Enfin un livre qui analyse la part de la sorcellerie dans le sous-développement en Afrique
On a peu évoqué, au moins officiellement et dans le sérieux langage scientifique, la question de l’occultisme et de son éventuel poids dans la balance du sous-développement. C’est bien en cela qu’il faut voir le premier mérite du père Soédé Yaovi Nathanaël qui a commis un éloquent ouvrage sur le sujet. Le titre en est plus qu’évocateur : « Inventer une Afrique autre». Le sous-titre vous en dit davantage sur la délicatesse de la problématique : « Monde invisible, Développement et Christianisme». Ce théologien béninois (enseignant dans divers instituts de théologie en Afrique et en Occident) a pu déceler la part de l’occultisme dans la survenance et la persistance des problèmes actuels du continent noir.
« En Afrique, on devra accorder un intérêt particulier à la sorcellerie dans les réflexions sur le problème du développement », écrit-il dans son livre qui fait aussi un diagnostic de type nouveau et original du sous-développement africain. Loin de se livrer à la triviale hystérie des prosélytes qui réduisent la problématique du Christianisme et du développement à une dénonciation paranoïaque d’un diable omniprésent, c’est à la raison et au bon sens que le théologien en appelle pour une rupture d’avec ce qu’il appelle les deux formes de sorcelleries : la sorcellerie ésotérique et la sorcellerie collective. La sorcellerie ésotérique est bien celle qui plonge dans l’invisible pour tirer un pouvoir obscur apte à la nuisance. La sorcellerie collective désigne, dans la théologie de Soédé cet ensemble vicié de pensées défaitistes, de méfiance et de peur qui font le lit à un rapport corrompu avec l’invisible et à une conception totalement erronée de la richesse et de l’abondance. On ne reçoit pas passivement la richesse de l’invisible, on la crée, par le travail, dans une logique de responsabilité et non pas de crainte et de passivité.
Plus audacieuse encore est la solution que cet ouvrage propose pour le développement de l’Afrique. On aurait attendu du théologien qu’il encourage les Africains à plus de prières pour vaincre leurs ennemis, mais, c’est plutôt à un nouveau rapport avec l’invisible qu’exhorte le Président Exécutif de l’Association des Théologiens Africains..