Bonjour les amis. Nous recevons pour vous aujourd’hui, un jeune écrivain poète béninois. « La littérature propose et la politique dispose. En clair, la littérature n’est que le pays des rêves »: Renaud GBETOWENONMON.

BL : Nous sommes heureux de vous recevoir sur notre blog. Vous voudrez bien vous présenter, s’il vous plait.

RG: Je m’appelle à l’état civil Renauld GBETOWENONMON. Originaire de Bohicon, je suis un jeune enseignant de français en fin de formation à l’École Normale Supérieure de Porto-Novo. Pour plus de précision, je peux ajouter que je suis un écrivain de langue française.

BL : Vous êtes un féru des lettres, voudriez-vous bien nous dire ce qui explique cette passion et depuis quand elle fait corps avec vous ?

RG: Cette passion pour la chose littéraire est née depuis le cours primaire grâce à quelques concours scolaires qui m’ont réveillé et inspiré cet amour brûlant que je nourris pour la littérature aujourd’hui. Il faut accentuer spécialement le concours PROJET MIEUX RÉUSSIR EN FRANÇAIS en 2009, à l’issue duquel j’ai fini 2è au plan national. La cérémonie de remise des prix a été si spectaculaire, si marquante que j’ai fait le serment d’entretenir avec un soin particulier la langue française. Cette dernière est un flambeau d’avenir, pensais-je. Enfin, il serait intéressant de souligner que j’ai rencontré la poésie dans un document didactique intitulé : MON LIVRE DE FRANÇAIS, CM2. Dans cet ouvrage, vers les dernières pages, des détails précieux et rayonnants ont été donnés sur le genre  »poésie ». Il s’agissait des techniques de rédaction d’un poème, des formes de poèmes et quelques illustrations. Après lecture de ces passages, je suis devenu poète, car j’ai reçu l’âme de la poésie. J’ai commencé à l’exprimer depuis la classe de 5èjusqu’à ce jour.

BL : Vous avez fait votre entrée dans le cercle littéraire béninois cette année avec votre  recueil de poèmes. Pour vous, qu’est-ce que la poésie ?

RG: Pour ma part, la Poésie est le chant des muets. Elle n’est plus le patrimoine des élites ni le couvent des dieux mais le canal d’expression des Hommes qui n’ont pas une voie officielle dans la société. Elle est aussi une arme et un instrument de guerre d’idée, un interlocuteur du commerce universel des hommes et des âges.

BL : Pensez-vous la littérature comme un levier crucial pouvant propulser un pays sur les rails d’un quelconque développement considérable ?

RG: Mon opinion sur le sujet est simple. La littérature propose et la politique dispose. En clair, la littérature n’est que le pays des rêves. Elle offre la matière motrice qui constitue le projet de développement mais c’est la politique (étant l’art de diriger la cité) qui consacre les idées et leur donne corps. Il n’est pas question de penser que les beaux vers feraient les beaux pays. Si les dirigeants de nos nations ne se joignent pas au concert, la littérature ne serait qu’un secteur parmi tant d’autres. Qu’il vous souvienne que la Constitution des pays démocratiques et le passage du régime dictatorial au régime de monarchie constitutionnelle est inspiré par le combat des philosophes des Lumières. Ceci étant une preuve éclatante de l’importance de la littérature dans l’épanouissement profond des nations. Cependant, si les autorités n’accordent pas du crédit aux idées véhiculées, ce serait peine perdue. Donc, il faut comprendre le développement des nations peut être effectif si et seulement si la politique venait en appui à la littérature.

BL : Quel rôle assignez-vous à l’écrivain Poète?

RG: L’écrivain Poète, chez moi, a un triple rôle. Il doit être simultanément Griot, Crieur et Prophète. Dans sa fonction de griot, il doit rappeler les éclats du passé et montrer que les âges morts ne sont pas un silence absolu. Dans sa position de crieur, il informe, forme ou réforme.

Et son âme de prophète doit être la lampe d’or, l’éclaireur qui montre la voie à suivre dans un présent immédiat ou dans un futur lointain.

BL :’La chorale des mondes’’ est la vitrine de votre livre. Pourquoi ce titre ?

RG: La chorale est généralement un groupe d’êtres vivants exécutant en chœur un ou des chants accompagnés ou non d’instruments de musique.  La chorale dont je parle ici est un cercle de codes, de principes, de vérités qui essaiment le monde pluriel. Le monde pluriel est la variabilité extraordinaire des facettes du monde. Les faces animale, végétale, humaine, minérale. Mon livre  » La chorale des mondes  » est donc un délicat et délicieux voyage dans le monde des fleurs, des animaux et des hommes.

BL : Le style classique est celui usité dans l’œuvre. Voudriez-vous bien nous expliquer ce choix ?

RG: Le choix est inspiré par le goût prononcé que nous avons pour la poésie classique française. C’est aussi une ébauche d’un vaste projet que nous allons bâtir en concert avec des collègues poètes au plan national comme continental aux fins de relever un périlleux défi pour la littérature africaine : la garnir d’une poésie classique riche et brillante.

BL : Quels sont ces auteurs qui constituent votre miroir dans votre projet d’écriture ?

RG: Mes modèles sont Charles Baudelaire, André Chénier, JosephAutran, Louise Colet, Gérard de Nerval. Il reste un dernier que je ne cite plus, car devenu la réponse universelle que les poètes de tous les pays servent à la suivante question  » quel Poète est votre idole ? » Je parle de Victor Hugo. Il est le symbole même du Poète parfait.

BL : Il y a plus du dégoût pour la poésie aujourd’hui parce qu’on la juge trop hermétique ou encore écrite seulement à une certaine catégorie de personnes. Vous, qui faites de la poésie, quelle est votre conception par rapport à ce jugement ?

RG: Pour moi, la Poésie n’a pris une seule ride. Et je peux vous certifier que la poésie reste le premier et le dernier genre de la littérature. Certes la période moderne, en multipliant les opportunités, a réduit quelques champs, toutefois la poésie reste intouchable et demeure le genre le plus lu au monde. Mais paradoxalement, dans la sphère africaine elle est méprisée, car l’extrême puissance et l’obscurité consciente employée par certains poètes du terroir étouffent tout amour pour la poésie. Les lecteurs se retrouvent dans un schéma où ils ont l’impression que le texte du Poète ne leur est pas adressé. Légitime sentiment! Vous ne pouvez aimer l’inconnu. La poésie n’est pas le temple des dieux, c’est la subtilité, la fragilité et la simplicité qui ont érigé les vers les plus beaux de la poésie mondiale. Les textes les plus célèbres et aimés n’ont jamais été hermétiques. Somme toute, nous invitons les poètes du monde entier, surtout les poètes africains à repenser leur conception. Un vers non compris du lecteur est un crime de l’auteur. La beauté n’est pas synonyme d’hermétisme.

BL : Pour résumer ‘’La chorale des mondes’’, que diriez-vous ?

RG: Cet ouvrage est un recueil de poèmes qui embrasse des thèmes divers et variés. Il s’adresse à l’homme universel et lui confie fondamentalement les craintes de la nature végétale et du monde humain.

BL : Où le lecteur curieux pourra-t-il se procurer votre livre ?

RG: Le livre est disponible dans toutes les librairies européennes. Il peut être commandé en ligne (sur internet). Ceux qui auront du mal à saisir cette option pourraient nous contacter au 96068510 pour se procurer des exemplaires papiers ou numériques du livre.

BL : Beaucoup pensent que ‘’Les jeunes d’aujourd’hui ne lisent plus’’. Votre avis sur le sujet ?

RG: C’est une affirmation gratuite que de croire la jeunesse inculte. Les jeunes sont les meilleurs amis des livres.

BL : Vers qui se tourne votre pensée chaque fois que vous dégainez votre plume pour écrire ?

RG: Ma Poésie est universelle. Elle s’adresse à tout homme qui vit sur la Terre. J’envoie une missive au Temps illimité et à l’Espace infini.

BL : Un petit texte à ce niveau de l’entretien ne déplaira pas au lectorat.

RG: AU QUATRIÈME MILLÉNAIRE

J’ai vu des géants dans la cabane des nains,

Des léopards féroces, des lions, des djinns.

J’ai vu le soleil dans les savanes d’Afrique.

J’ai vu les tombeaux de l’Océan antique

Et tout ce qui compose l’abyssal printemps

Parlait du monde défunt et de l’ancien temps.

Ô je me suis étonné dans ce songe immonde,

J’ai inspecté les axes de ce nouveau monde.

Et j’ai vu les vraies montagnes de fer en poudre.

L’oxygène était une tempête de foudre

Où les grandes mers ont pris l’éternel repos.

Cette terre était un effroyable chaos.

Les nuages étaient confondus à la poussière,

Un déluge de feux troublait le cimetière.

Une cloche d’agonie sonna au lointain

Et j’ai vu un étrange fromager d’airain.

<< Je suis le rescapé de la végétation.

Celui qui protégeait toute la création,

Le monde, la terre, l’univers, la nature,

La planète, l’étoile, toute créature,

Les insectes de nuit et les rumeurs du jour,

Ce que l’on appelle,  à tort et à travers, l’amour

Ce qui était raison mais qui était démence,

Tout ce qui a généré ce profond silence. »

Chaque mot que prononçait le Noé des bois,

Ces cantiques entiers issus des cris d’effrois

Étaient les derniers bruits de l’humanité

Et un nouveau chapitre de l’éternité.

Renauld Gbètowènonmon, La chorale des mondes, Les Éditions du Net, Paris, 2019.

BL : Votre ouvrage  » Les sanglots de la terre » vous a permis cette année de partager le Grand Prix de la journée du manuscrit avec le Français Thibault Bluy. Comment avez-vous reçu et célébré la nouvelle de cette distinction et quels sentiments furent les vôtres ?

RG: Il faut reconnaître que j’ai savouré avec une grande fierté cette récompense littéraire. Mais je ne considère pas cette distinction comme personnelle, c’est un trophée pour le Bénin entier et la jeunesse. Il pourra jeter un peu de lumière sur notre littérature, qui n’était pas  déjà moins rayonnante. J’ai donc célébré cette victoire avec les journalistes, les écrivains, d’ici ou d’ailleurs.

BL :  » Le sanglot de la terre » (recueil de poèmes)  de Jules Laforgue vous aurait influencé dans l’écriture de ce livre ?

RG: Brillante remarque de votre part !

Jules Laforgue est un Poète français. Un grand esprit qui a traversé le 19è siècle. Si le titre de mon œuvre a une similitude avec celui de la sienne, c’est une pure coïncidence. J’ai déjà fini de rédiger, de publier l’ouvrage avant de découvrir sur internet que Laforgue le cousinage que nos deux livres entretiennent.

BL : Vous avez certainement d’autres projets en cours. Vous voudrez bien les partager avec nous.

RG: Mes projets les plus importants c’est de publier d’autres ouvragesde haute qualité et de fonder une Pléiade africaine avec le concert de six autres poètes classiques du continent.

BL : Veuillez promener un regard analytique sur la littérature béninoise de nos jours et partagez avec nous les fruits de votre analyse.

RG: La littérature béninoise est actuellement très fleurissante et riche grâce aux œuvres impressionnantes de nos écrivains tels que Florent Couao-Zotti qui a remporté récemment le Prix Roman de l’Académie Française avec le roman Western Tchoukoutou, Daté Barnabé-Akayi qui est un impressionnant Poète, romancier, nouvelliste et dramaturge, Habib Dakpogan, lauréat du Prix du Président de la République la distinction littéraire suprême que peut obtenir un écrivain béninois au plan national. Vous comprenez clairement que ma position est méliorative. La littérature béninoise est en plein essor et connaît aujourd’hui une floraison de jeunes talents qui écriront bientôt quelques autres lumineuses pages de son Histoire.

BL : Pensez-vous qu’il existe de problèmes qui l’assaillent ? Si oui, veuillez bien proposer quelques solutions pour la rendre plus vivante.

RG: Le seul problème qui rudoie notre littérature est la question de visibilité et de manque d’accompagnement des jeunes talents. Il est aussi urgent de procéder à la rééducation des Poètes béninois, car la distinction littéraire  » Grand Prix Poésie du Bénin 2019 n’a connu aucun lauréat et cela a drainé un grand nombre de polémiques dans la presse et sur les réseaux sociaux. Le jury expliquant ostensiblement que nos poètes manquent des accessoires du genre. Cette année, on constate que ce prix a été supprimé ou mis de côté, confirmant ainsi l’existence d’un problème éclatant. Pour corriger l’image de la poésie béninoise il urge alors d’organiser des ateliers d’écriture pour consolider les acquis et modeler ou parfaire le génie de nos poètes. Après ce geste, on pourra réinstaurer le  » Grand Prix Poésie du Bénin » pour le grand bonheur de notre littérature.

BL : Un ou deux livres lus et que vous pourriez conseiller aux amoureux de la lecture ?

RG: Je commanderai aux amoureux de la lecture Ruy Blas et  Les Contemplations de Victor Hugo.

Le premier livre est une pièce de théâtre en vers. Elle parle d’un laquais, un simple serviteur d’un palais qui est tombé amoureux d’une Reine en manque d’amour. L’histoire est très intéressante et le style aussi. Le deuxième livre est un recueil de poèmes, qui figure parmi les meilleurs livres de poésie de tous les temps. Lire ces deux livres c’est offrir des moments uniques à l’esprit et à l’âme.

BL : Vos jeux de divertissement ?

RG: Je n’ai pas de jeux de divertissement.

BL : Un plat que vous affectionnez beaucoup ?

RG: La salade.

BL : Un héros africain que vous auriez voulu incarner ?

RG: Aucun

BL : Votre mot de fin

RG: Pour finir, je remercie chaleureusement le blog qui m’a accordé cette interview et mes mots de reconnaissance vont aussi à l’endroit des lecteurs, des enseignants et des promoteurs culturels qui nous accompagnent dans cette périlleuse et passionnante mission. Mon dernier mot est un vers de mon recueil que je dédie au monde entier <<L’éducation fait l’humanité>>