BL: Bonjour Lorinda. Nos lecteurs sont curieux d’en savoir un peu plus

sur vous. Présentez-vous s’il vous plaît.

LG: Je voudrais d’entrée vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez de m’exprimer à travers ce blog. Je me nomme Lorinda GNACADJA. Je suis bibliothécaire, mariée et mère d’un grand garçon.

BL: Comment avez-vous rencontré la littérature ? Ou bien, est-ce plutôt elle qui vous a rencontrée?

LG: Ma rencontre avec la littérature s’est faite au travers du goût de la langue française. Certes, la fonction d’institutrice de ma mère me l’imposait mais ce goût a été fortement relevé par l’heureux destin d’avoir eu comme enseignants occasionnels au CM2, en plus de la directrice d’école, ses deux jumeaux étudiants à la faculté des lettres, à défaut d’un maître comme les autres classes. C’est le lieu de leur témoigner ma reconnaissance, où qu’ils soient, à Messieurs Franck et Raoul AGOSSOU pour avoir su me communiquer leur amour des belles lettres.

BL: La littérature, c’est aussi la lecture. Quel est l’avenir de cette dernière à cette ère des réseaux sociaux?

LG: La lecture demeure incontournable. Les réseaux sociaux ne sont qu’un autre moyen de la pratiquer. Le livre papier est délaissé pour les contraintes liées à son poids, à sa maniabilité et à sa durée dans le temps. Mais la connaissance a besoin d’être touchée du doigt, palpée et ressentie. Par ailleurs, aussi facilement que se téléchargent les données, tout aussi aisément se perdent-elles. Le livre papier reste une valeur sûre. Il a de l’avenir, j’en suis convaincue.

BL: On dit que les enfants ne lisent plus de nos jours, n’est-ce pas parce que nous ne leur en donnons pas l’opportunité?

LG: L’enfant prend exemple sur son entourage avant tout. Nous sommes tous accrochés aux TIC. L’enfant se dit que cela doit être plus intéressant que le livre. De plus, le livre pour lui est synonyme de devoir, d’études, de contraintes, de travail imposé à un âge où s’amuser est primordial. Il faut que l’enfant trouve ses loisirs et passions dans le livre et qu’il en fasse un outil quotidien. Nous devrions en tant qu’adultes donner l’exemple et encourager les enfants à fréquenter les bibliothèques.

BL: « Ab Imo Pectore », c’est votre premier livre. Quelle en est la genèse?

 

LG: Cela remonte à quelques années déjà cette envie de regrouper mes poèmes par thème et d’en faire un recueil. Les excuses ne manquaient pas pour reporter le travail. J’ai par la suite été encouragée par un ami qui a émis l’idée d’un recueil collectif.  J’ai trouvé intéressante l’idée de me fondre dans d’autres plumes pour une première publication. A la dernière minute, il s’est rétracte. J’avais déjà presque tout peaufiné. J’ai eu alors une opportunité de publication aux éditions du net, alors je me suis lancée.

BL: Le titre est en latin. Pourquoi ce choix?

LG: AB IMO PECTORE signifie «du fond du cœur». C’est l’une des premières expressions qui ont enrichi mon vocabulaire. Elle me définit assez bien et c’est ainsi que je voulais me présenter au public. Elle apparaît dans le poème «Temps» où le narrateur invite à vivre du fonds du cœur.

BL: Quels sont les thèmes que vous y abordez?

LG: L’amour, l’amitié, la mort, la vie, l’esprit NAPPY (NAtural and haPPY), la confiance, la fidélité, Dieu : voilà quelques sujets auxquels ont trait les poèmes du recueil.

BL: IL y a une charge de douleur et de souffrance qui se dégage du chapitre II de votre recueil, ce qui contraste avec le chapitre III par exemple où l’on se croit déjà au paradis. Qu’avez-vous voulu signifier vraiment?

LG: Le chapitre II est relatif aux relations amoureuses tandis que le chapitre III évoque les relations avec l’environnement et avec Dieu. La recherche de l’équilibre entre le «moi» et le «nous» dans les relations amoureuses peut donner cette charge de douleur et amener à des raisonnements absurdes comme dans «Amour Imparfait». On y trouve aussi du bonheur comme dans «La nuit» où le narrateur vit entre l’éveil et le sommeil une sorte d’idyle dans lequel il se veut mourir. Les réalités sociales ne sont pas toujours joyeuses non plus. Et comme je le dis dans «Changer» le monde n’est toujours pas plus rose.

BL: Dans « Amour imparfait », vous écrivez ceci:  » Il vaut mieux laisser/ Avant de se faire /délaisser. / Pardon d’avoir tout foutu à l’eau. Pour être vrai, c’était trop beau.  »

Sentiments de regrets et de mélancolie, ou bien résignation et dolorisme? Est-ce à dire que l’amour n’est que souffrance et amertume?

LG: Dans «Amour imparfait», le narrateur craint l’infidélité au point de s’y donner le premier pour avoir l’avantage de ne pas être abusé. C’est un texte écrit pour montrer jusqu’où peut conduire le manque de confiance en amour. La solution du narrateur est de rendre imparfait cet amour pour surseoir à cette crainte incessante. Or,  ce faisant, l’amour cesse d’être.

BL: Généralement l’écriture est sujette à certaines conditions. Dans quelles conditions vous êtes plus inspirée?

LG: Au contact du vent. C’est le moyen de me vider et laisser l’inspiration me parvenir.

BL: En dehors du chapitre II, tout le recueil est une invite à la joie, à l’amitié, à l’amour et même à la philanthropie. On pourrait dire que tout le livre est une hymne à l’optimisme voltairien « tout est bon dans le meilleur des mondes ». En témoigne d’ailleurs « Reconnaissance », le dernier poème du livre :

Pense à tout ce qu’ils ont sacrifié,

A tous ceux qui à toi se sont fiés.

Tu verras que s’il est tien ce bonheur,

C’est  que tu étais là à la bonne heure.

Mais au regarde de tout ce qui se passe de nos jours dans le monde, peut-on encore dire que l’existentialisme est un humanisme à ainsi que le pensait Jean Paul Sartre?

LG: Ce recueil s’adresse aux jeunes qui sont encore à la quête de la meilleure façon d’être et de faire. Alors,oui je me suis voulue optimiste. La pensée de Jean-Paul SARTRE a évidemment du mal à se justifier de nos jours au regard de tout ce qui se passe dans le monde.

BL: La poésie dans ce cas ne serait-elle pas une évasion du monde réel? Aura-t-on tort de penser alors que la poésie est comme un lénifiant, stupéfiant que s’administre le poète pour se rendre sourd à l’immense râle de l’humanité qui gémit et se tord de douleur?

LG: La poésie est sublimation avant tout. Celle moderne est richement diversifiée. Je pense que c’est la poésie qui choisit son poète. Celle qui me vient n’est pas de type évasif. Je ne fuis pas la réalité, aussi dure soit-elle. Je la dissèque et essaie de mettre à nu ses différents aspects.

BL: La poésie, c’est aussi l’engagement, la lutte pour l’affirmation et l’assomption de soi. La cause nègre est encore d’actualité. Que vous inspire la maltraitance des migrants africains en Libye?

LG: C’est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Les investigations sont en cours, je préfère ne pas devancer dans des conclusions.

BL: Comment arrivez-vous à harmoniser vie familiale, écriture et boulot?

 

 

LG: J’ai la chance d’avoir une vie familiale assez relaxe pour une mère de famille (sourire). Je le dois surtout à mon époux, Dr. Martial HOUNDEFANDAN. C’est le lieu de l’en remercier. Quant au travail à la bibliothèque, pour une amoureuse des livres, il n’y a pas meilleur endroit. Donc, à la maison comme au travail, l’écriture se fait aisément. J’essaie toujours d’avoir de quoi noter sur moi. L’odeur de l’encre sur le papier m’inspire et j’aime barrer plusieurs fois pour finalement écrire la même chose parce que sûre de ce que je voulais dire.

BL: Un mot sur la littérature béninoise. Ses faiblesses et ses atouts. Que préconisez-vous pour son mieux-être?

LG: La littérature béninoise est riche en ce sens qu’elle est axée sur la culture. Que ce soit des auteurs résidant au pays comme Florent COUAO-ZOTTI, Abdel-Hakim LALEYE ou de la diaspora comme Sophie ADONON, c’est un vrai voyage touristique auquel le lecteur est invité. La principale faiblesse que je lui connais est son insuffisance de médiatisation. L’ère des TIC est une réelle opportunité à saisir. C’est en cela que je suis ravie des initiatives de Carmen TOUDONOU notamment «Voyage Littéraire» que je suis régulièrement sur sa page facebook.

BL: Que pensez-vous de la littérature béninoise de la période révolutionnaire?

LG: La période révolutionnaire est antérieure à ma naissance. J’avoue ne pas m’être particulièrement intéressée à sa littérature.

BL: On parle de plus en plus de l’écriture inclusive, avec le refus chez certaines personnes d’enseigner par exemple que le féminin l’emporte sur le masculin féminin. Que pensez-vous de ces nouvelles théories?

LG: La langue et l’écriture ne sont qu’expressions de la conscience sociale. L’écriture inclusive dans l’idée de faire connaître le féminin autant que le masculin est la bienvenue. S’il est vrai qu’il n’y a pas de prédominance de genre, pour moi, il n’y a pas égalité non plus: les genres se complètent. Il faut dans une cellule, pour question de performance, que la fonction soit exercée par le plus apte. Mais ce n’est pas parce que l’un est plus apte à une fonction qu’il sera le seul à l’exercer. La routine étant aliénante, il faut échanger de temps en temps les rôles.

BL: Vous avez certainement des projets littéraires, puisque « Ab Imo pectore » n’est que le premier-né de toute une série à venir…

LG: Je m’intéresse à l’écriture en Fon. Cela m’inspire assez bien. C’est mon grand projet du moment.

BL: Si vous deviez résumer en un mot « Ab Imo pectore », que diriez-vous?

LG: Des poèmes modernes très libres qui traitent de sujets de jeunesse et d’esprit de vie.

BL: Votre mot de la fin

LG: Merci à Mireille DIMIGOU MEDALI qui m’a soufflé cette opportunité de publication. Merci à tous ceux qui ont œuvré à mes côtés. Le recueil est disponible sur le lien http://www.leseditionsdunet.com/product.php?id_product=5227

Merci encore à vous pour cet entretien.