Il s’appelle Gilles GBETO. Jeune auteur béninois, il vient de remporter le plus grand prix littéraire de son pays. Pour votre plaisir, il a accepté de se prêter à nos questions. Infinie gratitude!

BL : Bonjour Gilles GBETO (GG). Merci de nous accorder cette interview. Vous voudrez bien vous présenter, s’il vous plait ?

GG : Bonjour Biscottes littéraires. Je suis très heureux et fier d’être à l’honneur sur ce prestigieux blog. Appelez-moi Enagnon Gilles GBETO. Je suis étudiant en fin de formation d’administration culturelle, membre d’une association dédiée à la l’insertion socioprofessionnelle des personnes handicapées auditives, jeune écrivain, auteur de « La rivale de Dieu.« 

BL : À quoi ou à qui devez-vous la passion pour les lettres?

GG : Comme toute passion digne d’être ainsi appelée,  l’amour pour les lettres m’est tombé dessus, sans prévenir et sans que je ne sache d’où ni comment cela m’est venu. J’aime tout naturellement les lettres plus que les chiffres- sauf quand il s’agit d’argent.

BL : Comment êtes-vous venu à l’écriture ?

GG : Je gribouillais quelques petits textes depuis le cours primaire, et j’aimais bien cela. À l’époque, je voulais tout simplement mon nom au bas d’un  texte, comme ceux qu’on étudiait en cours. Ce n’était qu’une rêverie de gamin. Aujourd’hui tout s’accomplit et se matérialise. Des rencontres, des lectures, des gens surtout m’ont motivé à sauter le pas. Ils avaient. Je serais coupable de garder tous ces textes pour moi seul.

BL : Quelle est votre perception de la littérature ?

GG : Des mots qui s’alignent, s’entrechoquent, se bousculent, s’embellissent ou s’enlaidissent, s’embrasent et copulent pour donner des idées, des actions, des mondes et des vies.

BL : « La rivale de Dieu »  est votre premier ouvrage. Pourquoi ce titre ?

GG : Parce qu’il reflète l’intrigue du roman. Quand on oublie le côté peut-être blasphématoire de la chose-trouver une rivale à Dieu, c’est osé quand même !-c’est assez accrocheur comme titre.

BL : Ce n’est pas justement pas que le titre qui fait parler, le contenu aussi est fort de vérités ou du moins d’idées vertement exprimées. C’est plus proche du pamphlet que de la simple fiction. « La rivale de Dieu », un réquisitoire contre l’Eglise catholique comme on pourrait le penser ?

GG : Le livre est sorti et chacun y va de son petit commentaire. Chaque lecteur l’appréciera à sa guise. Je lis des commentaires qui me font carrément redécouvrir le livre et le méconnaître. Je suis d’accord avec certains, un peu moins avec d’autres. De toute façon, je m’attendais à ce que ce soit un livre polémique. Et ça l’est. C’est tant mieux. Maintenant, qu’on parle de réquisitoire contre l’Eglise catholique, ce serait extrême et trop restrictif. Et j’ai déjà dit ailleurs que je n’ai rien à enseigner à une institution plus vieille que mes aïeux. Je n’ai pas non plus envie de me mettre le Christ à dos en battant campagne contre son Eglise. Le chrétien catholique pratiquant modéré que je suis ne dira rien qui déstabilise l’Eglise de Dieu mais parlera contre ce qui et ceux qui salissent l’Eglise. C’est ce que j’ai cru faire.

BL : Pourtant on sent le ton vengeur parfois. La violence des mots, le règlement de compte de l’ancien séminariste qui voudrait peut-être rendre les coups.

GG : Oui, ça peut en donner l’air. L’ancien séminariste qui table l’intrigue d’un roman sur l’amour entre un prêtre et une fille, quelques descriptions peu dithyrambiques du vécu et du système dans les séminaires me font passer pour le mouchard, celui qui quitte le couvent et qui déballe tous les secrets. Heureusement le séminaire n’est pas une secte ésotérique. Mais je comprends la surprise de certains de découvrir des choses qu’ils ne savaient peut-être pas, de devoir lire un livre qui se frotte aux prêtres, les copains de Dieu quand même ! Quelle audace !  Ce n’est pas très courant en effet. Dois-je appeler cela de la vengeance, du règlement de compte ? Ce serait corrompre mon idée et l’idée de ce roman. Oui, je suis ancien séminariste, oui j’ai écrit un livre que les prêtres et les séminaristes ne liront peut-être pas avec sourire aux lèvres. Mais j’estime m’être frotté à un sujet que j’ai la légitimité d’aborder et que je peux avoir la prétention de maîtriser tant soit peu, pour avoir connu et été formé de longues années par ce même système. Il faut parfois parler de certaines choses délicates. C’est aussi un sacerdoce. Parce que tout le monde ne le dira pas toujours. J’avais tout simplement le choix entre garder au dedans de moi des griefs inutiles et d’en devenir peut-être un anticlérical ou le prochain Martin Luther, ou m’en exorciser en écrivant une histoire qui va devenir un livre qui me réconcilie avec moi-même. J’ai finalement fait le meilleur choix.

BL : Que diriez-vous si vous devriez résumer « La rivale de Dieu » ?

GG : Pour essayer d’éperonner la curiosité de certains lecteurs, je dirais que c’est Dieu et une femme qui se disputent le cœur d’un même. Et pour ne pas en dire trop et gâcher la surprise, je conseillerais aux curieux d’aller découvrir qui de Dieu et la femme ravira le cœur de cet homme.

BL : « La rivale de Dieu » a remporté le Grand Prix Littéraire du Bénin 2020 (Catégorie : Roman). On imagine que cela a suscité en vous une grande joie. Comment avez-vous accueilli la nouvelle ?

GG : Je l’ai accueillie avec perplexité et ahurissement. C’était une grosse surprise, une surprise comme j’en ai eu très peu dans ma jeune vie. C’était largement au-delà de mes aspirations et de mes espérances. Je reste incrédule et chaque fois qu’il m’est demandé de me prononcer sur ce sacre, je deviens évasif. Je me sens privilégié et béni d’avoir pu remporter un prix aussi prestigieux. Je ne pouvais rêver meilleur début de carrière. Il me reste à le mériter et le défendre. Et j’y travaille.

BL : Grand Prix littéraire et clap de fin ? Premier livre et premier Grand Prix, c’est la consécration. Votre carrière est accomplie.

GG : C’est le piège des prix et des titres ronflants: vous faire croire que vous avez atteint l’Everest de l’excellence. Non, je n’y tomberai pas. Je n’ai pas commencé à écrire dans l’espoir de gagner quelque prix littéraire que ce soit. Je ne mettrai donc pas ma plume au repos pour si peu. C’est maintenant que je veux commencer à faire de la littérature. « La rivale de Dieu« , je n’ai jamais pensé à faire un roman. Je voulais juste écrire pour moi-même, rien que pour moi, chaque mot étant censé me libérer d’un poids. Les circonstances ont fait que cela a fini en roman Grand Prix littéraire. C’est que du bonheur. Mais je n’ai pas encore de style, je n’ai pas encore une identité littéraire, je n’ai surtout pas encore atteint mon idéal d’écriture. Je consacrerai les prochains mois et les prochaines années à faire de la littérature, pour défendre et mériter ce titre qui m’est tombé dessus.

BL : Comment trouvez-vous l’arène littéraire béninoise où vous faites vos premiers pas ?

GG : Les derniers jours  et les derniers mois m’ont fait voir des gens et des choses que je ne connaissais que dans les livres et à la télévision. J’aime parfois ce je que je vois, quelques rares fois moins. Je prends mes marques. J’ai d’agréables surprises. Je découvre et redécouvre une littérature belle et riche, animée par des générations d’écrivains de talents dont la mienne, une génération qui fera merveille, j’en suis convaincu.

BL : On dit que la littérature ne nourrit pas son homme. Vous vous y engagez quand même. Si jeune. N’avez-vous pas peur de mourir de faim ?

GG : La littérature m’a rempli les poches. Devrais-je m’en plaindre ? Je serais coupable et ingrat. Malheureusement, ce ne sont que quelques petits billets qui finiront dans les poches d’un imprimeur ou d’un éditeur sûrement, petits billets très vite finis qui confirment que l’écrivain chez nous ne vit vraiment pas de son art. Peu m’en chaut. Le livre me fera immortel et éternel. Le livre me fera conquérant. Mes livres enrichiront une culture béninoise qui ne s’achète ni ne se vend. Ça n’a pas de prix. Et je compte sur la Providence pour ne pas me laisser affamé, les lecteurs pour ne plus acheter des livres à crédit, les pirates pour ne plus falsifier les livres, les décideurs et les acteurs les plus influents du livre pour instaurer une économie du livre qui profite un tout petit peu à l’auteur.

BL : Quels sont vos auteurs préférés ?

GG : Je les aime tous, à quelques exceptions près. Mais je recommanderais, entre autres, Carmen Toudonou, Gaston Zossou, Florent Couao-zotti, Habib Dakpogan, Olympe Bhêly-Quenum, Sembene Ousmane, Aimé Césaire, Alphonse Daudet, Hugo, La Fontaine, Marcel Aymé, sans oublier ce cher Guy de Maupassant dont j’ai brouté quantité de livres.

BL : Quelles sont vos sources d’’inspiration ?

GG : Des choses que je vois, que j’entends. Des scènes courantes, un passage de livre, des histoires écoutées, un film, un tas de choses parfois banales.

BL : A quoi doit-on s’attendre après cet Ouvrage ?

GG : Après la révélation, ce sera la confirmation. Nouvelles, nouveau roman, poésie ou autres s’ensuivront.’

BL : Où se procurer « La rivale de Dieu » ?

GG : Le livre est disponible à librairie Bon Berger de Cotonou en stock réduit mais revient en force. On peut l’avoir sur Bookconekt également. L’éditeur est joignable au 97870303.

BL : Vos jeux de divertissement

GG : J’adore le foot. Je ne m’en lasse pas. Et quand je suis fatigué de convaincre les gens que Messi est meilleur que Cristiano Ronaldo, j’aime jouer avec les bouquins ou rêvasser.

BL : Votre plat préféré ? Ce plat est de quelle localité du Bénin ?

GG : J’ai un estomac solide qui s’accommode de tous les bons plats. Mais je préfère de loin les plats de ma maman.

BL : Votre mot de la fin

GG : Merci à vous pour cette tribune. Toute ma gratitude. Merci à Mme Carmen Toudonou, à l’abbé Destin Akpo, les premiers qui y ont cru. Merci à la famille, aux amis, aux lecteurs. Le meilleur reste à venir.