Bonjour les amis. C’est toujours un plaisir de lire un livre et d’en parler. Aujourd’hui, j’ai l’heur de vous raconter « Entre deux vies », puisque chroniquer un livre, c’est aussi le raconter. Pour commencer, il faut noter que le livre en question est un roman, la première production littéraire de Grégoire GBEHO. Mais avant d’être éditée en 2019 sous le titre « Entre deux vies », l’œuvre a vu le jour dans le cadre du concours littéraire Plumes Dorées Edition 2016 et portait : « Les dos d’âne de la vie » pour redevenir « Tous les poissons n’ont pas d’asticots dans la tête ». C’est avec ce dernier titre que l’œuvre sera finaliste. Deux ans après, elle parait chez Les EDITIONS WEZIZA, sous le titre qu’on lui connait actuellement : « Entre deux vies ». Disons-le tout de suite, « Entre deux vies » c’est une histoire d’amour. Mais attention ! Il ne s’agit pas ici d’une histoire d’amour à la Roméo et Juliette ni à la Ahouna et Anatou. Nous sommes plutôt ici en présence d’une idylle toute particulière où Grégoire GBEHO fait épouser à sa trame, certaines réalités socioculturelles de chez nous. Il met au défi des rigidités religieuses l’amour de Tawema pour Fafa. L’amour comme la religion devraient être des connecteurs, des lieux de tolérance et d’acceptation de l’autre, puisque par étymologie, la religion se définit comme ce qui lie : « L’amour n’a rien à faire avec la religion. Et si elle ne peut pas unir les hommes dans leur grande différence, alors elle est inutile, nulle et non avenue ». (p106). Mais voilà qu’au nom de sa religion, la mère de Fafa n’entend pas laisser Tawema épouser sa fille qui venait de tomber enceinte de lui. Cet amour connaîtra-t-il une fin heureuse ? L’amour n’est-il pas aussi passion ? S’il est vrai que passion et amour riment et qu’ils culminent dans le sacrifice, il est aussi évident que ne pas pouvoir mourir pour l’être aimé, ce n’est vraiment pas aimer ce dernier. Mais qu’avait Tawema à s’enticher de Fafa alors qu’il avait d’autres chats à fouetter, lui qui venait d’être solennellement et officiellement recalé à son examen de Licence ? Que cherchait-il à la plage ce jour-là où il fit la rencontre de Fafa, au lieu de s’occuper de son sort ? Certes, il voyait en Fafa la femme idéale, mais étaient-ils prêts pour fonder un foyer et mener véritablement une vie de couple ? L’amour n’est-il pas autre chose que le romantisme béat ? De toutes les façons, Tawema comprendra, peut-être trop tardivement, que la vie, ce n’est pas obliger de tenir compte des desiderata des humains. Il a beau se convaincre de ce que « L’amour est ce qu’il est. Il fait de moi ce que je lui permets. A chacun de manier ses pédales. » (p67), il a vite fait de se rendre à l’évidence que quand la police découvre le corps inanimé d’une jeune fille dans la chambre d’un jeune garçon, elle n’a cure des explications de ce dernier avant de l’envoyer dans les fers : c’est quand on trébuche sur les dos d’âne de la vie qu’on réalise que tous les poissons n’ont pas d’asticots dans la tête. L’auteur, en posant la problématique de la tolérance religieuse, recentre aussi le débat sur la nécessité de repenser le système universitaire. « Entre deux vies », c’est aussi un prétexte pour l’auteur de dénoncer les abus des autorités politiques et l’option préférentielle de la justice pour l’iniquité et la corruption. « Entre deux vies », c’est à la fois Tawema en perpétuelle quête du vrai sens de sa vie et Tino, victime de sa naïveté qui le conduit en prison. A sa mort, sa famille décide d’obliger sa femme à épouser son jeune frère à lui. Ici, le lévirat est désavoué sans aménité. Et l’auteur de conclure : « Une femme esclave est incapable de donner vie à des enfants libres. » (p168). Autant il faut éviter de mêler l’amour aux histoires d’appartenance religieuse, autant, il faut laisser à la veuve le droit de refaire sa vie auprès de l’homme qui lui plait ou de demeurer célibataire à vie. Ce qui frappe dans ce livre truculent, c’est la grande liberté stylistique de l’auteur. Il a sa manière propre à lui de s’exprimer, qui s’inspire des sonorités et colorations linguistiques de son terroir : « Si tu n’as pas une bonne femme à côté pour t’orienter dans tes projets, te parler de temps en temps lorsque cela est nécessaire, tu es un homme perdu pour toujours » (p89). On aurait souhait que le ton fût moins sentencieux tout au long du livre et l’œuvre purifiée des coquilles qu’elle contient. Bonne lecture aux amoureux des belles lettres.
Destin Mahulolo