Bonjour les amis. Nous recevons  pour vous aujourd’hui, l’écrivain sénégalais Assane SOW qui se proclame « un écrivain pluriel« .

BL : Bonjour monsieur Assane SOW. Nous vous remercions pour cette interview que vous nous accordez. Nous savons que vous êtes sénégalais, auteur de deux recueils de poèmes. Que pourriez-vous nous dire davantage sur vous-même ?

AS : Je me nomme Assane SOW, je suis enseignant de formation. Mon pseudonyme d’auteur est l’enchanteur des âmes immaculées. Je suis né dans le royaume du Walo( Saint-Louis) où deux reines Sénégalaises Ndieumbeut MBODJ et Ndatté YALLA ont vu le jour, un royaume luisant de rêve, de jeunesse, de souvenir et de renaissance. Je suis issu d’une famille peule nomade, et à travers leurs errances, j’ai appris à chanter, à écrire mes émotions.

BL :  Être poète appartenant à la même terre que les Senghor et les Birago Diop, qu’est-ce que cela vous inspire?

AS : Quelle chance d’y appartenir! C’est, ainsi plus qu’un honneur qu’une fierté de se réveiller dans cette terre natale traditionnelle aux multiples couleurs, aux milles poètes débordant d’inspiration, d’intelligence et de générosité. Il faut que nous suivions leurs pas car le monde actuel est en urgence de poésie et de beauté.

BL :  Qu’est-ce que votre poésie apporte fondamentalement à votre culture Pular et wolof?

AS : Personnellement, la poésie m’a permis de faire des recherches approfondies en langues, surtout en pulaar, langue de mes ancêtres. Des œuvres poétiques tels que « L’esprit du cœur » de Mamadou Baba DIENG et « LA BELLE MORT » de Amadou Hamidou DIALLO renferment des mots pulaar qui brillent et qui transportent. Ces mots m’ont fait aimer la poésie Haal pulaar. Et si je pouvais traduire tous mes vers français en langue pulaar, je ne serais rien d’autre qu’un poète heureux.

BL :  L’Afrique aujourd’hui est à une phase critique de son histoire et le mot qui revient le plus de nos jours est celui du développement. Comment votre poésie accompagne-t-elle ce mouvement ?

 AS : « Je sais que la poésie est indispensable, mais je ne sais pas à quoi » expliquait Jean Cocteau. Ainsi, La poésie a pour but de convaincre les hommes d’adhérer à une cause ou de défendre les valeurs. La poésie peut servir aussi à faire passer un message, comme pour La fontaine avec ses fables. Cela peut pousser les esprits à un développement. Bref, l’art est développement. Un continent n’est véritablement puissant que lorsque les éléments de culture constituent les fondements premiers. Ma poésie est un chant, une voix qui porte haut le statut de l’Afrique, elle est cette masse qui brise les chaines de la domination et de la pauvreté. Ainsi, elle est cette voix qui magnifie, sur la voie du Salut, les héros, les trésors du berceau de l’humanité. Elle est la mère qui portera sur son dos, éternellement, les nègres du berceau. Et donc si elle est mère, elle aidera à mieux vivre, elle protégera.

BL :  Quel rôle assignez-vous alors à votre poésie si elle ne peut pas aider l’homme africain  à vivre mieux et à subvenir à ses besoins fondamentaux ?

AS : J’avoue que si ma plume enchanteresse ne peut pas être le porte parole, ni cette voix qui extériorise ses sentiments les plus intimes et si elle ne peut pas non plus transformer une boue en or, elle restera veine, non utile et dans ce cas on assistera à un art sans valeur.

BL : «  Graal d’extases plurielles ». Tel est le titre de votre premier recueil de poèmes. Pourquoi affecter le substantif extases de l’adjectif plurielles quand on lit déjà que extases est au pluriel?

AS : Tout ce que j’écris, je le dis dans ma pluralité éruptive. Et pour parler comme Senghor, si ma poésie, étant un chant, passe par les sens et va jusqu’à l’âme, c’est pour faire naitre en l’individu( le lecteur) des extases a en finir, des extases façonnées dans toute dans ma pluralité éruptive. En outre, mon préfacier Dr Ndongo MBAYE définit le titre de l’ouvrage pertinemment : « Cependant, si son recueil s’intitulé « Graal d’extases plurielles »  , c’est pour annoncer les couleurs qu’il décline , qui sont liées à la quête de la jouissance dans toute sa pluralité éruptive. »

BL : Quel lien votre poésie entretient-il avec l’ataraxie et la béatitude éternelle ?

AS : Ma poésie est ce silence qui valse entre l’ataraxie et la béatitude éternelle. En effet, Il faut d’abord un esprit tranquille pour arriver à un bonheur serein, à une jouissance spirituelle sans fin. Autant ma plume taille des mots qui apaisent autant elle enfante des mots fruitifs. Autrement dit ma poésie cherche à plonger le lecteur dans une béatitude éternelle à travers son chapelet de vers.

BL :  La question des Talibés est abordée dans votre livre. Et dans sa critique, Zacharia Salle estime que votre approche définitionnelle de ce concept est à la fois partiale et partielle. Qu’en pensez-vous ?

AS : Zacharia SALL, quel critique, quel sacré poète ! Les deux paronymes qu’il a employés me permettent de justifier rapidement mon approche définitionnelle : Partial, parce qu’étant touché par la situation des talibés, connaissant leur valeur dans notre société Haal pulaar, je l’ai nommé: « talibé, futur érudit du coran, ami de Dieu, Esprit habile, » « Ta sueur et ton sang sont équivalents à mille faveurs »…Partiel, sachant que seul le talibé pieds nus peut parcourir les rues à la demande de l’aumone, et épiant tel un orpailleur, sa situation devient inquiétante. Et voilà pourquoi j’ai abordé TALIBÉ dans ce sens. Un autre peintre de la cadence poétique ( Mamadou Baba DIENG) dans son recueil de poèmes L’ESPRIT DU COEUR, l’assimile à un petit soldat déguenillé en quête de pitance: «  Il avait l’air de ressembler à un petit soldat ; Seulement il en avait qu’un haillon….pour attirer l’aumône et la pitié…Ils couraient pieds- nus… ».

BL : Pour écrire vos poèmes, partez-vous des paradigmes wolofs ou y allez-vous directement en français ?

AS : J’y vais directement en français mais parfois j’utilise les mots pulaar ou Wolof pour mieux évoquer, pour mieux peindre. Quand j’écris, je suis libre aussi bien dans le choix de la forme que du choix des mots.

BL :  Que voulez-vous exprimer par le recours à la diglossie dans votre recueil ?

AS : Je me proclame un écrivain pluriel voilà  tout simplement  ce qui justifie l’emploi du  wolof et du pulaar. Ainsi pour mieux montrer mon statut d’écrivain Sénégalais, je fais recours à la diglossie.

BL :  Le zeum serait-il le ferment divin qui vous inspire?

AS : Oui pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui pèse sur mes épaules, je m’enivre de Zeum, de poésie, pour un peu parler comme mon poète Charles Baudelaire. J’avais l’habitude après une longue corvée dans les champs, de me retrouver avec mes amis d’enfance et de penser à cette fameuse boisson, à ce zeum rituel à la sénégalaise qui étanche le soif et qui inspire. Avec mes amis, nous saignions aux quatre veines pour organiser et inviter au palabre. C’est un moment étrange où je prends ma plume pour griffonner librement sur les pages blanches de mon brouillon. Rien n’est vertu s’il n’est zeum, j’ai envie de dire.

BL :  Quel mystère logez-vous dans les deux premiers vers du poème intitulé  » Écoutez le poète « ?

AS : Voici les deux vers:

Je demeure persuadé que le salut de mon paradis

Proviendra des miss terres de la poésie.

Ici, miss renvoie à la beauté, à la sensualité et terre renvoie à la richesse. Et cette richesse semble être évoquer dans mon ouvrage qui s’intitule LES SYLLABES DE MA FOLIE ( poésie), plus précisément dans mon poème N’EUT ÉTÉ LA TERRE:N’eut été la terre, l’or ne serait pas.

BL : Quand on  entre dans votre livre, on se dit voilà un  jeune hugolien qui nous émerveillera avec sa poésie aux allures classiques.. Mais en évoluant on tombe sur des rimes libre et de la prose et on se demande que est le projet réel de ce recueil. Veuillez lever nos doutes, cher Assane Sow.

AS : Un grand poète du nom de Ndongo Mbaye, un grand homme à la grande beauté d’âme débordant de générosité et de pédagogie a guidé mes premiers pas. Je le salue de passage et qu’il en soit remercié! C’est ce grand docteur qui me disait: « Assane, ne te soucie pas de formes, écris ». Je me proclame écrivain tout court. Dans ma poésie vous verrez des vers libres, des alexandrins, des versets, cette exploitation inépuisable de la rhétorique. Tantôt ma plume bigamie épouse le style négro africain, tantôt en jouant avec les mots, je pense aux césures, aux coupes, aux syllabes atones. Bref, quand j’écris, je me sens libre même si j’obéis à des normes poétiques, à des règles grammaticales.

J’ai eu également la chance d’avoir des références poètes Sénégalais comme Maalik SY, Mary Teuw

BL :  Quelle est la frontière aujourd’hui ente Amour » et « Lascivité » ?

AS : La frontière est étroite entre l’amour et la lascivité, à force de parler de l’amour, on risque d’habiter dans le royaume des « plaisirs sensuels » que j’évoque dans Graal d’extases plurielles.

BL :  Dans ce recueil, on sent le poète nostalgique. Qu’est-ce que cela vous faire de chanter votre terre natale et de magnifier la Mère Nature en ce siècle de grandes problématiques liées au climat et à l’environnement ?

AS : Je me proclame poète de l’amour, de la nature et de la spiritualité. Si notre religion nous demander d’ajouter volontairement un sixième pilier, Eh bien ce dernier serait Chanter. Car seule  L’émotion est nègre. Sur ce, j’ai rendu hommage à la nature à travers un Haïku:

 » Ô riante nature !

Mystérieuse comme tombe,

Tu ravis mon âme. ( Graal d’extases plurielles)

Et pour tout ce qu’elle a fait pour moi,:<< La nature m’a celé

Ses lois, ses secrets

Pour me faire savoir que seul Dieu est omniscient.

La nature m’a offert

Sa magnificence, son sentiment

La nature m’a offert

Ses harmonies, sa beauté

Pour satisfaire le plaisir de mes yeux.>> ( Graal d’extases plurielles),

Je continue le chant:<< Je dois éloges à la nature

Je dois mes sottises laudatives à la nature

Dieu arrose la nature au moyen de l’hivernage

J’enchante la nature au moyen de ma plume

Trempée dans un déluge de paradisone...>> ( Graal d’extases plurielles)

Il m’arrive aussi parfois de chanter l’amour, de chanter mes souvenirs d’enfance, en partant de la localité que je connais le mieux c’est à dire le Walo, mon terreau d’enfance.

BL :  Vous travaillez actuellement avec zèle et acharnement sur votre deuxième recueil de poèmes qui paraît bientôt : La mémoire du baobab. Veuillez nous mettre dans l’économie de ce projet.

AS : La mémoire du baobab est un recueil de vécu et de souvenirs, un recueil dans lequel, d’une part, j’exalte les êtres qui me sont chers, qui ont marqué ma vie. D’autre part, je peints les couleurs de l’amour, mon désir d’écrire, la mort, le bien, le mal et des espérances. Dans poème1 du recueil vous lirez ceci: « La mémoire du baobab est un chapelet de mots, une poésie laudative qui nourrit les âmes, qui enchante les femmes, les flammes sous les ombres... ».

Et je rappelle que ce nouveau-né est préfacé par mon ami Ousseynou THIOMBIANO, l’auteur de « De la pluie et du beau temps » et de « Le requiem des berceuses enfouies. »

BL : De Graal d’extases plurielles à La Mémoire du baobab, comment évaluez-vous le chemin parcouru ?

AS : Un très long chemin mouvementé, pavé de sommeils, et de silence, j’ai parcouru. Et je m’étais référé des mots de mon poète Charles Baudelaire pour en faire une divise, « Il me faut cette nuit de silence et d’abnégation« .

BL :  Votre dernier livre paraît chez Sirius. Cela nous amène à vous demander ce que vous pensez de l’édition aujourd’hui en Afrique.

AS : L’édition en Afrique va mal! Il ya les sommes considérables que nous recevons des maisons d’édition. En plus, il y a l’étape << la commercialisation>> qui doit être considérée davantage. Mais s’il n’y a autre moyen que de publier nous allons publier pour participer à la promotion du livre et de la lecture. Et il nous faut des livres pour remplir les têtes de nos enfants qui porteront demain l’avenir du continent. Et le livre est le seul repas qu’on prend sans avoir besoin de se laver les mains, ni cuillères, ni fourchette.

BL :  Quels sont vos projets littéraires ? Assane Sow ne sera-t-il que poésie ?

AS : J’ai entamé une nouvelle qui parle des valeurs socio- culturelles des Haal pulaar à travers toute l’Afrique et par souci de temps, j’y reviens souvent.

BL :  Vous vous définissez comme l’enchanteur des âmes immaculées. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

AS : N’est ce pas l’âme est immortelle? Je suis le poète qui ne fait que chanter l’âme de toute chose immaculée pour survivre et graver l’immortalité sur les mémoires du panthéon, sur les horizons d’Afrique à la coloration de feu.

BL :  Où et comment se procurer vos livres?

AS : Mes livres sont disponibles à la librairie L’Harmattan en face l’Université Gaston berger de Saint-Louis ( le Graal d’extases plurielles). Le prochain livre sera disponible chez mon éditeur, en ligne et à la librairie. Et tous les deux, à prix abordable.

BL :  Votre mot de la fin

AS : Je vous remercie de m’avoir accordé cette interview. C’est un honneur, un plaisir de converser avec vous au sujet de la poésie. Comme nous le savons tous, le monde actuel est en urgence de secours, de poésie et de beauté. Par conséquent, prions pour que le Seigneur boute hors de nos terroirs, cette ennemie invisible et redoutable qu’est la maladie à Coronavirus. Aiguisons nos plumes, dévoilons les charmes du monde pour des lendemains meilleurs.