« Une fourmi noire, sur la pierre noire, dans la nuit noire, seul Dieu peut la voir ! »


BL : Nous vous remercions d’emblée pour avoir accepté être interviewé malgré vos multiples occupations. Veuillez vous présenter s’il vous plait.

IEA : Merci chers amis de Biscottes littéraires. Je suis béninois et fier de l’être. Mon nom est EZIN ALOFAN et je me prénomme Innocent Péguy. Juriste de formation, je suis aussi titulaire d’un Master en Finance-Comptabilité et en Audit de profession. J’ai été d’abord Enseignant de Comptabilité et de Mathématiques financières, puis Coordonnateur d’ONG pendant deux décennies, Animateur-Formateur, Planificateur et Gestionnaire de projets de développement communautaire. Consultant junior et sénior de plusieurs projets du Système des Nations-Unies, etc…

BL : Homme de lettres, ami des mots, puisque vous êtes aussi juriste de formation, amoureux du livre, à quand remonte le début de votre passion pour la littérature ?

IEA : Homme des lettres ? Non ! Je pense avec toute la modestie requise, que c’est plus que ça. Je dirais plutôt que je suis un homme culturel polyvalent. Dans ma première quinzaine ou vingtaine d’années de vie, j’ai été percussionniste de plusieurs tams-tams de danses folkloriques et de fétiches, et même compositeur-chanteur de Tôba-Hanyé, conteur traditionnel aussi, chez moi à Tchogodo dans la Commune de Savalou. C’est dans cette même séquence de ma vie que, grâce à la promotion culturelle et artistique de la période révolutionnaire de notre pays, j’ai été vite détecté par l’un de mes professeurs comme jeune compositeur de sketchs et metteur en scène. Tout est parti de là !

Alors, j’ai commencé par écrire et mettre en scène des pièces de théâtre jouées par mes amis élèves. Puis, lorsque j’étais devenu enseignant ce bourgeon littéraire s’était développé et a produit différents fruits. Ainsi, du théâtre, je suis passé à la poésie, au roman, à la nouvelle, au scénario et même à l’essai. Mais, il y a une logique disciplinaire dans cette évolution : la recherche et la formation. Et j’ai commencé par écrire sérieusement et à rêver de devenir écrivain dans les années 80.

BL : Et quelles sont les sources de votre muse ?

IEA : Ma vie de tous les jours, mes passés et  mes espoirs, m’inspirent en premier. Ensuite, la vie quotidienne autour de moi : le mariage, la naissance, le décès, la réjouissance, la joie et la peine des hommes et des femmes, etc.

BL : Vous êtes auteur de plusieurs ouvrages. De quoi parlent-ils réellement ?

IEA : Effectivement, j’ai écrit plusieurs ouvrages. J’ai édité mon premier recueil de poèmes « Le sucre amer » en 1998, à compte d’auteur, au Bénin. Ce recueil résume l’amertume du poète vis-à-vis de la déchéance sociale, économique et politique de son temps.

Mon premier roman « Le procès de l’infanticide » est paru en 2005, aux éditions du Flamboyant au Bénin. L’auteur décrit ici, la vie d’une fillette nouveau-née accusée de sorcellerie et rescapée de l’élimination physique. Ensuite, mon premier recueil de nouvelles « Le viol de l’éducation » est paru en 2005 aux éditions Bénévent en France, une maison d’édition fermée pour faillite et juste à la publication de mon recueil qui contient huit nouvelles pathétiques. Mais, c’est en 2018 que j’ai été vraiment plus prolifique en matière de publication d’ouvrages.

Sept livres au total, en papier et en numérique publiés sur Amazon, dont deux Romans : « Comment Tina, devient enfant sorcière ?« , qui parle d’une nouveau-née accusée d’être sorcière et donc responsable de la mort en couche de sa mère ; et  « Pourquoi la guerre ? La vie d’un réfugié » !,  qui raconte la naissance, la vie et l’aventure tumultueuse d’un enfant-sorcier car né un vendredi, jour-totem.

J’ai publié deux recueils de nouvelles : la première « Son destin était trop fort ! » Tome 1, qui raconte quatre intrigues pathétiques. Il s’agit ici d’une élève violée par son professeur et qui en est devenue folle à vie. L’œuvre évoque aussi la vie socioprofessionnelle des enseignants et leur grève meurtrière, celle d’un étudiant interné qui s’évade du couvent de vodoun ; puis, l’histoire insolite d’un voleur qui se transforme en sauveur de sa victime.

Le deuxième recueil de nouvelles est « La déesse de la mer » Tome 2, qui raconte quatre histoires stupéfiantes : la plus belle fille du village qui disparaît sept jours après son mariage en pompe, serait la déesse venue de la mer ; une fille dépravée découvre la veille de son mariage qu’elle est séropositive ; la mort en couche d’une mère assistée par une femme-sage ; puis, le mariage traditionnel par kidnapping et ses conséquences.

J’ai produit un recueil de poèmes : « Cris des esclaves sans vie« , qui aborde comme thèmes l’Afrique et la Patrie ; la Vie, l’Amour et la Jeunesse ; puis l’état du Poète, de la Justice et de la Paix ; une Pièce de théâtre : « Mystère ! Comment Dieu, devient diable ?« , qui dénonce le comportement sacrilège de certaines personnes dites hommes de Dieu, qui déshabillent le cadavre et porte son costume ; et enfin, un Essai : « Quelles bonnes réponses aux questions de couple ?« , qui met à la disposition de mes lecteurs, mes expériences et mes conseils de vie de couple. Il y a bien d’autres ouvrages inédits, en cours de finition.

 

BL : Quelles sont vos impressions sur la promotion de la culture béninoise ? Est-elle bien promue ? Qu’est-ce qui manque véritablement pour un réel succès dans ce domaine ?

IEA : Sourire… C’est une question à trois queues ! Mais, je réponds globalement. En réalité, pour moi, jusqu’à ce jour, il n’y a jamais eu une réelle promotion de la culture béninoise. En effet, par « promotion de la culture béninoise », j’entends mon frère ou ma sœur qui vit sur le territoire béninois, dans un village, un hameau ou une ferme, pauvre ou sale, et qui est piqué par le virus de l’art et/ou de la culture; il faut qu’il soit vite détecté, formé, appuyé et promu afin de révéler son village, son hameau ou sa ferme, puis sa commune, son département et son pays ! Cela ne devrait pas se faire selon la tête du client. On ne devrait non plus faire semblant d’appuyer et de récupérer celui qui s’est déjà auto-révélé par ses efforts personnels !

Peut-être, les autorités actuelles promettent de changer positivement la tendance. Mais, je suis sceptique et formel. J’attends de voir. Puisque je me sens toujours victime d’exclusion, hier comme aujourd’hui à l’heure de la rupture et du nouveau départ ! Je sais de quoi de je parle et je peux me tromper. Qu’on me le démontre, alors !…

Je suis membre de l’Association des Ecrivains et Gens de Lettres du Bénin (AEGLB) depuis des décennies. Je suis de la promotion de beaucoup de grandes figures de l’art et de culture au Bénin et qui me connaissent, avec toute la modestie requise, comme un artiste et un écrivain. Je pourrais citer en exemple des amis comme Guy Ossito MIDIOHOUAN, Edgar Okiki ZINSOU, Dénis AVIMADJESSI, Henri HESSOU, Romuald BINAZON, Florent COUAO-ZOTTI et autres encore. Malgré tout, j’ai comme le sentiment que les structures chargées de nous appuyer telles que FAC ou DFAC, semblent m’ignorer avec toutes mes demandes à elles adressées.

 

BL : Vous est-il si facile de passer du roman à la nouvelle en passant par le théâtre et l’essai?

IEA : Je crois que j’ai une chance formidable d’être né polyvalent. Même pendants mes études, j’avais l’embarras de choix de la filière à embrasser. Des mathématiques en passant par le français et l’anglais jusqu’aux autres matières, je me sentais presque chez moi. En plus, je lis beaucoup et tous les ouvrages, de tout domaine qui tombent dans ma main. C’est pourquoi, il me semble, je sais la façon d’aborder chaque genre. Même si je ne prétends pas mieux les approcher.

BL : Comment l’expliquez-vous, vous-même le fait que vous ne soyez pas très connu au Bénin?

IEA : C’est simple, je ne suis pas riche. Et ensuite, je m’étais beaucoup plus consacré à mes activités professionnelles d’Enseignant, d’ONG et de Projets, qui me prenaient tout mon temps. N’eussent été ma perspicacité et mon engagement, j’aurais abandonné ma plume depuis fort longtemps. Ce n’est qu’en 2011 après avoir pris ma retraite, que je me suis totalement et uniquement consacré à l’Art et à la Culture.

BL : Vous êtes bien présent sur Amazon. Quelle conclusion tirez-vous de la vente en ligne et de la vente ordinaire de vos livres?

IEA : Oui c’est vrai, j’ai choisi depuis 2018 de publié sur Amazon après plusieurs analyses. D’abord, la publication Kindle Direct Publishing (KDP) est libre et démocratique, ainsi que la vente en ligne qui me permet de savoir en temps réel, toute la situation de mes livres avec leur publicité collective. Ensuite, c’est à un coût très réduit ; et enfin je conserve tous mes droits d’auteur. Le seul inconvénient, pour un auteur comme moi qui n’est pas connu ou populaire, c’est qu’il me revient de faire une campagne offensive de ma personne et de mes ouvrages ! Si cela prend, même un livre vendu en ligne peut être une mine d’or. Vous imaginez ? Mais, il faut surtout s’assurer d’abord qu’il ne s’agit pas d’une arnaque.

Mais dans les librairies traditionnelles, non seulement tu n’auras jamais le point de tes ventes qu’en t’approchant de ces librairies et de plus, aucune publicité spécifique des auteurs n’est envisagée ni encouragée par ces libraires. D’autre part, certains libraires vous grugent par la disparition de certains exemplaires ou par la non reddition des comptes, ou pire encore par la fermeture et disparition du gérant.

BL : Vos livres sont tous été édités chez « Cauris d’Afrique ». Parlez-nous un peu de cette maison d’édition.

IEA : Effectivement, Les Editions « Cauris d’Afrique » est le nom du Volet Edition des activités de l’Association Culturelle de Recherche, d’Etude et de Promotion Artistiques, Sociologiques et Culturelles (AC-REPASC), dont je suis le Fondateur et le Président en exercice. Ce volet d’Edition de l’AC-REPASC peut publier non seulement ses ouvrages et ceux de ses membres, mais également toute personne qui le désire et dont l’œuvre respecte les critères de sélection.

 

BL : La problématique de l’enfant au cœur de vos livres, demeure une préoccupation prédominante. Pourquoi un tel choix ?

IEA : Ecoutez ! Vous venez de toucher le nerf sensible ou moteur qui m’a poussé précocement dans l’art et la culture, et qui m’y maintient à ce jour : L’enfance malheureuse ! J’ai vécu une enfance malheureuse, personnellement et socialement. Selon le témoignage de ma défunte mère, bon repos à son âme, j’aurais été rescapé de l’infanticide dont je garderais à ce jour des séquelles indélébiles. Je suis handicapé à vie du pied droit. Cet état m’a fait vivre jusqu’à la seconde où je formule cette phrase, un sentiment de rejet, d’homme incomplet. Mais, je lutte à cette même seconde de ne jamais baisser les bras et d’ignorer, comme à mes habitudes, l’environnement hostile. Donc, c’est spontanément et de façon naturelle que j’aborde ces thèmes relatifs à la situation de l’enfant, surtout de l’enfant vulnérable.

BL : Comment avez-vous fait pour que vos livres soient traduits en plus d’une dizaine de livres?

IEA : Je pense que vous voulez dire, comment mes livres sont traduits en plus d’une dizaine de langues ? Ce n’est pas mon effort personnel. C’est le dispositif de publication KDP sur Amazon qui favorise la traduction en 14 langues au moins, parce que Amazon a des succursales partout dans le monde, en Occident et en Europe, etc.

BL : Comment le livre béninois se porte-t-il à Parakou ?

IEA : Malheureusement, le livre à Parakou ne peut qu’être à l’image des auteurs vivants à Parakou ! En tout cas, en ce qui me concerne depuis plus de 20 ans que je vis ici, je me sens oublié et même rejeté ! Comme se plaignent également les autres artistes chanteurs, comédiens, etc. vivant dans le septentrion en général. Nous sommes coupés du reste du Bénin et avec nos œuvres, le livre compris.

 

 

BL : Intéressons-nous davantage à votre dernier livre: « Son destin était trop fort ». Que véhiculez-vous à travers ce titre?

IEA : Au fait, ce n’est pas mon dernier livre paru. C’est plutôt mon deuxième recueil de nouvelles, et le Tome 1 d’une série. Ce recueil de nouvelles est intitulé: « Son destin était trop fort !« . Il raconte quatre intrigues pathétiques : une élève violée par son professeur et qui en est devenue folle à vie ; la vie socioprofessionnelle des enseignants et leur grève meurtrière ; un étudiant interné qui s’évade du couvent de vodoun ; puis, l’histoire insolite d’un voleur qui se transforme en sauveur de sa victime. Vous savez, même si un homme est assassiné et qu’après sa mort son assassin est démasqué, son destin est trop fort ! N’est-ce pas ? Ainsi, le héros de chaque nouvelle dans ce recueil porte en lui, cette force de la destinée. D’où le titre « Son destin était trop fort !« .

BL : Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire un tel recueil?

IEA : Comme je viens de le dire précédemment, « une fourmi noire, sur la pierre noire, dans la nuit noire, seul Dieu peut la voir ! Chaque nouvelle dans ce recueil porte en lui, la force de la destinée, l’œuvre de Dieu. Je voudrais démontrer dans ce recueil la puissance cachée dans la destinée de chaque être vivant, par Dieu, et qu’on ne saurait impunément s’amuser avec le destin d’un homme.

BL : Êtes-vous satisfait de l’accueil que les lecteurs lui ont réservé?

IEA : Je crois que oui. Des premiers lecteurs qui l’ont lu, j’ai reçu quelques feedbacks encourageants. Mais, il reste une campagne publicitaire à faire autour de tous mes ouvrages afin de leur assurer une visibilité au Bénin et dans la sous-région. Je cherche d’ailleurs un financement à ce titre, même un prêt, pour commander une certaine quantité de mes livres et les mettre en dépôt dans les librairies locales et régionales qui en demandent déjà.

BL : Vous dénoncez l’avortement au moment même où des lois l’autorisent et des organismes l’encouragent. N’est-ce pas une perte d’énergie?

IEA : C’est vrai que je suis juriste et donc légaliste. Mais, j’ai une base culturelle et cultuelle qui ne m’autorise pas à accepter la suppression d’une vie humaine, quelle que soit la forme ou la motivation qui la sous-tend ! Ce sera sans une autre forme de procès.

BL : Vous êtes aussi membre de « L’ASSOCIATION CULTURELLE AC-REPASC ». De quoi s’agit-il?

IEA : L’Association Culturelle de Recherche, d’Etude et de Promotion Artistiques, Sociologiques et Culturelles (AC-REPASC), dont je suis le Fondateur et le Président en exercice, est créée le 29 Avril 2016 et a comme activités principales :

1°) Recherche, Etude et Analyse sociologiques et culturelles ;

2°) Production, Création, Promotion et Diffusion d’œuvres audiovisuelles, théâtrales et cinématographiques ;

3°) Formation, Atelier et Conférence, Ecriture et Réalisation d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques ;

4°) Edition et Diffusion d’œuvres littéraires, de l’art et de la culture.

Voilà en résumé, l’AC-REPASC.

 

BL : Etes-vous marié? Si oui, comment arrivez-vous à transformer votre petite-famille à travers les livres que vous écrivez?

IEA : Oui, je suis marié depuis 1987 et père de cinq enfants. Vous savez, depuis que je me suis marié, ma première lectrice était toujours mon épouse, Félicia Akossiwa, née ADAVON. Et lorsque nos enfants ont pris de l’âge, mes premiers lecteurs sont mes enfants et leur mère, Félicia. Lorsque je rédige un synopsis d’un roman ou d’un film, c’est l’avis de Félicia que je consulte avant toute chose. Des fois, sous l’effet d’une forte inspiration nocturne, je la réveille et lui raconte l’histoire qu’elle me rappelle le lendemain autant qu’elle peut. A chaque fois, en lui racontant les intrigues, je suis plus inspiré et mieux organisé.

BL : Quels sont vos projets en cours ?

IEA : J’ai plusieurs projets pour cette année 2019, si Dieu me prête la santé et la vie. D’abord, j’ai écrit une dizaine de scénarios de films dont je souhaite tourner au moins cinq cette année. Ensuite, je souhaite avoir un financement ou un prêt pour commander mes sept livres brochés sur Amazon afin de les mettre en dépôt dans les librairies du Bénin, du Togo, du Niger et du Burkina qui en ont déjà formulé la demande, après mes campagnes de vulgarisation sur mes blogs. Enfin, si j’arrive à commander ces livres, je voudrais organiser une vente populaire dans les Bus, dans les Collèges et Universités.

 

BL : S’il vous était demandé de résumer la vie en une phrase, que répondriez-vous?

IEA : Sourire… Je vais peut-être vous surprendre. Je dirais simplement : « La vie est un théâtre et nous en sommes les comédiens ! »

BL : Avant de conclure cet entretien, nous aimerions nous intéresser à votre portrait chinois. Si Innocent EZIN ALOFAN était:

Un oiseau, ce serait?….

IEA : L’aigle

BL : Animal sauvage

IEA : Le lion

BL : Une saison

IEA : Pluvieuse

BL : Un fruit

IEA : Le citron

BL : Président

IEA : Nelson Mandela

BL : Un héros

IEA : Casus clé

BL : Genre littérale

IEA : Théâtre

BL : Une femme

IEA : mon épouse

BL : Un dictateur

IEA : Eyadema

BL : Un révolutionnaire

IEA : Mathieu KEREKOU

BL : Un repas

IEA : Igname pilée

BL : Une religion

IEA : Le christianisme

BL : Votre mot de la fin…

IEA : Je vous remercie sincèrement pour avoir porté votre choix sur ma modeste personne et surtout, sur mes ouvrages. Je souhaite que cette interview soit un déclic et un élément modificateur positif, pour ma carrière d’écrivain et que ses bons fruits jaillissent sur vous et vos activités. Je suis joignable au +229 97462290 / 60105147. Que Dieu exauce mes prières. Amen.

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