BL : Recevez nos civilités les plus distinguées, Monsieur LAYE. D’emblée, nous vous remercions pour avoir agrée nous accorder cet entretien. Veuillez bien vous présenter à nos amis lecteurs qui seront contents d’en savoir davantage sur vous.

LB: Je suis Barnabé LAYE né à Porto-Novo, médecin des hôpitaux, poète et romancier. Mon premier livre « Nostalgie des jours qui passent » a été publié en 1981. Longtemps, j’ai été médecin de jour et écrivain la nuit. J’ai mené de front les deux vocations. Aujourd’hui je me consacre uniquement à la littérature. J’ai exercé mon métier de médecin à l’Hôpital de La Pitié-Salpêtrière à Paris. Je suis un ancien élève du Collège Père AUPIAIS.

BL : Écrivain, est-ce par passion ou par vocation ou même par devoir ? Quelles sont vos muses ?

LB: Écrire, pour moi, est une nécessité qui répond au besoin de dire, d’exprimer mes sentiments, de me libérer de mes angoisses existentielles ainsi que ma compassion pour la souffrance ou la douleur des autres. Je crois que, sans cette compassion, je ne pourrais pas écrire certains de mes livres. L’Afrique est omniprésente, d’une façon ou d’une autre. En même temps, je crée un pont entre ma condition de Noir avec la condition des hommes et des femmes d’autres pays ou d’autres continents. En définitive, je voudrais que chacun se reconnaisse en moi, partageant la même humaine condition.

BL : Quel ouvrage béninois lu vous a le plus captivé et plu tant par les belles constructions que par l’originalité de la trame ?

LB: Je lis beaucoup les livres de mon ami Florent Couao-Zotti. C’est toujours un grand plaisir. Je ne suis pas un critique littéraire. Je laisse la magie des mots m’envahir, tout simplement.

BL : Comment arriviez- vous à gérer le tandem médecine-écriture ?

LB: J’ai eu beaucoup de bonheur dans mon métier à l’hôpital. Pour tout vous dire, j’avais l’impression qu’il y avait de la poésie dans ce que je faisais. J’écrivais régulièrement. Le destin s’est chargé d’ordonner les choses et les livres sont venus les uns après les autres. Aujourd’hui, je me consacre uniquement à la littérature. Je peux répondre aux invitations à participer à des festivals de poésie à travers le monde.

BL : Pour vous, qui peut-on appeler poète ?

LB: Ce sont les autres qui vous reconnaissent comme poète. La postérité aussi.

BL : Vous êtes auteur de plusieurs recueils de poèmes ayant des titres très accrocheurs tels ‘’Requiem pour un pays assassiné’’ et ‘’ Le crépuscule des métamorphoses’’. Quels messages ces recueils portent-ils?

LB:. Les titres de mes livres de poèmes collent à l’histoire que je raconte. C’est cela qui est important à savoir quand on me lit : je raconte une histoire.

« Requiem pour un pays assassiné » est un cri au plus noir de la douleur. C’est aussi un chant d’amour, un hymne, un cantique pour raviver la mémoire et célébrer une terre aujourd’hui meurtrie.

Comment rester sourd à ces mots jaillis de l’âme noire comme de purs sanglots ? »

C’est en ces termes que mon éditeur a présenté le livre. Que puis- je ajouter d’autre ? Que ce livre est traduit en Anglais, en Espagnol, en Arabe…

Pour Le crépuscule des métamorphoses, je vais citer le grand poète Michel Bénard (lauréat de l’Académie Française) qui  écrit dans sa préface : « Par les métamorphoses de la poésie, Barnabé LAYE reconstruit l’homme inachevé, l’homme stigmatisé par son histoire implacable et cruelle. A bien y réfléchir, la métamorphose est un long chemin de solitude ».

Voilà, tout est dit.

BL : Vous avez été invité à plusieurs salons du livre dont ceux de 2017 et 2018 à Paris, et à des festivals de poésie: quel intérêt tirez-vous de ces rencontres ?

LB: J’ai déjà participé à une vingtaine de festivals ou de salons du livre à travers le monde. C’est toujours une invitation qui prend en charge le voyage et le séjour. Partout, je suis Barnabé LAYE né au Bénin. Et c’est le Bénin qui est à l’honneur à travers ma poésie. Mais, dans mon pays,  qui se soucie de Barnabé LAYE ?…

BL : Plusieurs de vos ouvrages ont reçu des prix et distinctions et sont d’ailleurs traduits dans d’autres langues. Comment vous y prenez-vous pour être si bien coté ?

LB: Ce n’est pas une question de cote ni de magouille. Ce n’est pas comme cela que les choses fonctionnent. C’est un jury qui se réunit pour décerner les prix. En leur âme et conscience, les membres du jury donnent  le prix au livre le plus méritant. Voici plusieurs dizaines d’années que j’écris, que je travaille dans l’ombre et la discrétion et il n’est nullement question d’affairisme mais juste une question de qualité.

Chaque fois que je reçois un prix, c’est une surprise et une immense joie pour moi. Cela prouve que mon travail a été apprécié. Cela m’encourage à aller de l’avant.

BL : Avez-vous une cible de lecteurs dans vos écrits ? Si oui, laquelle ?

LB: J’écris pour aller à la rencontre des autres, hommes et femmes de toutes conditions et de tous pays.

BL : Êtes-vous toujours satisfait de l’accueil de vos ouvrages par le public ?

LB: Même s’il n’y a qu’un seul lecteur qui aime le livre et qui est touché par ce que j’ai écrit, mon devoir est accompli.

BL : Que pensez-vous de la littérature béninoise ? Est-elle assez connue de l’extérieur?

LB: J’ai l’impression que la jeunesse béninoise aime la littérature et qu’il y a de jeunes talents qui émergent.

BL : En auscultant l’univers du livre au Bénin par rapport à d’autres pays, quels sont vos constats ?

LB: Je ne suis pas assez compétent pour faire des comparaisons avec les autres pays africains. Il y a une telle diversité : ce qui est vrai au Cameroun ne l’est pas au Sénégal.

BL : Pour une meilleure promotion de la littérature béninoise, qu’est-ce qu’il urge de faire selon vous?

LB: Il faut que les pouvoirs publics s’intéressent au développement de la culture. A partir de là, les bonnes solutions et les bonnes volontés ne manqueront pas.

BL : Il est cru que publier en Europe est une meilleure astuce pour mieux se faire connaître. Partagez-vous la même opinion ?

LB: Publier en Europe n’est pas toujours facile. Il y a beaucoup de critères qui rentrent en ligne de compte. Cependant, un bon livre qui marche bien, peut rencontrer un plus large public.

BL : A cette période de la révolution des Tics, d’aucuns préfèrent lire à l’écran, d’autres continuent de préférer lire dans un livre ? Quelle est votre préférence et pourquoi ?

LB: Je préfère lire un livre. L’objet, le papier, le toucher quand on feuillette…c’est fantastique.

BL : Vous êtes poète et romancier. Ainsi, êtes-vous du même avis que l’écrivain poète et désormais romancier Daté Atavito BARNABE-AKAYI quand il affirme à la page 180 de son roman ‘’Errance chenille de mon cœur’’ que :  « Le roman est un truc pour ceux qui, la plupart du temps ne peuvent pas s’élever(…) C’est un genre dédié aux tarés qui ne peuvent pas déguster les poèmes. Le roman, ça n’a presque rien de relevant » ?

LB: Au premier abord, je suis très surpris par cette affirmation concernant le roman qui est le genre littéraire le plus pratiqué dans le monde. Le roman, genre multiforme, est lu par des milliards de personnes. Son histoire, depuis le 12ème siècle jusqu’à nos jours, atteste de sa vitalité et de son rôle dans la transmission de la culture universelle.

La poésie est un autre genre littéraire. On a le droit d’aimer l’un ou l’autre, ou d’aimer les deux.

BL : A la une du Monde (LE MONDE Le 16.10.2015 à 09h30 • Mis à jour le 16.10.2015 à 18h54) on lit ce qui suit :  » En Afrique, « on forme trop de philosophes, pas assez de soudeurs ou d’électriciens »

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/10/16/en-afrique-on-forme-trop-de-philosophes-pas-assez-de-soudeurs-ou-d-electriciens_4790753_3212.html

Que vous inspire une telle affirmation? Les philosophes et les hommes de lettres sont-ils inutiles dans le processus de développement de l’Afrique?

 LB: Il y a une nécessité à former des jeunes dans les lycées professionnels. Le besoin de techniciens dans les divers corps de métier : bâtiment, mécanique, infrastructures routières, etc. est manifeste dans la vie de tous les jours. Mais, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas d’hommes de lettres ou des philosophes en Afrique comme ailleurs.

BL : Le monde connaît de plus en plus de grandes mutations et révolutions dans tous les domaines: Tics, Intelligence artificielle, Économie numérique…. Avez-vous le sentiment que l’Afrique est assez outillée pour entrer dans ce mouvement?

LB: C’est le devoir des dirigeants africains d’entrer dans ce mouvement. Je constate que le gouvernement du Bénin a pris de bonnes options dans ce sens. Il faut l’encourager.

BL : L’Afrique à la croisée des chemins: esclavage, traite négrière, colonisation, migrations, phénomène des poupées sexuelles. Ne pensez-vous pas que René Dumont avait raison quand en 1962, il écrivait ceci :  » L’Afrique noire est mal partie« ?

LB: Il faut vivre au présent et regarder vers l’avenir. Certains se complaisent à ressasser le passé (esclavage, colonialisme…). C’est l’Histoire, notre Histoire. On ne change pas l’Histoire. L’avenir est merveilleux si nous travaillons pour le construire.

 « L’Afrique noire est mal partie« , cette phrase de René Dumont est aujourd’hui désuète. Il faut l’oublier. Il y a des pays africains qui avancent, qui se modernisent, qui prennent à bras le corps les enjeux du 21ème siècle. Ces pays-là doivent servir de modèle.

BL : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez étant écrivain ?

LB: Comme dans tout travail, les difficultés ne manquent pas. Tant qu’il y a des solutions, il n’y a plus de difficultés.

BL : Votre dernier ouvrage s’intitule « La Parole et le Feu« . Un retour aux origines du cosmos? Une relecture de l’histoire de l’humanité à la lumière de la Parole (Logos) et du Feu (dévastation et purification)? Qu’en est-il en réalité?

LB: Mon dernier ouvrage « La parole et le feu » est une anthologie de 416 pages sur l’ensemble de mon œuvre poétique. J’avais besoin de marquer une étape. Le titre correspond à ce que j’ai fait jusqu’à présent : dire la Parole, et à la manière dont je la dis, c’est-à dire, le feu au cœur.

BL : Quels sont vos projets en cours en littérature ?

LB: J’aimerais bien écrire un autre livre de poésie et après, plonger dans l’écriture d’un roman. C’est mon souhait.

BL : Vous avez peut-être eu un laps de temps pour parcourir le blog ‘’Biscottes Littéraires’’. Quel est votre avis sur ce blog ?

Le titre du blog me plaît bien. En le parcourant, j’ai un sentiment d’optimisme. Je sens que les choses bougent au Bénin et dans le bon sens.

BL : Votre mot de fin…

Je vous invite à venir m’écouter le 24 mai prochain.

© Biscottes Littéraires, Mai 2018

  1. Voilà ceux qui font rayonner notre pays au-delà de nos frontières.