupés sous le titre initial « La sidéenne du dernier croissant de lune» page 47. Le livre 3 «l’autre» (49-61) est composé de quatre poèmes : « Parole pour enfant-roi », « ceux qui n’ont rien demandé », « survivre » et « mon requiem pour un astre d’eau dédié à Fernando d’Almeida. « Je sais la route est longue qui mène à l’homme…Que le corps descendu en terre a déjà repris sa petite aune carrée dans le règne de la matière… Je cherche je sais les trois syllabes d’argent posées au large de l’éternité…Je sais le vent d’alcool quand lévite le poète…Je sais le destin de tous les astres d’eau… Je sais ton nom…Fernando » (quelques lignes de non requiem pour un astre d’eau) Pp 60-61. Ces trois livres sont suivis de trois autres textes que sont : « les mots», « chanson pour la vie», « est-ce qu’ils ne s’en foutent pas un peu ?». Mais ce qui frappe le plus quand on prend le livre, ce sont les deux couleurs de la couverture : le jaune et le noir.
Le jaune et le noir sont les deux couleurs majoritaires de la couverture. Après lecture du livre, l’on peut oser arguer que la noir exprime le silence, l’inexistant, le vide et le jaune la peur du vide qui créerait le bruit du silence, ce qui occasionne les dessins. Les textes sont majoritairement en prose. «Dessins de silences» n’est pas une poésie comme toute autre. Les silences dessinés révèlent juste la magie des mots et démontrent «( …)que les mots sont les seuls êtres dignes d’éternité » page 69 ; L’auteur nous livre ses silences exactement comme un artiste qui tisse et fixe le lien entre l’amour et la vulnérabilité en méditant sur les fausses promesses ou l’illusion (les serments page 26), le chagrin du départ temporaire ou définitif, la prostitution, la pauvreté et la vie. Sans forcément déclarer que l’auteur crée une poésie nouvelle, il est aisé de dire que «Dessins de silences» est une poésie originale. A la fin de la lecture, vous êtes satisfait, ému dans tous les sens et vous reprenez la lecture sans pour autant vous lasser d’admirer le génie et la beauté du Mot, cette forme de silence. Les figures de style (anaphore, comparaison, hyperbole, interrogation, métaphore, personnification) et les mots choisis à dessein vous courtisent et vous font vivre la littérature autrement. Telle la jurisprudence pour le droit, cet ouvrage peut être une source d’inspiration pour la nouvelle génération de poètes aussi bien par la forme que par le fond. Ecoutons par exemple ces glouglous que chuchotent les silences de Habib DAKPOGAN : «Le pinceau est à la toile et tu le sais/ La plume appartient à la page…/Et toi, à quoi sert ta folie ? (page 19). J’ai aimé ce livre dans son ensemble, et vous l’aimerez aussi, certainement mieux que moi, mais voici mon Coup de cœur : livre 1 /III- Départ, page 20 « A la lampe-tempête myope de ces nuits d’encre où tout se barre plus qu’il ne s’écrit, répond une braise de lune gibbeuse où mon sommeil s’est épris à jouer un saxo plaintif à l’heure de l’amour…De ma fenêtre à voyage je t’ai vue dans le livre du ciel…dans un fleuve d’étoiles que je ne comprendrai plus…Tu es le plus brillant des astres et j’ai dit que seule la luciole innocente me portera à ton cou…J’ai l’or au firmament et je suis aveugle volontaire sur terre des autres. Mai 2016 ». Dessiner ses silences, c’est peindre des mots qui rendent proche l’éternité…
BACHOLA Amoni.