BL: Bonjour Monsieur Yves. C’est un plaisir de pouvoir vous interviewer afin de vous connaitre un peu plus. Alors, qui est Yves Biaou?

YB: Yves Biaou est un écrivain,  journaliste, critique d’art, Conférencier et Entrepreneur social.

BL: Dites nous comment avez vous réussi à garnir votre carquois de telles armes?  Votre parcours n’a certainement pas été rectiligne. Quels souvenirs en gardez-vous ?

YB: C’est maintenant que vous en parlez que je constate que cela fait beaucoup. Je n’ai pas de souvenir particulier parce que je travaille toujours je ne suis pas encore satisfait de mon parcours. Il me reste encore tant de challenges à relever.

BL: De la littérature au journalisme ou du journalisme aux écrits (Romans, nouvelles etc..). Qu’étiez-vous au commencement?

YB: Je suis herbogéniste au départ. De la culture générale à la poésie, je n’ai cligné les yeux. Et puis comment ne pas être poète quand on est noir ? Durant tout mon processus littéraire je serai et resterai poète. La poésie m’est très intime, c’est pourquoi je n’ai pas encore songé à publier la dizaine de manuscrits qui somnole dans mon placard.

BL: Votre  pièce théâtrale « Les têtes brûlées » a été representé au théatre Varma en Bulgarie. Moments d’émotion pour la reconnaissance et la confirmation du talent ou sentiment d’un aboutissement logique des efforts  fournis?

YB: Je pense que cela fait partie de ce que devrait être le processus de créativité et l’art de façon  substantielle, c’est à dire l’universalité. Je pense que cela devrait être la quête des auteurs et artistes de notre époque. Donc reconnaissant forcément.

 

 

BL: Vous avez beaucoup voyagé de par le monde. Vous avez certainement remarqué une certaine différence dans les us et coutumes d’ici et de la diaspora. Que pouvez-vous en dire?

YB: Je dirai tout simplement que l’Afrique doit être fière de ce qu’elle est. De sa culture et de la sociologie de son peuple. Nous ne sommes en concurrence avec personne, nous n’avons personne à rattraper à part nous même. Du monde entier, et à tout point de vue l’Afrique est le continent de toutes les chances.

BL: Au regard des difficultés que rencontrent les écrivains de nos jours, il urge d’aller à une politique du livre au Bénin et en Afrique en général. Pensez-vous que la politique du livre peut se faire sans les politiques?

YB: Ce que je pense n’a pas d’importance. Cette problématique est commune à presque tous les pays. Mais je crois fondamentalement qu’il est possible de faire fleurir le livre et de le rendre populaire. Cependant il perdra à jamais sa valeur. Parce que la littérature a cette particularité d’être populairement isolée. Et lorsqu’elle deviendra comme la musique ou le cinéma, elle perdra sa valeur. La politique du livre devrait s’orienter plus dans l’éducation pour combler le désert de compétence qui avance à grand pas.

BL: Rien n’est facile dans la vie. L’écriture n’échappe pas à cet axiome. Dites nous quelles sont vos difficultés majeures quand vous décidez de dégainer votre plume.

YB: Quand j’écris, ma plus grande difficulté c’est de réussir à m’arrêter.

BL: Quelles sont les conditions qui doivent être réunies pour que l’inspiration frappe à votre porte et vous mette en transes? 

YB:C’est quand je vais mal que je suis davantage fécond. Comme je le dis souvent, la douleur est une muse.

BL: Pendant très longtemps on a chanté que le Bénin était le quartier latin de l’Afrique. Aujourd’hui encore on s’offusque du faite que les rendements scolaires ne reflètent plus ce qualificatif comme si ce dernier était de nature méliorative. Il nous plait alors de vous demander pour vous qu’est ce qu’un quartier latin? Cette expression nous honorait-elle vraiment.

YB: La plupart des instituteurs de la sous régions en dehors des Bblancs au début du siècle dernier étaient des béninois. Cette phrase d’Emmanuel Mounier avait tout son sens vu le nombre important d’intellectuels que le Bénin comptait à l’époque. Aujourd’hui, ce temps semble être loin derrière nous mais le Bénin garde toujours ce titre pour ma part même si le contexte a bien changé.

BL: Écrire c’est décrire. Décrire ne peut advenir sans une constatation. L’on peut également écrire en jugeant, préjugés à l’appui. Voilà deux manières d’écrire possibles. Laquelle recommandez-vous aux auteurs? Écrire à partir dune constatation ou écrire en formulant des jugements ? La constatation peut elle se passer du jugement ?

YB: Je ne recommande rien du tout. Parce que je pense l’écriture doit être un processus unique pour chacun.

BL: Vous êtes sûrement croyant .Quelle est la place du religieux dans vos œuvres? 

YB: Je préfère que vous me demandiez quelle est la place de Dieu et non du religieux parce que j’aime toujours faire cette nuance entre la religion et Dieu. Je pense que tout le monde est né athée. C’est le milieu dans lequel on nait qui nous rend adepte de telle ou de telle confession. Ceci étant, je ne m’accroche pas trop à la religion. N’empêche, je crois fermement que c’est Dieu le premier auteur de tout ce que j’écris. Que pourrais-je d’ailleurs faire sans lui?

BL: Entre le roman, la nouvelle, le conte et d’autres genres littéraires, qu’est ce que vous préférez? Où vous sentez-vous le plus à l’aise?

YB: Je n’ai pas de préférence de façon spécifique. Je suis un étonnant voyageur, je papillonne dans tous les genres. Chaque genre a sa spécificité, ses caractéristiques et son charme.

BL: Sony Labou Tansi trouve que l’acte d’écrire est un acte d’amour. Il faut écrire quand on a envie de le faire et non de le faire sous influence ou pression externe. Un écrivain qui rêve vivre de son art peut-il s’inscrire dans cette lancée ? 

YB: Vous avez déjà répondu à la question. La professionnalisation de l’écriture exige un minimum de contraintes extérieures. On ne peut pas vouloir vivre de son écriture et faire de l’art pour l’art. Les best-sellers ne sont pas les meilleurs livres du monde, loin s’en faut. Il faut réussir à offrir au public ce qu’il veut.

BL: Qu’est-ce qui vous motive à aller de l’avant? Une citation? Un personnage? Une situation?…

Ma mère…

BL: En 2015, vous remportiez le «Prix Ecrivains Humanistes. Plume Junior, 2015» du Concours littéraire « Le Livre contre les maux de la Cité, 2015». Si on vous demandait de faire un retour sur l’événement ou un arrêt sur image, que nous feriez-vous vivre ou revivre?

 

YB: Pas grande chose, juste que c’était dans un esprit de pouvoir dire quelque chose, de pouvoir dénoncer ce qui me semblait comme une bombe qui s’arme dans nos sociétés. Je veux parler de l’intolérance religieuse et le cas du Nigeria est illustrant. Quand on gagne un esprit on n’est forcément content. Je pense que c’est des expériences qui m’ont permis d’être ce que je suis aujourd’hui  et d’être où je suis.

BL: « Le Bénin est un pays mentalement à genou », dixit Yves Biaou sur facebook. N’est-ce pas un peu trop « méchant » (dur) envers la patrie? 

YB: (Sourire) Le défi actuel de notre génération et de l’Afrique est la décolonisation mentale. Et le Bénin n’échappe pas à cet esclavage moderne de la mentalité. C’est totalement abject de voir encore au 21ème siècle des africains qui pensent que l’homme blanc serait supérieur à l’homme noir, des idioties qui démontrent l’immensité de la tâche qui nous reste dans la déprogrammation mentale des gens. Et c’est à ça que je m’atèle depuis bientôt 04 ans.

BL: « La littérature ivoirienne, disiez-vous dans une interview, est en pleine transition, avec de nouveaux auteurs ». Diriez-vous la même chose de la littérature béninoise?

YB: Peut-être. Réaction mitigée. Encore que ça dépend de quel coté de la réceptivité on se trouve. Je pense que la littérature béninoise brille avec une lumière sombre sur l’Afrique et le monde.

BL: En 2014, vous avez a créé l’Ouvroir de la Littérature Africaine (OULIAF). Qu’en est-il réellement? Le projet continue-t-il toujours?

YB: Oui, le projet continue. Elle n’est plus dans sa phase active, parce que nous avons arrêté les ateliers d’écriture un peu partout dans la sous région. Mais nous sommes en train de repenser l’impact et le modèle social et culturel du projet.

BL: Quelle mission spécifique assignez-vous à vos livres? 

YB: Qu’ils m’instruisent moi-même. Je veux que mes livres m’apprennent plus sur moi que je n’en sache déjà. C’est pourquoi des fois, je rentre dans ma bibliothèque et je me relis et bien sûr avec un goût d’inachevé dans l’écriture mais en apprenant chaque fois de nouvelles choses et il m’est agréable de me laisser questionner par ce que j’ai écrit moi-même.

BL: Vous êtes bien connu à l’étranger notamment en Côte d’Ivoire. C’est d’ailleurs là-bas que vous avez édité  votre dernier livre. Comparaison n’est pas raison, mais par rapport à ce qui se fait en Côte d’Ivoire, que pensez-vous de l’édition chez nous?

 

 

YB: Le problème de l’édition est commun à l’Afrique. C’est surtout la diffusion et la distribution des livres qui constituent le plus grand handicap des maisons éditions.

BL: L’écriture, le slam, les animations culturelles, et le sport, mais pas n’importe lequel, mais le rugby! Alors, comment arrivez-vous à vous en sortir? Entre la pelouse, le podium et la plume, y a t-il vraiment un lien?

YB: Forcément ! Le sport et la plume me permettent de calmer mes pulsions.

BL: Vos projets…

YB: J’ai des initiatives communautaires et des projets sociaux en vue. Pour ce qui concerne la littérature, cette année serra féconde en publication.

BL: Votre mot de la fin

YB: Je voudrais remercier Biscottes Littéraires pour le travail formidable que vous faites. Je connais les difficultés de l’activisme littéraire. Courage et plein succès. Merci de nous maintenir en éveil pour que nos rêves ne dorment plus.

  1. Belle découverte. Cap sur la suite pour voir de nouveaux horizons d’écrivains