BL : Recevez nos civilités. Nous vous remercions d’emblée pour avoir accepté nous accorder cette interview. Vous venez de lancer récemment votre recueil de poèmes « Le chant des vers » à travers lequel votre nom s’est inscrit sur la liste des auteurs béninois désormais. Mais que doit-on savoir sur ce nouvel auteur ?

RM : Ce qu’il faut savoir c’est que Bravo à l’état civile répond au nom de MABOUDOU Abdou Rahim. Titulaire d’une licence en anglais, option études africaines à l’Université d’Abomey-Calavi, il est un passionné de l’être et de lettres. Il s’intéresse aux relations humaines à travers la psychologie, et aux lettres, à travers sa passion pour la poésie qu’il travaille à dompter. Il est aussi un militant associatif qui travaille avec certaines associations et ONG de la place à la restauration des valeurs citoyennes et l’éducation civique, la lutte contre le mariage des enfants, lutte pour le respect des droits des enfants et des jeunes. Cet auteur est un éternel épris des images, des voyages et du tourisme.

BL : Pourquoi le pseudonyme Bravo ?

RM : Ce pseudo est tiré d’un livre d’espionnage (Le manuscrit Chancellor de Robert Ludlum) que j’ai lu au secondaire. À cette époque où je n’écrivais pas vraiment, je portais déjà ce pseudo, j’avais déjà ce pseudo qui incarnait la bravoure, le courage, la réussite, l’excellence tout simplement. Quand je me suis mis à écrire j’ai préféré le garder et continuer de rechercher à travers lui, un idéal, un modèle, une réussite.

BL : Avez-vous été déjà confronté à une opinion qui vous targue d’orgueilleux pour ce pseudo ?

RM : Non. Pas encore. Enfin, jusque-là personne ne m’a encore traité d’orgueilleux.

BL : Pourquoi la poésie ? pourquoi avoir choisi paraître en premier avec un recueil de poèmes ?

RM : Précisons que je fais dans la poésie orale. La poésie elle-même, je travaille pour en venir à elle, pour la dompter. Un recueil de poèmes, juste comme ça. J’aurai pu paraître avec deux en même temps, mais j’aime aller pas à pas.

BL : Quel rapport votre poésie entretient-elle avec le slam?

RM : Ma poésie est orale, c’est du slam mais écrit.

BL : « Le chant des vers », c’est aussi des jeux de mots poussés parfois à l’extrême qui frisent la fantaisie. La poésie, n’est-elle que recherche de la sonorité basée sur les rimes?

RM : La poésie n’est pas que ça. Mais la poésie n’exclut pas non plus cela. Tout dépend de comment l’auteur décide de passer son message en fonction du type de lectorat qu’il se connait. Voyez aussi cela comme une fantaisie de l’auteur.

BL : Que répondriez-vous à quelqu’un qui après lecture trouve que pour raison de rime vous forcez l’entrée de certains mots ?

RM : Il faut parfois savoir forcer la main au destin pour avoir ce que l’on veut. (Sourire) Aucune règle n’exclut cette possibilité tant qu’on n’oublie pas que nous sommes ici dans l’oralité et pas dans le classique. Et même là-bas aussi, la poésie n’est-elle pas libre?

BL : Il faut avouer qu’hormis la tristesse et les pleurs de ses deux visages innocents sur la couverture du livre, elle revêt une poésie et une panoplie de couleurs aguicheuses. Que comprendre par cette couverture et ce titre ?

RM : La couverture est l’œuvre du jeune et talentueux peintre Paterne DOKOU dont je salue ici une fois encore le talent artistique et le génie créatif. La couverture incarne des enfants, un en pleure et l’autre triste. C’est simplement la mine de notre aujourd’hui, c’est le visage de notre société : peur, pleure, larmes, tristesse. Sans oublier les couleurs: rouge pour les sangs versés, jaune pour les flammes, la haine, la méchanceté, la jalousie. Et la couleur verte vient pour signifier que demain nous fleurira beau et meilleur en dépit de tout. L’espoir!

BL : Pour aboutir à l’édition de votre ouvrage, on vous a vu lancer une demande à participation, quelle conclusion en tirez-vous ?

RM : Il me plait, avant tout propos, de saluer, et ceci avec sincérité et du plus profond de mon cœur, à nouveau, chaque âme, chaque cœur, chaque main qui a contribué, financièrement, techniquement ou même moralement à la naissance de ce « bébé ». Pour revenir à la question. La campagne a été lancé le 11 septembre 2018 et a pris fin le 11 décembre de la même année. Au terme de la campagne j’ai pu mobiliser 305.889 francs CFA sur 1.200.000  francs CFA visés. Ceci via facebook et surtout whatsapp. C’est le bon côté et aussi la force des réseaux sociaux à saluer ici au passage. Ces fonds mobilisés ont permis ainsi d’avoir le résultat que vous avez aujourd’hui: « LE CHANT DES VERS ».

BL : Qui veut être lu, doit apprendre à lire les autres, dit-on. Quels auteurs ou poètes béninois ou d’ailleurs aimiez-vous lire ?

RM : L’auteur béninois que j’ai plus lu et que je lis encore est Jean PLIYA. Côté poésie, depuis mon secondaire, j’ai été plus en contact avec les Baudelaire, Rimbaud, Verlaine et Jules Verne. La clique des poètes maudits quoi! Je ne peux en vouloir à mes enseignants ni au système éducatif.

Mais aujourd’hui et depuis un moment déjà, j’ai ouvert les yeux et compris beaucoup de choses. Et j’ai donc décidé de retourner « chez moi ». Ainsi l’exercice qui m’attend est celui du ressourcement.

BL : Si pour certains, la poésie est la juxtaposition de mots complexes n’offrant généralement qu’un texte subjectif où seul l’auteur s’y retrouve, pour d’autres, c’est l’un des genres littéraires qui de plus en plus perd de sa notoriété, que vous suggère ces opinions ? comment écrire de la poésie de nos jours pour réellement impacter les lecteurs ?

RM : Je respecte les opinions des autres. Chacun est libre d’appréhender la poésie selon ses capacités.

Mais pour ma part, aujourd’hui vu le niveau de plus en plus bas de notre génération et vu tous les maux qui minent notre société j’ai choisi parler, écrire avec un français assez digeste, terre-à-terre puisque le message à passer ici doit vite être cerné. Des enfants sont mariés de force, des enfants sont maltraités, d’autres en mendicité. Des jeunes s’adonnent à cœur joie à la débauche, à l’incivisme, à la dépravation, il y’a la guerre, le terrorisme, et tout ce qui mine notre continent…. Voilà des pistes sur lesquels écrire et réellement impacter voire changer les mentalités des lecteurs, des dirigeants. C’est de ça qu’il s’agit d’abord et aujourd’hui surtout. L’urgence n’est pas donc à parler du soleil, des nuages et d’autres thèmes abstraits avec un français où le lecteur ne comprend qu’un tiers du message, qu’après une consultation d’urgence chez Larousse, Le Robert ou Google.

BL : Votre passion pour l’écriture a certainement une histoire…

RM : À proprement réfléchir j’écrivais depuis le primaire. Des poèmes gribouillés çà et là pour ma mie, celle qui (re)chauffait mon âme, mon corps et mon coeur.  Cela s’est intensifié au secondaire. Mais jamais et au grand jamais je n’ai pensé me lancer dans cette carrière.

Tout est parti en 2014 quand j’ai été demander l’avis d’un professeur de français sur des poèmes que j’ai écrits. Ce dernier m’a répondu que ce n’était pas de la poésie ce que j’écrivais et qu’il me faut retourner lire des auteurs tels que Césaire, Senghor, Molière, Voltaire, etc… Ce que je fis de 2014 à 2017 avant de décider ne plus me taire et me terrer face aux turpitudes de notre aujourd’hui, surtout de l’Homme. Je suis sorti de mon cocon.

Ma passion m’a coûté beaucoup. Avec ma famille, mes parents qui ne comprennent pas que j’avorte mes études pour l’écriture. Aussi, avec mes différentes relations (amoureuses) brisées, rompues. Il n’est pas facile de suivre sa passion, de sommeiller dans ses rêves et surtout de parvenir à leur faire voir le jour après des nuits blanches passé. Courage et foi m’a toujours dit un grand frère.

BL : Qu’est-ce qui vous motive ou vous inspire à écrire ?

RM : En premier les images. Chaque image dégage une émotion. À qui sait bien observer, chaque image parle. C’est cette émotion que je tente retranscrire quand j’écris.  Quand ça ne me parle pas, je n’écris pas. Maintenant il y a aussi la faim qui m’inspire. Ce qui fait que moi, contrairement au commun des hommes de plume, j’ai plus de faciliter à écrire les matins que les nuits. Il m’arrive même d’écrire toute la journée. La nuit je corrige ce que j’ai écrit. Généralement.

BL : A quel(s) niveau(x) situer les responsabilités pour l’immigration, thématique principale du titre ‘’Le bonheur n’est pas ailleurs’’ ?

RM : Une grande partie revient aux dirigeants qui se plaisent, au nom des intérêts égoïstes et des lubies mondaines, à créer des environnements défavorables aux paisibles citoyens. C’est de ça qu’il s’agit d’abord.

Maintenant, si ils me disent que parfois, l’occident leur force la main, je répondrai que: À l’instant où notre cœur n’a plus à cœur la joie d’agir à faire la paix dans le cœur de ceux qui nous ont, avec cœur joie élu, déposons le tablier chers dirigeants. Quitte à laisser notre peau. C’est mieux ainsi. Car, ce qu’on oublie souvent nous, c’est que ce sont des milliers d’âmes qui ont payé de leur cœur, de leur corps et donc de leur sang pour nous écrire cette page de paix et de quiétude que nous sommes venus trouver et que nos intérêts individuels et égoïstes sont en train de déjà souiller, de détruire.

Parfois, est-ce partir la solution?  Ou, est-ce rester? Je n’en sais vraiment rien (et pas encore grand-chose) mais il ne faut pas rester les bras croisés je me dis, je pense. Il faut agir. Faire quelque chose. Déjà vivons et agissons à éviter qu’un jour notre pays en arrive là.

BL : Suffit-il d’avoir des ressources naturelles pour vraiment assurer un « lendemain meilleur » à notre continent ? L’immigration est-elle dépourvue d’avantages ?

RM : Oui et grand Oui. Avec nos ressources naturelles nous pouvons nous assurer un meilleur demain. Tant qu’on ne transgresse les lois de la nature-mère. On peut bien, bien vivre où nous sommes et avec ce que nous y avons.

L’immigration à ses bons côtés, ses avantages. Le problème est dans « le comment » , le processus même. Quand elle est légale, donc respectant les conditions régies par les textes, elle est à conseiller, mais pas pour autant à encourager. Il faut quand même des gens pour rester et construire le pays, etc….

BL : Quelles ambitions pour ce premier ouvrage ?

RM : Beaucoup. Qu’il aille au-delà des quatre coins du Bénin. Qu’il soit lu, slamé et écouté partout et par tous en Afrique et même au-delà. Ce sont mes vœux pieux.

BL : Au nombre des thématiques traitées dans votre recueil, on note la xénophobie face à laquelle vous souhaitez la zéro phobie. Face au terrorisme qui fait peur à tous les pays, quels conseils préconisez-vous alors ?

RM : Si chacun pouvait rester à sa place, il y aurait assez de places pour tout le monde dans le monde. L’Homme étant irrassasiable, démesurément ambitieux, il est de plus en plus difficile de revenir à ce monde d’antan où chaque être vit dans et de son milieu de vie. Que chacun écoute son cœur et soit aussi prêt à assumer les conséquences de ses choix. Ton choix, ton avenir dit-on souvent.

BL : Quels sont vos projets en cours en littérature ?

RM : D’autres « enfants  » attendent à naître. D’autres genres autre que la poésie, verront aussi le jour d’ici là inch’Allah.

J’ai un grand projet qui mettra les projecteurs sur l’ensemble de l’œuvre « LE CHANT DES » VERS et particulièrement sur certains poèmes. En son temps vous serez informés chers lecteurs.

BL : Quelles sont les qualités requises pour écrire un recueil de poèmes ?

RM : Pour écrire un recueil de poèmes, il vous faut être têtu. Vraiment et beaucoup. Envers vous-même, envers la muse et surtout envers votre famille et amis qui seront là et feront tout pour vous dérouter. Il faut beaucoup d’endurance, de patience, de courage et de foi surtout et sur tout.

Mais au préalable, il vous faut être un passionné de la poésie, avoir l’oeil pour déceler ce que ne voit le commun, avoir du flair du détail, avoir du coeur sensible pour ressentir et faire ressentir ensuite. Il faut être attentif et attentiste. Envers vous-même et la société. Après tout ceci, l’option de parution du recueil dépendra maintenant de vos ressources.

BL : Vous êtes de la belle cité des kobourou. Qu’est-ce que le limon bariba dont vous êtes pétri apporte à votre poésie ?

RM : Dans ce recueil je m’exprime d’abord en tant qu’humain. Les maux qui minent la société n’ont pas une appartenance ethnique. J’écris, dans ce recueil, en tant que noir africain soucieux de corriger, de corriger les mentalités et la société par ricochet.

Peut-être que plus tard, je serai ardent défenseur de la cité ou du peuple bariba. Mais pour le moment, l’Afrique mérite qu’on se soucie plus d’elle, qu’on l’écoute, qu’on la panse et la repense.

BL : Bravo, un cœur à prendre?

RM : Absolument. Candidature ouverte à toutes.

BL : Improvisez un poème pour la potentielle candidate à la conquête de votre cœur…

RM : Humm… okay.

« Le temps passe et emporte nos rêves et passions.

C’est toi que mon temps voudrait passer, emporter.

En chaque seconde de chaque minute de chaque heure passant, c’est toi je veux compter.

C’est toi qui comptes et c’est avec et auprès de toi, je veux conter ce temps aux autres temps à venir.

Prends ton cœur à deux mains et amène-le-moi.

Amène-toi petit cœur. Tant d’amours nous attendent, tant de temps nous attendent.

Ne traînons pas. Le temps n’a pas que notre temps.

On n’a qu’un seul temps à vivre, à aimer, à chérir.

On n’a qu’un seul insTEMPS pour vivre, s’aimer, se chérir chérie. « 

BL :  Votre mot de fin

RM : Je ne peux que vous remercier, votre personne et surtout Biscottes littéraires pour cette occasion, à moi, offerte pour parler de mon livre « LE CHANT DES VERS » (toujours disponible auprès des éditions SAVANES DU CONTINENT).

_ »Un livre ne s’écrit_

_Pas tout seul…_

_C’est tout un peuple_

_Qui écrit. »_

Merci donc à chaque âme qui a contribué de près ou de loin à la naissance de ce recueil que le temps s’est plu à éprouver, déjà depuis la conception mais qui a su braver tout et se faire voir. Je vous dois ce livre. C’est le vôtre. Prenez-le à tout prix. C’est grâce aux soutiens des uns et des autres. Merci à tous encore et en corps.

Dieu bénisse l’œuvre de nos mains!

 

  1. 《Le chant des vers》, chez nous on dit que 《chanter c’est prier sept fois》 (Mauvaizhaleine).