BRÈVE  NOTE SUR  L’AUTEUR

Romancier, nouvelliste, essayiste, scénariste, Félix COUCHORO est un écrivain polyvalent détient un palmarès d’une trentaine d’œuvres, publiés tantôt sous forme de feuilleton dans la presse togolaise, tantôt sous forme d’articles. Son tout premier roman L’Esclave est paru à Paris aux éditions de la dépêche africaine en 1929  et réédité aux éditions Neto (nouvelles éditions de la togolaise). Félix COUCHORO meurt en 1968 à Lomé au Togo.

RESUME DE L’OEUVRE

La trame de l’histoire se focalise sur un personnage : Mawoulawè, esclave acheté dès l’âge de huit ans par le vieux Komlangan qui l’éduqua au même titre que sa propre progéniture. Cependant à la mort du maître, il n’eut pas droit à l’héritage. Les choses se gâtèrent entre l’esclave et son frère Komlangan. L’esclave jura de se venger. L’auteur ne se contente pas cependant de mettre en exergue les frasques de l’esclave ; il met également sous le feu des projecteurs les répercutions d’un amour incestueux entre l’esclave et Akoeba, la jeune épouse de son frère Komlangan. Akoueba tombe enceinte de son beau-frère. Ce dernier l’oblige à avorter. Elle trouvera la mort au cours de l’avortement. Avec le retour de Gabriel, la flamme de l’espérance est de nouveau rallumée dans cette famille ravagée par la haine et la jalousie.

ETUDE THEMATIQUE

* L’esclavage

Une satire qui regroupe moult thématiques. Un roman qui nous décrit les jours esclavagistes de la société africaine même après la traite négrière du XIVe au XIXe siècle. Parmi ces différentes thématiques, celle de l’esclavage retient l’attention et mérite que l’on s’y attarde. On y descelle au prime abord, un esprit africain de la famille qui veut que, le même traitement soit réservé à l’esclave et aux enfants légitimes en raison du fait qu’il rend d’énormes services à la famille de son maître. Cependant, cela ne fait pas l’unanimité. C’est le cas ici avec Mawoulawè qui se voit refusé l’héritage.

* L’inceste

L’Afrique a en aversion ce phénomène. Un lien incestueux, voilà ce que vivaient Mawoulawè et Akoueba dans cet ouvrage. Félix COUCHORO le fustige ici à travers ces deux personnages. Il faut quand même le rappeler ce n’est pas un mal du siècle. La Bible dans son livre de la Genèse nous fait flairer ce phénomène à travers l’éternelle question de savoir comment à partir de deux personnes Dieu a pu multiplier sa création. Mais les temps ont évolué. « A nouvelle génération, nouvelle méthode » disait Ramatoulaye dans une si longue lettre.

* Amour et fratricide

Ce thème revient ici encore mais sous sa forme controversée. Il s’agit d’un amour péché, qui devra s’exprimer en sourdine et dans la plus grande clandestinité au risque de provoquer des remous terrifiants. Les deux amants l’ont si bien compris. Cependant on n’allume pas une lampe pour la cacher sous le boisseau. En témoigne cet extrait :

« Quand nous aimons nous nous ingénions à cacher notre amour, nous ne voyons aucune fissure de notre ouvrage de défense, par où l’œil le plus discret, le moins prévenu perce notre jeu, nos mysteres.Ces deux amants s’imaginaient qu’on ne les voyait pas »

On les vit et pour couper court à la délation qui s’en suivrait l’esclave fit le choix du meurtre, du fratricide. Il tuera son frère.

ETUDE DES PERSONNAGES

-Mawoulawè : Acheté à l’âge de huit ans par le père de Komlangan à un vil prix,  il fut traité au même titre que le fils de son maitre jusqu’à la mort de ce dernier avant de commencer à subir la discrimination entre « enfants légitime et esclave ». Mawoulawè signifie en Mina, « Dieu y pourvoira« .

-Komlangan : Il est le maitre de la maison, « frère ainé » de Mawoulawè. Cependant à la mort de leur père, il n’a pas rendu à son frère sa part de l’héritage. Son nom pris en deux volets : Komlan indique quelqu’un qui est né un Mardi et « Gan » signifie « grand« . Il représente alors l’ainé de la famille.

-Akoeba :Quatrième et dernière épouse de Komlangan. Elle est l’amante de son beau-frère, Mawoulawè. Une idylle qui au début sera cachée mais sera découverte au fil du temps. Sa découverte sera la cause de la mort d’un bon nombre de personnes, y compris Komlangan.

-Dansi : Elle est l’épouse de l’esclave. Stérile jusqu’à sa mort qui sera occasionnée par Akoeba, elle n’a pas eu de progéniture avec Mawoulawè. Contrairement à Akoeba, elle est restée une femme fidèle à son époux jusqu’aux dernières secondes de son existence.

-Gabriel : Il est le  fils ainé de Komlangan. Ayant vécu sur les côtes durant un bon moment, il est revenu au pays après la mort de son père pour reprendre à l’esclave sa place et remettre de l’ordre dans la concession.

REGARD CRITIQUE SUR L’OEUVRE

Felix COUCHORO se fait objecteur de consciences. Il situe l’espace de son roman sur les bords du fleuve Mono, à Huntingomè un village du sud-Benin riche de son paysage frais et calme, de ses eaux tranquilles et de ses belles palmeraies. Il focalise l’attention de ses lecteurs sur un esclavage qu’on pourrait qualifier de domestique. La prise de conscience de Mawulawoè, l’esclave, ses ambitions démesurées et son recours aux choses de l’ombre, constituent un champ d’expérimentation de la volonté humaine aux prises avec les envies du coeur. La dialectique hégélienne du Maître et de l’Esclave semble servir de toile de fond à Félix COUCHORO, sauf que ce dernier a réussi à tuer les appétits de Mawulawoè qui n’a pu finalement triompher du clan Komlangan représenté par le fils de sang, Gabriel. Poutre cette dialectique en déploiement dans L’Esclave, nous pourrions aussi remarquer les jeux et allures manichéens qui ont comme servi de colonne vertébrale à l’œuvre : les antagonistes entre le bien et le mal, la liberté et l’esclavage, la lumière et les ténèbres, la beauté et la laideur. Ces jeux manichéens pourraient faire lire aussi dans ce livre le contraste entre l’Afrique représentée par Mawoulawoè et les pratiques traditionnelles et Gabriel et le christianisme. Le choc est fort dans le livre, qui se solde par la victoire de Gabriel, donc de l’Occident. Dans cet univers conflictuel où l’auteur met aux prises l’Afrique et l’Europe, le lecteur se rend compte de ce que l’auteur insinue qu’il ne sert à rien aux africains de recourir aux forces des ténèbres. Que certains critiques ne le considèrent pas comme un écrivain véritablement engagé, cela se comprend aisément vu son approche de la rencontre entre l’Occident et l’Afrique.

Le roman est écrit dans un style très simple que l’auteur lui-même qualifie de « terre à terre » ou encore de « bonne compagnie » dans sa préface. Il est accessible au lecteur .Tout en restant simple, Félix COUCHORO ne manque de vous tenir en haleine tout au long de la lecture. Sa description du cadre spatio-temporel est faite de main de maître et nous plonge dans un paysage féerique, celui des berges lagunaires du Fleuve Mono.

L’Esclave est une belle oeuvre littéraire riche d’enseignements. Il ouvre nos yeux sur les dangers qui menacent nos familles quand nous ne prenons garde à la jalousie, l’injustice, le mépris, la haine et le refus de pardonner.

 

Adebayo I.C. ADJAHO

  1. Félicitations à Adjaho pour cette belle présentation. J’ai été sensible à dimension manichéenne relevée dans le roman. bravo.

  2. Félicitations à vous. Merci de relever la dialectique hégélienne du maître et de l’esclave dans l’ouvrage même si elle ne s’inscrit pas dans la même ligne d’idée que celle voulue par Hegel. En faisant les commentaires sur des ouvrages, veuillez les appuyer par quelques citations du livre, avec les références. Ainsi, votre travail serait plus scientifique.
    Merci et une fois encore Félicitations.