Emmanuel GANSE est blogueur littéraire. Il nourrit une très grande passion pour la littérature. Et comme nous le découvrirons dans cette interview que nous le remercions de nous avoir accordée, il est optimiste et croit que l’avenir du livre béninois sera radieux. Lisons plutôt…

BL : Bonjour Monsieur Emmanuel GANSE. Heureux de vous recevoir sur notre blog pour l’interview de la semaine. Veuillez-vous présenter s’il vous plaît

EG  : Bonjour à vous. Je réponds comme précisé au nom d’Emmanuel GANSE alias Emmolière, féru de la langue de Molière, écrivain en devenir. Je suis aussi étudiant en Administration du travail et de la sécurité sociale à l’ENAM et blogueur-activiste des droits de l’enfant pour UNICEF Bénin. Par ailleurs, mon blog est aussi dédié à la littérature. J’y publie des chroniques littéraires telles que les lectures des romans et de tout ce qui peut constituer une œuvre littéraire, les poèmes, les  nouvelles et beaucoup d’écrits romantiques.

BL : Depuis quand cette passion pour la littérature est-elle chez vous?

Depuis ma tendre enfance, depuis que le vieux mon père eut l’amabilité de me payer un livre de lecture en cours primaire. Je dirai donc, depuis que j’ai appris à lire et que je passais mes jours aux heures libres à fouiner dans les bibliothèques tel un rat à la recherche de quelle œuvre littéraire déguster. Aussi, ai-je véritablement commencé à développer cette passion, depuis qu’après mon Cep, je me suis vu avoir un 20 en lecture. Depuis lors, je me suis promis l’utiliser comme une arme et l’entretenir comme un facteur de ma vie qui facilitera mon évolution.

BL : On en conclut que les bibliothèques ont joué un rôle important dans votre croissance. Pensez-vous que nous disposons encore aujourd’hui de bibliothèques achalandées qui puissent donner aux enfants et aux jeunes le goût de la lecture et de la culture et le maintenir en eux?

EG  : Non, malheureusement. Les bibliothèques sont rares comme des loups blancs et nos dirigeants en font leur dernier souci. Dans les collèges et lycées publics où les enfants sont censés acquérir le goût de la lecture et la passion d’agrandir leur champ de culture intellectuelle, les bibliothèques sont presque inexistantes. Dans ces conditions d’études, il serait difficile pour eux d’avoir un niveau de langue raffiné et encore moins de manifester quelque volonté pour s’approprier plus de connaissances à travers la lecture. Toutefois, les seuls qui arrivent à sortir du joug de l’inculture aujourd’hui sont ceux-là habitués à fréquenter les bibliothèques du CAEB qui sont d’une grande utilité quant au maintien du goût de la lecture chez les apprenants.

BL : C’est pourtant un élément clef de la littérature dans notre pays, n’est-ce pas?

EG  : Oh que si ! C’est même un élément plus qu’indispensable pour notre littérature. Comment aurions-nous des littéraires passionnés s’il nous manque de manière désespérée des maisons du livre où on peut s’y rendre pour trouver une œuvre et un espace empreint de tranquillité pour lire ? Il est d’une nécessité incontestable d’avoir des bibliothèques dans notre pays, car à part les librairies où s’effectuent les achats livresques, il faut quand même un autre endroit où l’on pourra lire aisément et facilement des œuvres produites par des écrivains béninois et africains qui contribuent à la richesse et à l’expansion de notre littérature. Les bibliothèques apparaissent donc en plus comme un outil pour révéler et promouvoir les hommes de plume de notre pays. Leur importance est capitale.

BL : Le constat est pourtant désolant et cela nécessite des actions urgentes et concrètes…

EG  : Absolument. Et cela doit interpeller surtout l’État en ce sens qu’il lui faut adopter une politique efficace du livre et doit d’ores et déjà prévoir dans son budget un financement conséquent pour équiper les collèges et lycées du Bénin de bibliothèques assez bien outillées. Il devient impératif d’éviter de penser que la mauvaise qualité de notre l’éducation nationale doit être imputée aux enseignants. Si les enfants n’ont pas les documents qu’il faut pour s’exercer sur les notions apprises, comment réussiront-ils ? On a déjà vu l’initiative de Bibliothèque solidaire de Colince Yan. C’est l’heure de répéter l’expérience dans les autres communes. Une bibliothèque dans laquelle, on permettra les emprunts du livre tel que le fait le CAEB. Et les parents, tout le monde doit s’appliquer à concrétiser la formule : un enfant, un livre. C’est la plus belle manière de sauver l’éducation des enfants du Bénin.

BL : Vous avez un blog littéraire que vous animez avec passion. Qu’est-ce qui vous y a conduit?

EG  : Très honnêtement, c’est l’amour de la langue française. J’aime écrire et me faire entendre en portant ma voix aux quatre coins du globe. J’aime aussi écrire pour donner le plaisir, la joie, et le blog apparaissait pour moi comme le meilleur moyen pour satisfaire cette passion. C’est dans le souci de transmettre cette passion pour la littérature, cet amour pour la langue aux lecteurs et surtout aux apprenants de mon pays très présents sur les réseaux sociaux que j’ai créé ce blog. En partageant une lecture par exemple, j’aime espérer qu’après lecture ils vont chercher à jeter leur dévolu sur le livre dans une bibliothèque et le lire à leur tour pour ainsi prendre goût à la lecture. J’en suis aussi venu à créer ce blog pour qu’il me serve de support pour toutes mes initiatives littéraires présentes et à venir.

BL : Etre blogueur littéraire, qu’est-ce que c’est, selon vous?

EG  : Être un blogueur littéraire, c’est, à mes sentiments, être un acteur engagé pour la promotion de la littérature, engagé pour faire connaître les auteurs de son pays et partager la vision de ces derniers pour un monde meilleur, leur vie et leurs difficultés à vivre de leur plume. Le blogueur littéraire, c’est aussi celui qui informe sur les actualités relatives à la chaîne et aux acteurs du livre dans son pays. Etre blogueur littéraire c’est militer pour l’ascension de la littérature de son pays. Son but, c’est de partager et de donner sa passion à ceux qui le lisent. C’est celui qui fait de son blog un livre électronique pour donner du plaisir à lire sans qu’on ait besoin d’un livre en version papier.

BL : Que pensez-vous que les réseaux sociaux, en particulier le blogging, pourraient apporter à la littérature béninoise aujourd’hui?

EG  : Les réseaux sociaux sont à même d’apporter beaucoup de choses à l’essor de la littérature béninoise. Ils facilitent déjà par exemple des discussions entre lecteurs et auteurs sur le livre lu. Ils permettent aussi aux auteurs de communiquer plus activement sur leur nouvelles sorties littéraires, et de renseigner sur leur vie en tant qu’écrivain. Quant au bloging, c’est l’outil des TICs indispensable permettant de partager les actualités sur les livres et la vie des auteurs. Écrire des chroniques sur les œuvres des auteurs Béninois ou interviewer ces derniers est le moyen le plus sûr de les faire connaître, d’attirer l’attention du monde sur le travail qu’abattent les hommes de plume béninois et par voie de conséquence, ce sera la meilleure manière de montrer la densité de notre littérature. Les blogueurs littéraires feront une révolution dans la chaîne du livre béninois, car grâce au travail qu’ils abattront, le monde entier saura vraiment que le Bénin, ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest, est aussi un gigantesque monument littérature. Concrètement, ce que le blog peut apporter au livre béninois dans notre contexte actuel, c’est de la visibilité, la notoriété. Pour que les gens se rendent des librairies pour faire des achats, il faut surtout qu’ils aient entendu parler du livre et que cela les ait motivés à lire. Autrement dit, le blog littéraire sera pour la littérature béninoise, ce que le lait maternel est pour le nourrisson.

BL : Votre regard sur la littérature béninoise de ces dix dernières années…

EG  : La littérature béninoise en cette période est en pleine croissance avec l’avènement de plusieurs jeunes écrivains habiles à produire des œuvres douées de saveurs et élargissant par là même la chaîne du livre béninois. L’écriture devient un milieu de parité où on rencontre presqu’autant de femmes que d’homme engagés pour la même cause : l’avenir du livre béninois. Si comme grandes figures littéraires béninoises, on citait Florrent Couao-Zotti, Paul Hazoumè, Gaston Zossou, Jean Pliya, Olympe Bhêly Quenum, on peut aussi citer aujourd’hui à part Gisèle Hountondji, première femme écrivaine du Bénin, Hortense Mayaba, Adélaïde Fassinou, Carmen Toudonou, Sophie Adonon, etc. Ce qui est plus que réjouissant, c’est que les initiatives littéraires se multiplient et de plus en plus les jeunes s’intéressent à la vie du livre chez nous. En témoignent les concours d’écriture tels que Plumes Dorées, Plumes scolaires, l’initiative de miss littérature. On peut aussi citer les travaux pour faciliter l’accès au livre de LIRICO, ou bien les travaux d’écriture de Mylène Flicka qui publie des nouvelles sur Founmi.com. Le slam qui jadis était inconnu est maintenant un genre auquel s’essaient plus d’un tels que Djamile Mama Gao, Sêminvo L’enfant Noir, Sergent Markus, Kmal Radji, ‎Chanceline Mevowanou, etc. Là encore nous avons des initiatives louables telles que La grande nuit de Slam au Bénin et Slamladies, etc. Il y a de quoi être optimiste et croire que notre littérature connaîtra un bel essor les années à venir.

BL : Si l’on doit suivre Hugo, pour lui l’écrivain est un prophète, celui qui annonce des jours meilleurs à son peuple. Est-ce également votre avis ?

EG  : D’une certaine manière, je m’accorde avec lui. L’écrivain est celui qui doit égayer le peuple auquel il appartient, il a le devoir de faire de sa plume la bouche qui chantera les merveilles, les bonheurs à venir, la bouche qui donnera espoir à ceux qui dépriment et qui sous le poids de la misère croupissent et ne trouvent plus raison de vivre. Mais ce prophète qu’il est, doit aussi avoir l’audace de s’engager pour dénoncer les maux qui minent ce peuple. Loin de n’être qu’un héraut de l’optimisme, il doit aussi crier les malheurs de son peuple pour éveiller la conscience des dirigeants et les amener à agir dans la perspective d’apporter un mieux-être aux populations qu’ils gouvernent.

BL : Dans ce sens, un écrivain engagé n’est-il pas aussi un « enragé?

EG  : Tout à fait. Mais un enragé modéré. L’écrivain engagé doit être fidèle à la cause qu’il soutient sans donner dans de l’extrémisme ou dans du fanatisme. Sa rage est de bonne guerre, et cela lui est utile d’autant plus qu’il en aura besoin pour mener avec fougue, détermination et bravoure le combat qu’il s’est assigné. Il doit être enragé pour se relever après chaque échec éventuel, ou pour ne pas céder face aux menaces de ses détracteurs, ou face aux tentatives de corruption pour le détourner du véritable sens de son combat. Loin de faire violence sur ceux qui ne partagent pas la même vision que lui ou qui ne comprennent pas le sens de sa lutte, il doit se faire violence pour sereinement rallier ses adversaires à ses convictions. Il doit être un enragé qui porte à cœur son devoir et qui est prêt à tout pour relever tous les défis qui s’imposent à lui.

BL : Blogueur, poète et nouvelliste, comment arrivez-vous à gérer tout cela?

EG  : Ma passion pour la langue moliéresque est surtout ce qui me donne l’engouement pour mieux écrire mes textes, qu’il s’agisse de poèmes ou de nouvelles. Certains trouvent futiles d’écrire, mais moi c’est ce qui fait ma force. J’en viens à trouver une raison de vivre dans l’écriture, et du coup le blogueur que je suis, trouve mille et un plaisirs à se mettre tant dans la peau du poète que du nouvelliste sans en être lassé. »Rien n’est vain quand subsiste une raison de combattre ! » disait Mylène Flicka dans une interview qu’elle a accordée à mon blog (https://emmanuelganseblog.wordpress.com/?s=interview). Ne trouvant aucune vanité à écrire des poèmes romantiques ou des nouvelles du même aspect, gérer tout cela comme vous dites, revient pour moi à faire mon sport favori.

BL : Que retenez-vous de votre expérience de blogueur littéraire?

EG  : De ma petite expérience, étant au début d’une grande aventure que je n’entends point abandonner, je retiens que le blog littéraire est une merveille qui fait des étincelles et qui constitue un excellent moyen pour partager sa passion, rencontrer de bonnes gens qui ont en partage avec nous les amours chaleureuses des belles-lettres. J’en retiens aussi, qu’ensemble les blogueurs sont à même de relever de grands défis dans la chaîne du livre et aussi de nourrir à bon escient les âmes de ceux qui n’ont d’yeux que pour lire. J’en retiens en fin, que le blog est un excellent moyen de lutte où peuvent se mener des sensibilisations à grandes portée dans l’optique d’insuffler un souffle de bon vivre et de paix dans notre société. C’est d’ailleurs l’un des aspects de mon blog qui, après un partenariat avec UNICEF Bénin, se charge de vulgariser le Code de l’enfant, la Convention relative aux droits des enfants, etc., en vue de promouvoir les droits de ses âmes emplies d’innocence.

BL : Sur votre blog, on lit volontiers « Littérature et droit ». Quel est le lien qu’il y a entre ces deux disciplines et leur impact sur l’essor des lettres béninoises?

EG  : Le lien évident qu’il y a lieu de faire entre « Littérature et Droit » se résume en ce que ces deux disciplines se pratiquent dans une et même langue qu’est le français. Une langue pour laquelle vous vous en doutez, j’attache énormément du prix. De plus, il s’agit des deux lignes éditoriales de mon blog, littérature pour les chroniques, les poèmes et les nouvelles; et quant au Droit, il s’agit de vulgariser le code de l’enfant et donc de promouvoir les droits de l’enfant en travaillant à combattre par la force des mots, les maux qui minent la vie des sans-voix qui perdent leur joie de vivre dans les violations qui leur sont faites. Immanquablement, l’impact de ces deux disciplines sur l’essor des lettres béninoises sera d’amener chaque Béninois à s’engager à travers sa plume pour la cause de ces douces âmes. Il s’agira d’écrire pour montrer l’importance qu’il y a à faire plus attention aux enfants. Ainsi, il apparaîtra avec évidence pour chacun que les lettres ne sont point inutiles mais qu’elles peuvent aider à mener un combat noble et de grande portée.

BL : Vous avez certainement des projets…

EG  : Des projets d’écriture surtout. Faire de mon blog un univers de romance et d’initiatives littéraires et de sensibilisations. Enfant, je rêvais participer à des concours littéraires pour pouvoir mieux tirer profit de mes passions, un rêve dont les chances de réalisation se raréfiaient au fil de mes âges, ne trouvant aucune occasion à saisir pour ce faire. Pour donner une chance à ceux qui rêvent comme moi, j’envisage donc très prochainement initier un concours de dictée et d’art oratoire pour les collèges et après à l’Université d’Abomey-Calavi pour les étudiants. Je suis persuadé qu’il y a des âmes mordues de littérature comme moi qui attendent impatiemment ces genres de concours pour mieux exprimer leurs talents combien grands en la matière. Aussi très prochainement sur le blog, il y aura des entretiens avec des écrivains béninois et même ceux en herbe afin de créer une connexion entre ces derniers et les maisons d’éditions.

BL : A quand votre prochaine parution?

EG  : J’y travaille et je crois qu’avant la fin de cette année je ferai ma première parution, plaise à Dieu.

BL : Votre mot de la fin.

EG  : Il m’a été d’un agréable plaisir de passer cet entretien avec vous. La littérature, à l’instar de la raison de Descartes devrait être la chose du monde la mieux partagée. Il n’y a pas de raison pour ne pas aimer les belles-lettres et rien que la recherche de plus de finesse dans le langage, plus d’éloquence dans le parler et plus de charme dans nos discours, cette recherche-là devrait nous inciter à mieux faire pour tomber amoureux et à agir pour l’essor des lettres béninoises. Notre littérature, celle béninoise, a de beaux jours devant elle et pour qu’elle devienne imposante et soit reconnue par le monde entier, chacun est appelé à se faire acteur de la chaîne du livre; et cela passe par les achats d’œuvres littéraires, la création de plusieurs bibliothèques et l’ouverture de plusieurs maisons d’éditions accessibles à tous. Je voudrais humblement lancer ici un appel à tous les indifférents d’hier : levons-nous pour contribuer à la richesse de notre littérature, celle qui révélera au monde nos œuvres d’esprit, celles-là même qui prouveront le mérite qu’a eu notre pays de porter le nom de quartier latin de l’Afrique ! Vivent les belles-lettres ! Vive la littérature béninoise !