« Et pour parvenir à ses fins, le parachuté est prêt à calomnier les autres, à les dénigrer, les rabaisser et les réduire à néant. Le parvenu est souvent dans la politique de diviser pour régner. » Ezin Pierre DOGNON


BL : Bonjour Monsieur Ezin Pierre DOGNON. Vous nous honorez par cette interview que vous nous accordez. Veuillez-vous présenter s’il vous plait.

EPD : Permettez que je remercie par votre entremise les lecteurs qui nous font honneur en nous lisant et par ricochet vous qui prenez le temps de nous identifier comme personne à interviewer. Je suis tout simplement Ezin Pierre DOGNON à l’état civil.

BL : Vous êtes jumeau (Ezin le dit). (Rires) Qu’est-ce que cela vous fait que vous soyez venu au monde au pluriel et comment jugez-vous le regard des autres face à vous ?

EPD : La vie d’un gémellaire se passe comme toute vie, normale quoi. Même quotidien, même situation de vie selon le domaine de compétence, même caractère qu’un individu de toute espèce, même niveau de vie selon les moyens, même regard sur la société. Seul bémol, c’est qu’il faut tout prévoir en double. Pour vous répondre donc, je pense qu’il y a juste le plaisir de savoir que l’on a un meilleur (e) confident (e), quelqu’un (e) sur qui l’on peut compter malgré tout et quand tout tourne mal autour de soi et pour soi. Une vie différente ? Pas du tout puisqu’il n’y a pas un avantage particulier à être jumeau dans la société. La société est conçue pour être intégrée donc tant que le jumeau s’intègre il n’y a pas de particularité. Au Bénin comme en France où je vis depuis quelques années, il n’y a qu’un sentiment de satisfaction brusque que tu lis sur les yeux des gens quand ils se rendent compte que tu es jumeau. Une subite envie d’être à ta place se fait remarquer mais c’est un sentiment temporaire et passager pour la plupart du temps. Il y a des questions qui te sont posées comme pour avoir des nouvelles de ton jumeau ou ta jumelle pour mon cas. Des questions du registre : est-ce que vous faites la même chose ? Vit-elle encore et où vit-elle ? Après ces informations données, tout redevient normal dans les échanges même si tu es perçu comme un mystère, quelqu’un qui a quelque chose de plus que les autres et qui serait doté d’un pouvoir surnaturel. Pour moi, ces clichés restent des préjugés et des illusions sur les jumeaux mais cela ne change pas le regard des autres et les faits pour autant.

BL : Avez-vous depuis toujours nourri le rêve de devenir écrivain? Quel a été alors le déclic?

EPD : Si ce n’est pas un hasard, cela n’a jamais été une obsession non plus. Il faut dire que j’aime naturellement lire et je m’essayais beaucoup à l’écriture. Toute modestie gardée, mes copies de philosophie et de français étaient souvent classées en dernière position lors de la distribution des copies pour dire que je recueillais les meilleures notes au secondaire. Le déclic de publier mes manuscrits est parti de ce que j’appellerai un affront. Il se fait qu’en 2015, le doyen Florent Couao-Zotti procédait à un appel à candidature pour une publication collective d’un livre qu’il avait intitulé « African Porno ». J’avais été identifié dans une publication sur Facebook par une amie et à mon tour j’ai relayé la publication. Comme d’habitude j’accompagne mes partages d’un petit commentaire. J’avais donc mis à l’époque « Faisons de ce projet une réussite ». Au départ, j’avoue que je n’envisageais pas de postuler, en tout cas pas au moment où je relayais cette publication. Un internaute que je connais bien et qui fait partie des personnes qui aiment se « foutre » de la gueule des autres est venue commenter cette publication avec une phrase qui a été le déclic « ça ose mettre ‘’faisons’’ comme si on est, ou on a été déjà auteur d’une page reconnue par ses paires une fois…Allez, laissez le mérite aux méritants ». Souvenez-vous, j’avais accompagné le partage de l’appel à candidature du doyen Couao-Zotti d’un commentaire dont la phrase commençait par « faisons… ». Pour cet ami internaute, je ne devrais pas mettre « faisons » parce que je n’avais jamais publié un livre. C’était mal connaître mon parcours puisqu’à l’époque déjà, bien avant 2015, j’avais déjà édité en 2011 un livre non pas en français mais en espagnol avec la participation de certains amis dans le cadre associatif. Ce livre intitulé « ! Es la hora ! » qui figure toujours dans les rayons de la librairie Notre Dame a fait et continue de faire le bonheur des élèves du cours secondaire. Pour revenir à ce déclic donc, je n’étais pas rentré dans la polémique. Mais ma réponse a été vue par tous deux mois après. Parmi les sept ou huit auteurs qui avaient été retenus par le jury mis en place par Florent Couao-Zotti, figurait mon nom avec le manuscrit « Lettre à un inconnu ». Défi relevé, j’ai partagé à nouveau les résultats sur internet  en identifiant cet ami avec la mention «‘’ça ose mettre faisons’’…comprenne qui pourra ». Et depuis, l’aventure continue…

BL : Y a-t-il un défi que d’être jeune en cette Afrique de moins en moins tendre envers ses dirigeants? Le vôtre principalement serait…..

EPD : Le plus grand défi à mon sens est d’œuvrer  pour se faire entendre. C’est ce à quoi je m’attèle au quotidien.

BL : Pour vous, quel auteur a le mérite d’avoir influencé fondamentalement la littérature béninoise dans la période révolutionnaire ?

EPD : Ce serait prétentieux de ma part de dire que je connais la période révolutionnaire au point de citer un auteur qui a marqué cette période puisque je suis de 89 alors que le régime révolutionnaire s’est installé en 1972 avant de chuter justement entre 89 et 90, au moment où je naissais… (Rires) ! Maintenant, je puis vous dire que pour moi et ceci m’engage, le meilleur auteur béninois de tous les temps est un auteur dont l’œuvre que je vais citer date d’avant la période révolutionnaire. Cette œuvre a été éditée pour la première fois en 1960, juste après les indépendances mais a traversé le temps et restera encore dans le temps. Il s’agit de l’ouvrage « Un Piège Sans Fin » d’Olympe Bhêly Quenum. Ahouna BAKARI, le personnage principal de ce roman me hante dans le sens positif du thème. Je garde en image une histoire haletante et une œuvre puissante qui a bouleversé mon être au point de me donner envie d’écrire. Véritablement, avant cet affront (ndlr) qui m’a incité à sortir des tiroirs mes tapuscrits, je puis dire que j’ai nourri pour la première fois l’envie de donner corps et vie à des personnages grâce à la plume incitante de l’auteur Olympe Bhêly Quenum. Ce livre figure sur la liste des livres qui portent la mention « ne jamais passer » dans mon petit rayon. Je ne compte plus le nombre de fois que je l’ai lu depuis que je l’ai découvert en classe de première. Olympe Bhêly Quenum dans la sphère littéraire est pour moi ce que représente Sembene Ousmane au plan africain et Bernard-Henri Lévy au plan international.

BL : Certains auteurs africains ont sauvé leur tête en écrivant des livres en optant pour la pseudépigraphie. Quelle est votre appréciation : Un écrivain doit-il tout dire sans peur quand il s’agit de décrier la politique de son pays ou simplement ce qui va moins bien ?

EPD : En 1939 dans son ouvrage Cahier d’un retour au pays natal, Aimé Césaire disait ‘’ Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir’’. Si tout bon écrivain se reconnaît dans l’héritage laissé par Aimé Césaire, ne pas poursuivre la construction dans le bon sens serait un crime. La transhumance politique faisant de nos hommes politiques des marionnettes en Afrique, il appartient aux hommes de lettre de jouer le rôle d’éveilleur de conscience et de veille citoyenne, dans l’objectivité la plus rationnelle possible.

Pour aborder le premier aspect de votre question, quand vous parlez de pseudépigraphie, nous sommes d’accord que c’est le fait d’attribuer un faux nom d’auteur ou un faux titre à un ouvrage. C’est un choix que font certains auteurs mais le droit de la propriété intellectuelle oblige au respect des lecteurs donc si un lecteur se sent berné et qu’il porte plainte, la justice tranchera surement en sa faveur si tel est le cas.

 BL : Les nouvellistes, les poètes, les romanciers, les dramaturges, les essayistes…. Les uns sont-ils écrivains que les autres ? Quel genre pour vous est plus exigeant ?

EPD : Tous les genres littéraires demandent de la rigueur à l’image de la littérature dans sa globalité. C’est ce qui explique que j’ai personnellement un respect pour ceux qui s’adonnent à l’écriture quelque soit le genre.

BL : Sembene Ousmane n’a pas eu un parcours scolaire des plus brillants, pourtant les docteurs interprètent mal ses œuvres aujourd’hui. La littérature n’est donc pas pour les doctes. Un tel aphorisme vous met-il à l’aise ?

EPD : De Sembene Ousmane j’ai lu trois œuvres qui m’ont passionné les unes que les autres. Que ce soit Les Bouts de bois de Dieu, Le Docker Noir ou O pays, mon beau peuple, je garde le souvenir d’un écrivain très engagé et très attaché à son identité, ce qui ressort dans ses productions littéraires et cinématographiques. Quand à votre analyse, je pense qu’on n’a pas besoin d’être un docteur pour mieux comprendre une œuvre littéraire. Personnellement, je déplore d’ailleurs les écrivains pédants. Quand j’écris, ma première cible est la femme de ménage ou le chauffeur du patron. C’est d’abord pour eux que j’écris. La femme de ménage en voyant mon livre doit le chiper de la table de madame et le dévorer puis le redéposer à sa place avant que madame ne constate sa disparition le soir. Cela doit être pareil pour le chauffeur. Avec le respect que j’ai pour certains, je pense qu’il ne sert à rien de renvoyer à chaque fois le lecteur à un dictionnaire sur chacune de nos lignes. Un bon écrivain à mon sens, c’est celui qui travaille la psychologie du lecteur et le fait voyager  aux quatre coins du monde. C’est justement l’héritage que nous ont laissé des écrivains comme Ousmane Sembène.

BL : Si vous deviez vous prononcer sur le vrai visage des TIC aujourd’hui, puisque c’est ce qui transparaît dans le titre de votre dernier recueil de nouvelles « Désolé madame, j’épouse mon portable », que diriez-vous?

EPD : « C’est tout un petit monde, Internet est un supermarché où l’on trouve tout » disait un de mes personnages dans le recueil de nouvelles « Désolé madame, j’épouse mon portable ». Je lui emprunte donc cette phrase pour répondre partiellement à votre question. Je vais juste compléter en disant que si l’on n’y prend pas garde, nous serons gouvernés demain par les TIC puisque le monde devient plus virtuel, plus qu’irréel que réel. Je pense que la prochaine guerre mondiale sera technologique et malheureusement l’Afrique notamment les pays de l’Afrique de l’ouest subiront cette guerre puisqu’en dehors du Nigéria et avec réserve l’Afrique du Sud, peu de pays investissent dans l’intelligence artificielle, ce qui est une mauvaise stratégie de développement. Le monde de demain est déjà celui d’aujourd’hui et il sera virtuel.

BL : Un mot qui fait ravage au Bénin : « la Béninoiserie ». Certainement que vous en avez déjà entendu parler plusieurs fois. Qu’est-ce que cette expression vous inspire ?

EPD : Il paraît que c’est l’art d’être plus béninois que d’autre si je ne me trompe, autrement l’art d’être plus nationaliste…Sourire ! C’est ma conception et je préfère voir ça sous cet angle que sous l’angle habituel qui réduit cette expression à la mesquinerie à connotation béninoise et à la sournoiserie de certains compatriotes.

BL : Dans une interview que vous accordiez à benincultures.com vous affirmiez : »Le béninois aime mener le combat des autres à leur place. » Qu’est-ce qui selon vous justifie cette attitude des béninois et que faire pour une conversion des mentalités ?

EPD : Je répondais à cette question du confrère Eustache AGBOTON du portail culturel bénincultures dans un contexte précis mais puisque vous en parlez, je vais préciser mes idées. Vous savez, nous sommes dans un jeu que l’on appelle, le monde du showbiz où tous les coups sont permis. Le parvenu veut se mesurer à des personnes pétries de talents qui font la fierté du jeu avec des moyens du bord. Et pour parvenir à ses fins, le parachuté est prêt à calomnier les autres, à les dénigrer, les rabaisser et les réduire à néant. Le parvenu est souvent dans la politique de diviser pour régner. Peu de personnes arrivent souvent à faire la part des choses. Ainsi, certaines personnes se laissent embarquer et accumulent les préjugés imaginaires du parvenu comme une vérité absolue sans pourtant prendre la peine d’écouter l’autre. Ils se braquent donc et catégorisent la personne calomniée jusqu’au jour où ils se rendent compte de la supercherie d’être enfarinée. Il est souvent trop tard parce qu’ils laissent passer de nombreuses opportunités. C’est ce qui m’amène à demander à chacun de faire son expérience dans les relations interpersonnelles au lieu de se baser sur des illusions qui conduisent à l’échec.

BL : Vos ouvrages sont-ils inspirés de vos expériences?

EPD : J’y mets beaucoup du mien « Moi ». Mais je pars pour la plus part du temps de mon environnement. Je suis dans une position où je vis et je vois vivre beaucoup d’histoires passionnantes mais aussi parfois tristes que je transforme pour mettre mon lecteur à la place du personnage principal.

BL : Quelles sont les motivations qui ont été à l’origine de votre dernière création littéraire:  » Désolé madame, j’épouse mon portable ». Vos attentes sont-elles comblées quant à l’accueil à elle réservée par le public béninois d’ici et celui de la diaspora ?

 

désolé madame j'épouse mon portable

EPD : A vrai dire, j’ai fait de la sortie de ce livre un évènement avec une équipe composée d’amis bénévoles que je profite de votre canal pour remercier. Il y a eu un storytelling qui a précédé et suivi la sortie, ce qui a ancré le livre dans la tête du public qui était impatient de l’arrivée de la date du 14 février. L’objectif est atteint, ce qui m’a permis de relâcher sur le plan communicationnel et de laisser le bouche à oreille poursuivre le reste en me concentrant sur d’autres projets. Parlant de l’historique du recueil de nouvelles « Désolé madame, j’épouse mon portable », tout est parti d’un fait banal vécu dans un café de Paris. Et la suite ne se raconte pas, il faut lire le livre pour comprendre.

BL : Jadis « Quartier Latin d’Afrique » avec cependant à la pointe cette once de méchanceté sournoise que stigmatisait Emmanuel MOUNIER, qu’est-ce que selon vous notre pays est devenu de nos jours? Êtes-vous toujours fier d’être béninois ?

EPD : Béninois un jour, béninois pour toujours. Fier d’être béninois oui. Comme on ne choisit pas ses parents, c’est ainsi qu’on ne peut choisir son pays d’origine…J’aime à souvent dire que quand on n’a pas le choix, on ne choisit pas. Le Bénin reste ce qu’il est et ce qu’il a été. Certains hommes politiques tentent de dénaturer le sacré mais le sacré qu’est le pays résiste et résistera parce qu’il y a une génération de jeunes conscients qui veillent à ce que nous ont laissé les rois Béhanzin, Glèlè, Toffa et autres ne soit pas profané.

BL : Tout le monde fait souvent du gouvernement le bouc émissaire des divers piétinements enregistrés dans l’univers culturel et artistique béninois. Peut-être que s’il était éclairé, il ferait mieux. Quelle proposition concrète pourriez-vous faire qui puisse aider réellement les politiciens à mieux prendre en charge la vie culturelle et artistique de notre pays ?

 

EPD : Dès l’avènement du nouveau régime en place en ce moment, les confrères du portail culturel Bénincultures au micro de l’ami Eustache AGBOTON m’avaient posé une question de ce type lors d’une interview. J’avais ramené à l’ordre du jour et comme priorité pour l’ensemble des acteurs culturels et les partenaires, la nécessité de voter la loi sur le mécénat culturel en précisant que j’avais déjà évoqué la même question comme la condition sine qua non à l’épanouissement des acteurs du monde culturel en 2010. Un ministre que je ne voudrais pas nommer m’a certainement lu et au lieu d’associer les bonnes personnes à défaut de solliciter des expertises sur le sujet, il est allé nous sortir un truc de « fonds de bonification » qui a fait l’ombre de lui-même tout le temps où il a été à la tête de ce ministère. Conséquence il est resté pendant 18 mois dans l’anonymat avant d’être débarqué comme un inconnu. Mais comme la politique reste ce qu’elle est, le réseautage fera de lui un super conseiller à la culture du Président pour perdurer dans l’ignorance culturelle. Pour revenir, permettez-moi de vous dire que nos politiques n’ont pas besoin de nos propositions. Sinon, en 2012 sous la houlette de l’association Oladé Tourisculture du Bénin dont j’étais le Président à l’époque, nous avons rédigé un document de plaidoyer intitulé « Redorons le blason de la culture béninoise ».

L’intention de ce projet est d’apporter la contribution intellectuelle dont nous sommes capables à la renaissance et au rayonnement de la culture de notre pays. Nous avons donc conçu un document de plaidoyer en recueillant les avis de personnes ressources de chaque secteur concerné par le projet. Les fondements de ce projet essentiels consistent à répertorier les problèmes qui minent chaque secteur de notre culture, de leur proposer les solutions convenables et d’établir des priorités d’actions concrètes pour redorer son blason. Je précise que pour l’édition de ce projet, six rubriques de la culture étaient concernées : le Théâtre, le Cinéma, la Danse, l’art plastique, la Musique, le Patrimoine et la littérature. Le gouvernement de l’époque était incapable de se faire représenter à la cérémonie de restitution de ce projet. Ce qui ne nous a pas empêché d’offrir gratuitement et à nos frais 100 exemplaires de ce document au ministère de la culture et à travers lui les directions culturelles décentralisées dans tout le pays ainsi qu’aux corps diplomatiques intervenant dans le secteur. A l’arrivée du nouveau régime actuel, j’ai fait envoyer ce document à notre ministre de la culture qui n’a pas fait mouche. Je ne me vois donc plus perdre mon temps à faire des propositions qui tombent dans l’oreille des sourds. Permettez-moi de le dire avec une vulgarité mais les gars ont d’autres priorités autres que l’essor de la culture. Sauf que dans notre situation socio politique, je puis vous dire que ce n’est pas le port autonome de Cotonou encore moins le pétrole que nous n’avons même pas qui développera le pays. Le développement du Bénin se trouve dans son trésor qui est son patrimoine.

 

BL : Je vois que la culture vous passionne si bien au regard de votre façon d’en parler. Pour vous, c’est quoi le profil idéal d’un Ministre de la Culture d’un pays comme le nôtre ?

 

EPD : Un ministre de la culture qui n’a jamais été metteur en scène, n’a jamais été non plus comédien, ne sait pas écrire une pièce de théâtre ni une nouvelle, ne sait pas que pour monter sur scène le comédien doit connaitre les préliminaires : côté jardin, côté cour n’est qu’un décor dont se sert le politique. Un ministre qui ne sait pas qu’avec ses 07 troncs qui le sortent de l’ordinaire, Okpèoliéwomédjè un palmier du village de Miniki est vénéré depuis 70 ans et que les mamelles jumelles de Kpataba à Savalou émerveillent bien les touristes aussi que les merveilles du monde, un ministre qui ne sait pas qu’à Porto-Novo au palais, c’est la vielle tante qui s’occupe de toutes les cérémonies et rituels et que cette dernière est choisie par le Fä et non le roi ne saurait imaginer des politiques de valorisation culturelle. Qu’attendriez-vous d’un ministre qui ne sait pas qu’à Minifi un arrondissement de Dassa, il y a une richesse naturelle qui mérite valorisation appelée le « lion couché » de Minifi. Comment voulez-vous que de son bureau un Ministre qui ignore qu’annuellement à Savè il y a une cérémonie dénommée OKE SAVE est organisée par le Roi pour purifier le peuple et que pendant cette cérémonie un bœuf est immolé sur la colline et doit être consommé sur la colline. Rien ne doit être consommé hors de la colline, sous peine de punition mystique. Seul le nago est parlé au cours de la cérémonie. Comment un ministre qui ne sait pas qu’à Bohicon nous avons un site touristique dénommé AGONGOUINTO, qui ne sait pas que le royaume de Niki est un royaume particulier dans lequel le premier ministre ne voit le roi qu’à sa mort, qui ne sait pas qu’à Kétou nous avons un site qui attire beaucoup de convoitise du nom de Aïtan-Nla, le tas d’ordures, qu’à Ouidah en dehors du centre de python, il y a le Zingbin qui trône depuis 200 ans au milieu du temple des pythons. Que font les différents ministres pour valoriser ce site sur pilotis depuis 1717 que les touristes appellent affectueusement la Venise d’Afrique située à Ganvié ? Quel résultat peut-on attendre d’un ministre qui ne connait pas les différents rythmes du Bénin ni les mécanismes et les contours d’une diplomatie culturelle ? Vous comprenez ma conception de ce que devrait être un Ministre de la culture. Les politicards bon teints me diront qu’on n’a pas besoin d’être commerçant avant d’être Ministre du commerce, je leur réponds d’avance que dans les pays qui se respectent, un ministre des finances est obligatoirement un financier…

Un ami journaliste m’a raconté que lors des tournées ministérielles à l’intérieur du pays ou dans les structures déconcentrées, lorsqu’une question est adressée à un ministre issu du domaine, il répond directement. Par contre, le ministre parachuté fait toujours appel à un chef service ou un directeur technique. Autrement dit, l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. A une certaine époque, il avait été demandé à des danseurs du ballet national ayant fait une tournée de plusieurs mois à l’étranger de présenter des diplômes avant de recevoir leurs cachets. Ces administrateurs qui réclamaient les diplômes ont plus considéré la consistance des montants que devraient percevoir ces artistes qu’autre chose et avaient donc estimé que pour de tels montants, il fallait présenter un diplôme. Aberrant, dans le sens où en ce moment-là, il n’y avait pas de conservatoires ou de centres de formations qui délivraient de diplômes de fin de formation pour les danses traditionnelles de chez nous.

BL : S’il vous était demandé de résumer l’avenir en un mot, que répondriez-vous ?

EPD : Prometteur !

BL : A quoi vous consacrez-vous en dehors de la littérature ?

EPD : En dehors de la littérature, je suis un Musicologue doctorant, musiques populaires et contemporaines à la faculté des Lettres, sciences et Arts de l’université d’Aix Marseille et au sein du laboratoire PRISM, entendre Perception, Représentation, Images, Son et Musique.

BL : Votre artiste préféré serait GBEZE. Que vous inspire-t-il ? La musique traditionnelle, que peut-elle apporter à la littérature écrite d’expression française au 21ème siècle?

EPD : En termes de musique je suis plutôt éclectique mais j’ai un penchant naturel pour les musiques traditionnelles. Quand j’écoute une chanson, j’aime l’entendre lumineuse, radiophonique. J’attends de la musique qu’elle soit plus enjouée, qu’elle me donne un ton naz et un air happy. J’ai toujours un plaisir à écouter les chansons positives et c’est ce que m’apportent les morceaux de l’artiste GBEZE. C’est pareil pour les livres que j’aime lire et ce que j’écris. Toute musique part d’une composition que ce soient les sonorités ou les paroles et tout livre part d’une écriture d’un manuscrit. Vous voyez bien ou je veux en venir.

BL : Vous avez certainement des projets…

EPD : Il parait que pour les réaliser, il ne faut pas en parler. Tous ceux qui nous lisent ne sont pas de la même intention positive que nous donc pour savoir mes actualités, il faut juste me suivre sur ma page Facebook « Les livres de Ezin Pierre DOGNON… »

BL : C’est quoi votre leitmotiv ?

EPD : Réussir la où tout le monde pense que c’est impossible ! C’est ma seule motivation. Je me remets perpétuellement en cause. Je suis mon propre reflet donc je suis toujours en combat avec moi-même. Il faut dire que je suis un perfectionniste donc je me suis créé un adversaire qui est la réussite.

BL : Votre mot de la fin

EPD : Je vous laisse la moitié de mes pensées, ce qui vous oblige à revenir m’interroger une autre fois. Si je vous donne mon mot de fin aujourd’hui, cela pourrait sous-entendre que je vais m’éteindre dans les heures à suivre. Et comme ce n’est pas le cas, je vous laisse donc repartir avec la moitié de mes pensées…

Avant de clore cette passionnante interview, s’ils peuvent me lire, j’ai envie de dire à nos dirigeants de motiver les jeunes béninois à s’investir dans la vie associative outre l’animation de la vie politique et aux jeunes je demanderai d’œuvrer dans les associations. C’est la clé de la réussite. Je pense qu’encourager les jeunes à militer dans les associations de développement à la base serait une bonne politique. Cet engagement dans la vie associative pourrait remplacer le service militaire d’intérêt national qui ne s’organise plus. La réflexion dans ce sens pourrait être menée de sorte à permettre aux militants des associations de gagner des points auprès des employeurs et même d’être privilégiés lors du recrutement dans la fonction publique si en plus il y avait le mérite de qualification universitaire.

  1. Une marche certaine vers une nouvelle approche de la gestion des arts et de la culture! Nous y arriverons !!!! Merci mon frère Pierre !!!

    • Nous y arriverons absolument, Monsieur Toton Patrice. Heureux de vous lire sur notre blog. Nous espérons vous lire davantage ici, chez vous, sur ce blog vôtre où vous vous livrerez à cœur ouvert. Vive la culture via Katoulati

  2. Tout à fait d’accord avec lui. C’est le meilleur tout simplement. « Maintenant, je puis vous dire que pour moi et ceci m’engage, le meilleur auteur béninois de tous les temps est un auteur dont l’œuvre que je vais citer date d’avant la période révolutionnaire. Cette œuvre a été éditée pour la première fois 😍en 1960, juste après les indépendances mais a traversé le temps et restera encore dans le temps. Il s’agit de l’ouvrage « Un Piège Sans Fin » d’Olympe Bhêly Quenum. »

    Je remercie ceux qui sont derrière ce blog

  3. …s’ils peuvent me lire, j’ai envie de dire à nos dirigeants de motiver les jeunes béninois à s’investir dans la vie associative outre l’animation de la vie politique et aux jeunes je demanderai d’œuvrer dans les associations. C’est la clé de la réussite. Je pense qu’encourager les jeunes à militer dans les associations de développement à la base serait une bonne politique.

    Merci frère!

    • Salut, Rosine KEDEDJI ! Quelle joie de vous lire! JE crois que le premier travail incombe à la jeunesse qui doit prendre conscience que le pays compte sur elle, et pour cela, se mettre au travail pour s’aguerrir afin d’affronter les défis de l’avenir. Les gouvernants auront beau injecter des milliards dans la jeunesse, cela n’aboutira à rien tant que la jeunesse ne sera pas sensible aux questions de développement et du respect du Bien Commun.

  4. « Un ministre de la culture qui n’a jamais été metteur en scène, n’a jamais été non plus comédien, ne sait pas écrire une pièce de théâtre ni une nouvelle, ne sait pas que pour monter sur scène le comédien doit connaitre les préliminaires : côté jardin, côté cour n’est qu’un décor dont se sert le politique. Un ministre qui ne sait pas qu’avec ses 07 troncs qui le sortent de l’ordinaire, Okpèoliéwomédjè un palmier du village de Miniki est vénéré depuis 70 ans et que les mamelles jumelles de Kpataba à Savalou émerveillent bien les touristes aussi que les merveilles du monde, un ministre qui ne sait pas qu’à Porto-Novo au palais, c’est la vielle tante qui s’occupe de toutes les cérémonies et rituels et que cette dernière est choisie par le Fä et non le roi ne saurait imaginer des politiques de valorisation culturelle. Qu’attendriez-vous d’un ministre qui ne sait pas qu’à Minifi un arrondissement de Dassa, il y a une richesse naturelle qui mérite valorisation appelée le « lion couché » de Minifi. Comment voulez-vous que de son bureau un Ministre qui ignore qu’annuellement à Savè il y a une cérémonie dénommée OKE SAVE est organisée par le Roi pour purifier le peuple et que pendant cette cérémonie un bœuf est immolé sur la colline et doit être consommé sur la colline. Rien ne doit être consommé hors de la colline, sous peine de punition mystique. Seul le nago est parlé au cours de la cérémonie. Comment un ministre qui ne sait pas qu’à Bohicon nous avons un site touristique dénommé AGONGOUINTO, qui ne sait pas que le royaume de Niki est un royaume particulier dans lequel le premier ministre ne voit le roi qu’à sa mort, qui ne sait pas qu’à Kétou nous avons un site qui attire beaucoup de convoitise du nom de Aïtan-Nla, le tas d’ordures, qu’à Ouidah en dehors du centre de python, il y a le Zingbin qui trône depuis 200 ans au milieu du temple des pythons. Que font les différents ministres pour valoriser ce site sur pilotis depuis 1717 que les touristes appellent affectueusement la Venise d’Afrique située à Ganvié ? Quel résultat peut-on attendre d’un ministre qui ne connait pas les différents rythmes du Bénin ni les mécanismes et les contours d’une diplomatie culturelle ? Vous comprenez ma conception de ce que devrait être un Ministre de la culture. Les politicards bon teints me diront qu’on n’a pas besoin d’être commerçant avant d’être Ministre du commerce, je leur réponds d’avance que dans les pays qui se respectent, un ministre des finances est obligatoirement un financier… »
    Je partage entièrement ! Tout vrai, bonne logique à appliquer. Très belle interview vraiment passionnant. Les bonnes questions ont été posées.

    • Certainement, Monsieur Alain. Mais la question, la véritable, qui se veut en même temps un défi, c’est : « que fais-je, moi jeune, pour correspondre à ce profil. En suis-je tout au moins conscient?  » De toute évidence, ce qui est dit-là est universel et valable pour tous les pays. Travaillons à rendre notre pays plus fort

  5. Je crois que ce MR a dit haut ce que nous pensons tous mais que nous n’osons pas dire dans le contexte actuel du pays. Je partage ces avis et tombe sur le charme. Je remercie l’équipe de ce blog « Avant de clore cette passionnante interview, s’ils peuvent me lire, j’ai envie de dire à nos dirigeants de motiver les jeunes béninois à s’investir dans la vie associative outre l’animation de la vie politique et aux jeunes je demanderai d’œuvrer dans les associations. C’est la clé de la réussite. Je pense qu’encourager les jeunes à militer dans les associations de développement à la base serait une bonne politique. Cet engagement dans la vie associative pourrait remplacer le service militaire d’intérêt national qui ne s’organise plus. »

    • D’accord avec vous Monsieur Joel, mais il faut que cette jeunesse prouve qu’elle a des ambitions nobles et qu’elle mérite d’être soutenue.

  6. « Béninois un jour, béninois pour toujours. Fier d’être béninois oui. Comme on ne choisit pas ses parents, c’est ainsi qu’on ne peut choisir son pays d’origine…J’aime à souvent dire que quand on n’a pas le choix, on ne choisit pas. Le Bénin reste ce qu’il est et ce qu’il a été. Certains hommes politiques tentent de dénaturer le sacré mais le sacré qu’est le pays résiste et résistera parce qu’il y a une génération de jeunes conscients qui veillent à ce que nous ont laissé les rois Béhanzin, Glèlè, Toffa et autres ne soit pas profané. »

    • Chère Chantale, ce qui nous tue, c’est ce brin de patriotisme. Le Bénin, c’est notre maison commune, et il n’y a que nous qui la rendrons belle. Tous fiers d’être d’ici, car Ici c’est le Bénin.

  7. Un résumé malheureux de la gestion de notre culture. La jeunesse béninoise doit prendre conscience du fait que les politiques ne pensent qu’à leur intérêt et se lever très tôt pour assurer la relève. Merci Ezin Pierre DOGNON pour ton engagement continue