BL: Bonjour Marielle M. DEGBOE. Grande est notre joie de vous recevoir sur notre blog. Nous commencerons cette interview par les présentations. Qui se cache derrière Marielle M DEGBOE?

MMD: Bonjour chers amis de Biscottes Littéraires. Derrière Marielle M. DEGBOE, se cache une jeune femme qui se retrouve bien dans ces propos de Albert Einstein : ‘’ Ne fais jamais rien contre ta conscience ; même si l’Etat te le demande’’.

BL: De votre Lobogo natal en terre Saxwè jusqu’aux sommets où vous ont hissée vos divers postes de responsabilités, le chemin a été rude et parsemé d’embûches. Qu’est-ce qu’une telle situation laisse-t-elle comme marque sur votre caractère et votre vie entière?

MMD: Les embûches ne sont étrangères à aucun parcours. D’autres choisissent juste de ne pas en faire cas, ou de les oublier, de faire comme si tout était venu du ciel. Et c’est un choix. Je n’ai aucune marque sur mon caractère. Je ne parlerai pas de marque, mais de caractère renforcé par la prière, l’anticipation, la méfiance et la rigueur.

BL: Est-ce finalement tout cela qui vous a orientée vers la vie associative et les projets pour la promotion de la femme? Si vous deviez résumer ce parcours, que diriez-vous au regard de toutes les luttes menées dans les divers groupes qui vous ont vue « militante » (l’ONG MAGNOLIA, la Section Béninoise du Réseau Ouest Africain des Jeunes Femmes Leaders (ROAJELF/Bénin, l’Organe Consultatif de la Jeunesse (OCJ) du Bénin, le Compendium de la compétence féminine/Mono)?

MMD: Non. Aucun lien. C’est plutôt le choix de la vie associative qui m’a fait rencontrer maintes difficultés, qui sont normales. C’est de l’ordre des choses. On ne devient pas meilleur en sortant de nulle part.

BL: Une question: « Etre femme en Afrique aujourd’hui, à quoi cela engage-t-il? »

MMD: « Etre femme en Afrique aujourd’hui » n’engage à rien de nouveau. Cela engage simplement à continuer de faire ce que nos mères faisaient mais en négociant un meilleur respect et un meilleur regard de la société sur l’être humain que nous sommes aussi.

BL: Doit-on en déduire que le défi d’être femme en Afrique dans le monde de ce temps, c’est de rivaliser avec les hommes pour leur arracher de force ce dont ils ont longtemps privé la gent féminine?

MMD: « Arracher de force« , est une expression trop forte. Nous ne faisons rien par la force. Nous revisitons ensemble l’histoire. Nous analysons ensemble avec les hommes « le pour et le contre », des situations, et ensemble nous trouvons les moyens de mieux nous traiter les uns les autres pour une meilleure dignité en tant qu’êtres humains.

BL: Vos combats d’épouse et de mère s’étendent aussi à l’épanouissement de la jeunesse. Et à cet effet, vous avez contribué à piloter des projets dans le domaine de la santé de la reproduction. Quel bilan faites-vous quand on sait que les méthodes de contraceptions telles que vulgarisées par les organisations internationales (avec leurs vues malthusianistes) sont loin d’être une panacée et que ce qu’il faut à l’Afrique, qu’on le veuille ou non, c’est encore des enfants, beaucoup d’enfants pour servir de main d’œuvre dans le processus de développement de notre continent?

MMD: Ce qu’il faut à l’Afrique, c’est beaucoup plus la qualité des enfants que la quantité. Je rêve d’une Afrique où tous les enfants sont instruits et dans de bonnes écoles avec des enseignants biens traités et hautement qualifiés. Je rêve d’une Afrique où on ne compte pas de mendiants dans les rues. Je rêve d’une Afrique où les étudiants arrivent à faire les études recherchées dans le marché de l’emploi et sont recrutés pour. Je rêve d’une Afrique où la promotion des produits locaux est spontanée d’un pays à un autre. Je rêve d’une Afrique où nos villes ne sont plus saturées du fait de la migration, mais plutôt du développement des infrastructures dans nos villages. Je rêve d’une meilleure qualité de vie de nos populations ; la quantité est peu importante pour moi…

 

 

BL: Vous venez de faire votre entrée dans l’univers littéraire béninois avec « EL-YA, une mission entamée »: Le titre serait-elle une parodie de « Mission terminée » de Mongo Béti?

MMD: Sourire, vous allez fort ! Quel intérêt de parodier un ouvrage d’une telle carrure littéraire ? Même s’il est sorti il y a 60 ans environ par l’écrivain Alexandre BIYIDI AWALA dont Mongo Béti n’était que le surnom ! La différence entre les deux œuvres littéraires est que l’une, « El-Ya« , est une autobiographie propre de l’auteure, et l’autre, « Mission terminée »,  un récit se rapprochant de certains  faits de société assez récurrents dans une période donnée et particulièrement en Afrique: la colonisation, les ratés de la décolonisation. Mieux, mettant en exergue certaines pratiques traditionalistes, qui pouvaient limiter la fin d’une mission à un seul but. Dans le cas précis, une mission entamée interpelle toute une vie. Et ce n’est pas à la trentaine, lorsqu’on ne rivalise pas avec la vie de certains prophètes, que l’on termine sa mission. Ma mission vient juste de commencer ; rassurez-vous !

BL: Quelle est la genèse de cette œuvre?

MMD: Cette œuvre, sa genèse se retrouve dans son contenu. L’idée est venue des suites de ma participation à la première promotion « Jeunes Leaders du Bénin (JLB) » et de toutes les assises auxquelles je prends part. L’intention est d’oublier dans un livre mes expériences passées pour mieux réécrire celles à venir. Je n’ai pas l’impression de m’être souvenue de tout. Mieux, j’ai sollicité la collègue au personnage « Yihouin » qui a pensé qu’on pouvait aller au-delà de ma mémoire et interpeller mon géniteur de son vivant, ainsi que celui qui a partagé ces premières années de vie de couple avec moi. Puisque ce sont eux qui ont vu, vécu et subi à un moment T les affres de l’extérieur en interne à nos vies. Un instant donc, j’ai voulu faire porter mon histoire par quelqu’un d’autre, mais certains de mes mentors y compris le Préfacier Florent Couao Zotti, à qui je renouvelle mon admiration pour sa plume sans sourcils, ont suggéré, que : « l’histoire, la vôtre, se porte par vous-même, et non par qui ne l’a pas vécue. » Il m’a dit, ‘’Assume ton histoire, Marielle’’. C’est alors, que j’ai pris la décision de faire passer du « Elle » au « Je« . Et cela est devenu une expérience bien caféinée au-delà de mes attentes.

 

BL: « EL-YA, une mission entamée », est-il pour vous ce qu’était pour Hitler « Mein Kampf »? Et quelle mission lui assignez-vous, finalement.

MMD: Seul Hitler nous dira encore plus ce qu’était « Mein Kampf » pour lui… « El Ya » pour moi,  n’est pas dans des buts, dans l’éphéméride… Je mets dans « buts », faire des études, se marier, faire des enfants, être responsable d’organisation, avoir de quoi se déplacer, de quoi se vêtir et un toit où se loger. Car tout cela est ce qu’on attend de tout être humain. Sa mission est certainement bien plus. Pleurer au moment où tout le monde rit… Se préoccuper de l’après toute délivrance de quelque mission, aussi minime soit-elle. Beaucoup me disent que je ne vis pas… Je n’arrive pas à changer. Je rêve d’un monde où tous ceux qui m’entourent ne souffrent d’aucun. Est-ce qu’on peut l’avoir ? C’est pour cette raison que je ne vis pas…

BL: L’un des défis majeurs de notre jeunesse actuellement, c’est celui de la quête des repères sûrs et de l’assomption de notre identité culturelle. Et on sent que EL-YA, dans le livre, est en perpétuelle recherche de son être. Entre la jeunesse africaine et El -YA, il y a comme une symbiose. Dites-nous combien de temps durera cet exil identitaire si tant est que le personnage est en perpétuelle pérégrination.

MMD: El-ya n’est pas en perpétuelle recherche de son être. Mais El-Ya essaie de décrire comment l’être fonctionne au fond de lui-même. La partie profonde de l’être qui est cachée. Même si on ne finit pas de se connaitre. El-Ya sait toujours où elle va. Et lorsqu’elle ne s’y sent pas, elle ne s’y engage pas. C’est toute la différence. Nulle n’a la science infuse mais El-Ya a des idéaux propres à elle qui se résument en des valeurs qu’elle ne négocie pas même si tout humain a droit à de la flexibilité. Et en prenant le risque de cette description, cette autobiographie, ce n’est pas sans opportunités offertes sur le chemin. C’est une belle manière d’interpeller ses pairs à ne pas miser que sur l’apparence. Elle est trompeuse. El-Ya ne se cherche pas, El-Ya a appris à se connaitre mais n’occulte pas ses limites. Elle n’est pas extraordinaire, mais elle est juste Humaine. El-Ya n’a aucunement la prétention d’avoir décrit toutes ses expériences ! Qu’elle était à Moto en 2006 avec son petit ami d’entre temps et en véhicule en 2017  avec celui-là même qui est le père de ses enfants! El Ya ne dit pas qu’un jour peut-être, chacun prendra son chemin après une vie de couple intense et passionnée ! On ne le souhaite pas, mais rien n’est statique dans la vie ! Tout passe, seules les œuvres restent ! El Ya  non plus n’a pas dit que de 2008 à 2017… que le siège de l’ONG Magnolia est passé d’une baraque à un meilleur siège ! Et même des Sites agropastoraux…  Donc El-Ya, non, n’est pas un jeune qui a voulu mettre en avant ses prouesses, mais ses coins d’ombres qui auraient pu la conduire à abandonner sur le chemin! Malgré tout cela, OUI… Elle soutient avec certitude, n’être qu’en début de mission !

BL: Dans « EL-YA, une mission entamée », il y a le phonème « ya » (lu en fongbé) qui retient notre attention (sourire). « Ya » résonne souffrance, douleur. L’œuvre serait-elle un hommage à la souffrance, au dolorisme?

MMD: Faire l’apologie de la souffrance, du dolorisme ne révèle pas qui je suis. Je veux pouvoir minimiser tout ce qui arrive de négatif. Et c’est ce qui a été fait tout le temps si vous avez bien lu et perçu le message. Vous avez lu le phonème ‘’YA’’ dans la langue qui vous arrange. (Rires)… « El-Ya« est dérivé de « ELYAH » en hébreux qui signifie « Emmanuel » est en nous (Dieu est en nous) et « Eclat de soleil » en Grecque… C’est pour reconnaître à Dieu sa place dans nos vies d’Humains que « El-Ya » sera privé de son H. Alors, si vous y lisez la souffrance dans le phonème ‘’Ya’’ c’est certainement pour laisser entendre que le chemin de Dieu est celui qui nous conduit à la parole de Saint Jean nous rappelant ‘’ vous aurez des tribulations, mais prenez garde, j’ai vaincu le monde’’.  Et qui y trouve au même moment sa réponse : « après la pluie, le beau temps, après les tribulations, l’Eclat de soleil« . C’est le tout en UN .

Ce qui importe, ne sera pas les coups reçus ou donnés. Mais comment on  arrive à tenir malgré tous les coups de la vie !

 

BL: Quelle est, selon vous, « La part de spiritualité», dans la vie associative ou celle de tout défenseur d’une cause noble

MMD: La part de la spiritualité est celle la plus importante. Elle est la caractéristique même de l’essence du combat. On n’a jamais aucune force à soi tout seul. Toute la force est divine.

BL: Une certaine théorie croit que la jeunesse n’est pas encore prête à prendre son destin en main, qu’il suffit de voir la courbe affolante de la cybercriminalité et de la prostitution sous toutes ses formes chez nous. Quelle réaction une telle approche suscite-t-elle chez l’écrivaine que vous êtes?

MMD: Je dirai simplement que la cybercriminalité n’est qu’un des effets néfastes de la mauvaise utilisation des Technologies Nouvelles. Et la prostitution n’est pas un nouveau phénomène de société même si les pratiques deviennent de plus en plus dangereuses pour toute la société.

BL: Comment arrivez-vous à coordonner toutes vos activités avec votre rôle d’épouse et de mère?

MMD: Je n’ai aucun mérite. J’y arrive avec des concessions dans ma vie de couple. Non sans prix payés. Mais les plus conciliants, sont mes enfants.

BL: Sur le blog « S’UNIR POUR IMPACTER, vous répondiez ceci à Sara BAH SALIFOU: « J’ai vu la misère, j’ai vu des parents défier la misère. J’ai vu la modestie. J’ai côtoyé l’aisance.  Et je sais faire la part de ces trois choses. » En quoi votre vie se résume finalement?

MMD: A la modestie.

 

BL: Vous avez certainement d’autres projets

MMD: Que vous découvrirez au fur et à mesure.

BL: Votre mot de fin

MMD: Tant qu’il y a faire, rien n’est encore fait. Une mission entamée est un nouveau défi lancé à la vie. Et ceux qui nous entourent peuvent encore contribuer à l’écrire de meilleure manière. De vous qui me lisez, je veux pouvoir garder le meilleur, le positif, l’inoubliable. Alors, marquez-moi positivement ! C’est mon challenge à tous !