BL: Bonjour Monsieur Constantin AMOUSSOU. Présentez-vous s’il vous plaît.

CA: Je suis Constantin Amoussou. Je suis né au Bénin en 1980. J’ai fait des études de Diplomatie et Relations Internationales, et ai embrassé après la communication politique. Beaucoup m’ont connu et me présentent comme journaliste. Du moins, suis-je analyste politique et écrivain (poète et essayiste). Je préside depuis 2016, le Gouvernement des Jeunes du Bénin. Sur le plan politique, je suis un opposant au régime actuel.

BL: Quel a été l’élément déclencheur de votre passion pour la plume ?

CA: Pour autant que je m’en souvienne, devrais-je paraphraser Maurice DRUON et à sa suite, affirmer que  » l’aurore vient du fond du ciel.  »

La mienne a éclos dans la petite enfance au sein de la concession familiale, du fait d’un de mes oncles faisant des études de lettres dont la mini-bibliothèque devenait, opportunément, mon squat.

BL: « Hydraulique de mes paupières » est votre premier livre. Quelle en est la genèse.

CA: Je dirai plus. Je n’eusse écrit un seul livre qu’il n’eût été que celui-là. Rédigé au bord du lac Nokoué, en dix jours, l’an 2009, alors que j’étais encore chroniqueur littéraire sur l’émission ‘’Bonjour Citoyen’’ de la télévision nationale, et que je venais de co-fonder l’Ecole de la poésie névralgique, il restituait mon identité, ma colère, ma rage. Mais il était aussi un bouquet en l’honneur de tous les opprimés, de tous les brimés, de tous les révoltés d’ici et d’ailleurs.

BL: Un livre de révolte ?

CA: Un message de rébellion. Je suis un insurgé.

BL: On y sent des relents de la négritude. Ne pensez-vous pas que cette ère est révolue ?

CA: J’ignore les traits d’apparentement à la Négritude. Mais alors, si on parle de Césaire, je suis son fils. Ce n’est pas une figure de style, c’est une réalité. Cela n’induit point que je me réfugie dans une revendication identitaire. Je porte la rage et le tempérament de Césaire, et il eût  vécu aujourd’hui qu’il m’eût été semblable.

BL: Vous y faites souvent mention du Tolègba, du phallus. Que voulez-vous exprimer réellement ?

CA: Le phallus, c’est la force, c’est le pouvoir, c’est la domination. En s’érigeant, il se gonfle d’orgueil, exhibe ses nerfs, rougit  et tout en lui exprime une volonté de puissance. En cela, et mis en rapport avec la société, il incarne l’administration dans sa tendance à écraser l’administré. Or, on voit bien que dans l’acte de copulation (rapport sexuel), que l’on pourrait superposer aux  rapports sociaux, il est bien souvent apparu, que la matrice féminine, le sexe femelle engloutisse le phallus, l’assujettisse et le soumette. Et tandis qu’il bave, essoufflé, elle en est à en redemander comme une défiance, comme l’expression de la victoire du dominé sur le dominant.

Cet état de fait, mis en évidence par Achille MBEMBE dans « De la postcolonie« ,  laisse apparaître la distance entre l’apparent et le réel, et l’interpellation du phallus par le poète doit être perçue comme une opération d’exorcisme.

BL: Un des termes dominants de ce livre ; c’est « la névralgie ». Pouvez-vous nous en dire davantage ?

CA: La névralgie, la mienne propre, c’est ma colère, c’est ma douleur, c’est mon cri, ce sont mes humeurs endolories. « Hydraulique de mes paupières » aurait pu être intitulé, « Je pleure les larmes qui inondent mon cœur « ;et c’est d’ailleurs cet état d’âme qui est restitué par le sous-titre Tessons de paroles névralgiques.

BL: D’où vous vient toute cette vigueur qui se signale derrière chaque mot, chaque strophe que vous écrivez ?

CA: Sourire. Du lac Nokoué. Je fus un enfant du lac. Il m’a appris la bagarre dans les bas-fonds, dans les fonds boueux et sur les îlots. Il m’est apparu que tout m’a été dicté de là.

BL: Le second livre est écrit sur un ton plus doux. Que s’est-il passé entre-temps ? Les faits dénoncés dans le premier sont-ils déjà corrigés ? La liberté qui vous est si chère, est-elle déjà un acquis ?

CA: Je crains que nous n’ayons un malentendu. Dans La Liberté de mourir debout, il y a un cap de franchi. C’est celui où le poète met un pied dans le chaudron, tout en projetant le regard sur l’écosystème où il tend désormais à se mouvoir.

La Liberté de mourir debout c’est le refus de vivre à genoux, après qu’on a vu ses humeurs couler à flot, c’est l’enchaînement logique après Les tessons de paroles névralgiques.

Certes, il a été publié en une saison d’espérance; mais il était tout à la fois un acte historique et un acte de projection sur le chemin du combattant.

BL: Quel rôle assignez-vous à la poésie ? Comment doit-elle être « engagée », selon vous, eu égard à l’univers sociopolitique actuel de notre pays ?

CA: Je laisse chaque poète assigner à sa poésie, son rôle. Quant à moi, je ne l’ai jamais entendue autrement que comme une introspection, et une ‘’extrospection’’. Le rôle du poète, c’est de s’insurger. Mais l’insurrection du poète, du moins, du poète névralgique, n’est pas une fin en soi. Elle est un temps sur son chemin.

BL: Votre rêve d’un panafricanisme à la Kwamé N’krumah n’est-il pas une utopie quand on sait que l’Afrique n’est indépendante que sur le papier ?

CA: L’histoire des grandes révolutions dans le monde, c’est l’histoire des utopies.

BL: Comment arrivez-vous à concilier en vous le journaliste et l’écrivain dont chacun à des moments donnés cherche à s’exprimer sans nécessairement consulter l’autre ?

CA: Je les laisse se débrouiller. Sourire. Le journaliste est un bavard. Il exerce son emprise sur l’instant, sur la matière. Son œuvre est utile dans la mesure où chaque instant peut tout changer.

L’écrivain, c’est un être de méditation, et c’est un outil, en tant que poète ou fictionniste, aux mains de la muse. Son temps n’est pas fait de l’instant, il est fait du moment.

BL: Quel regard portez-vous sur la littérature béninoise, aujourd’hui ?

CA: Je la soupçonne d’avoir de beaux jours devant elle. Du fond de la fange ambiante décriée, j’ai vu quelques pépites émerger. Cela m’oblige à croire en l’avenir.

BL: La réappropriation du patrimoine culturel qui nous est propre passe aussi par l’éducation. Que préconiseriez-vous pour résorber la saignée du déracinement ?

CA: En 2018, l’Afrique enseigne le programme colonial à ses enfants. Cela n’est pas une école, c’est une prison.

Je n’entends aucune école, si  elle n’apprend à l’enfant d’ici le nagot, le dendi, le fongbe, le bariba, le idaasha ou le Adja.

Je n’entends aucune école qui n’enseigne le panthéon vodoun, le fâ, les contes et histoires de chez nous.

BL: Un mot à l’endroit des jeunes qui vous admirent et saluent votre courage…

CA: Je veux leur dire qu’ils sont le plus grand Bénin qui vient.

BL: Il est souvent dit que celui qui s’apprête à dire la vérité doit s’acheter un cheval pour détaler dès qu’il aura libéré la parole. Qu’en pensez-vous ?

Je prends la mesure de la menace qui pèse sur chaque engagé politique et social.

Cela m’oblige à être fort. Qu’a-t-on à attendre d’un homme fort? Qu’il ait peur ?

BL: De « Hydraulique de mes paupières » à « La liberté de mourir debout« , quel bilan peut-on faire du chemin parcouru?

CA: En un temps, je fus davantage chroniqueur et écrivain. Dans le moment actuel, je me considère comme un acteur politique et social qui écrit.

BL: Quand Constantin AMOUSSOU empoigne sa plume, qui s’exprime en premier lieu: l’écrivain et chroniqueur ou le président du Gouvernement des Jeunes du Bénin?

CA: La muse. Il reste que le président du Gouvernement des Jeunes du Bénin est une institution, et à ce titre, quand il s’exprime, son encre vient de l’ENA, mais le message appartient au peuple en général, et aux jeunes en particulier.

BL: Et à propos de ce dernier gouvernement, que peut-on en savoir? Comment et quand les élections se déroulent-elles?

 

 

 

CA: Le Gouvernement des Jeunes du Bénin est une association, officiellement enregistrée et reconnue, qui a vocation à former les jeunes à l’exercice du pouvoir au sommet de l’Etat.

Ses membres sont issus des associations et mouvements de jeunes, politiques ou apolitiques. Les membres du Conseil d’Administration et du Commissariat aux Comptes sont élus par l’Assemblée Générale pour un mandat de quatre (04) ans renouvelables une fois.

Quant aux ministres et autres responsables d’organes et institutions sous tutelle, ils sont nommés par le Président du Gouvernement des Jeunes du Bénin sur appel à candidatures.

BL: Vous avez certainement des projets en littérature…

CA: Oui. Le plus immédiat, c’est la République des Saigneurs  qui sera lancé bientôt.

BL: Monsieur Constantin, nous sommes presque au terme de cette interview que nous vous remercions une fois encore de nous avoir accordée. Si vous étiez :

– Une personnalité politique africaine, ce serait?

CA: Wolé SOYINKA.

– Un rêve pour notre continent?

CA: Je le veux debout

– Quel genre de musique peut vous inspirer jusqu’à prendre votre plume et écrire ?

CA: Zinli

– Un repas vous si savoureux qu’il vous fait penser à un livre ? ……

CA: Êba et du Monyo

– Si vous aviez vécu au Moyen-âge quel livre célèbre de ce temps auriez-vous écrit ?  …….

CA: La chanson de Roland

-Si Victor Hugo revenait, que lui diriez-vous quand vous l’aurez rencontré ?

CA: Nous sommes deux misérables

– Si vous devriez faire le portrait d’un sportif athlète, footballeur professionnel dans un livre, lequel gagnerait votre estime ?

CA: Roger Milla

– Un animal de compagnie ? Lequel aimeriez-vous ? 

CA: Un chien

– Si quelqu’un devrait écrire votre vie, qui serait-ce ?  ……

CA: Ismaël ICHOLA

 

– Quelle bande dessinée ou mangas vous a apporté une émulation dans votre enfance ? 

CA: Tintin

-Quel roman ou quel livre n’avez-vous jamais fini de lire à cause de la flemme ? 

CA: Il te faut partir à l’aube

– Vous avez voulu un de ces jours être artiste ? Joueur ? Prêtre ? Président de la République ? 

CA: Artiste

BL: Votre mot de fin

CA: Je vous remercie pour votre intérêt, et je salue la qualité de la tâche que vous abattez. Je vous exhorte à la persévérance dans la belle œuvre que vous construisez.