Nous recevons pour vous aujourd’hui Mme, Paola Elenga Onimba qui nous parle des coulisses de son premier livre.

BL : Bonjour Madame Paola, en guise d’introduction, nous aurons aimé avoir votre CV, cela nous permettra de mieux rédiger la présentation

PE : Bonjour Monsieur Destin, oui avec plaisir. Moi c’est Paola Elenga Onimba.

BL : Vous avez publié récemment votre premier roman autobiographique qui évoque le décès de votre mère. Qu’est-ce qui vous a motivé à mettre « dehors » ce que vous avez vécu dans le secret de votre cœur ?

PE : Je dirai que c’est une personne qui m’a motivée, ma bonne fée comme je l’appelle, ma marraine à l’approche de mon anniversaire, je pensais à ma maman et le fait que je n’ai toujours pas pu faire mon deuil, et c’est là qu’elle m’avait dit que l’écriture pouvait me soulager et tout simplement l’idée du livre nous est venue.

BL : Après en avoir parlé seize années plus tard, que ressentez-vous ?

PE : Après seize ans je ressens un soulagement, car à travers ce livre, j’ai pu dire avec les mots ce que je ressentais et plus m’ouvrir à mon père surtout, il a pu comprendre ce que j’ai ressenti, comment j’ai vécu cette perte si douloureuse.

BL : N’est-ce pas une auto flagellation que de se donner l’occasion de pleurer de nouveau un événement qui vous a fait mal mais que vous faites remonter dans la sphère de la mémoire et du souvenir ?

PE : Non, je ne dirai pas que c’est une auto flagellation, c’est vrai que ça fait toujours aussi mal, mais remonter ces souvenirs pour être enfin comprise, je dirai que c’est un pas vers la guérison.

BL : Du décès de votre mère, votre entourage fait un mystère. Vous vous heurtez au silence de votre papa. Qu’est-ce que tout cela génère comme sentiments et émotions quand on vous sait bien attachée à votre mère, à en croire votre récit ?

PE : Ce silence génère un sentiment de solitude, on a l’impression d’être abandonné à nous-mêmes et dans mon cas je me suis tout le temps renfermée, j’ai refoulé ce que je pouvais ressentir dans les bons comme dans les mauvais moments.

BL : Votre livre, vous l’intitulez « Une seule vie ». Mais on y voit deux vies qui s’imbriquent et qui prennent chacune sa direction mais pour se rejoindre dans le souvenir de la fille qui pleure sa mère. N’y a-t-il vraiment qu’une seule vie si sur la première de couverture l’on découvre un trousseau qui porte deux clés dont chacune est destinée certainement pour ouvrir une porte bien précise ?

PE : Comme vous le dites, on voit que les deux vies se rejoignent pour ne former qu’une seule vie. Les deux clés représentent l’amour d’une mère et de sa fille qui ne forment qu’une seule vie.

BL : On lit ceci dans le livre : « J’avais l’impression que mon cœur avait perdu une clé et qu’il resterait à jamais fermé. »  Quelles sont les clés qui ont ouvert pour vous les secrets des énigmes que constituent pour vous la vie et la mort, vivre en portant en soi une mort lente et présente qui vous rappelle un vide constant ?

PE : Je dirai que c’est l’amour dans tous les sens du terme qui m’a permis d’ouvrir mon cœur.

BL : Apparemment vous avez remonté la pente puisque vous vous êtes réalisée, vous avez un emploi stable, vous avez fait des études… Qu’est-ce-ce qui vous y a aidée ?

PE : De nature, je ne suis pas une fille qui m’apitoie sur mon sort. Je souffrais de l’absence de ma mère mais je n’ai jamais baissé les bras pour aller de l’avant, même quand j’ai connu des échecs dans ma vie, je me relève assez vite car je veux que ma mère, mon père soient fiers de moi, et j’ai la grâce d’avoir un homme à mes côtés qui me soutient, qui m’aide à ne pas baisser les bras même quand tout va mal.

BL : Ce passage est assez évocateur des frustrations vécues : « C’est le paradoxe du sexe dit fort qui refuse parfois d’admettre sa fragilité alors qu’il est humain comme tout le monde. Le sexe dit fort a peur des émotions, il a peur de se montrer manquant, il veut à tout prix montrer qu’il est viril, il se croit omnipotent, il a peur de donner un peu de lui. Et finalement, il ne donne rien. » N’est-ce pas aussi culturel, quand on dit chez nous par exemple qu’un homme (garçon) ne doit pas pleurer ?

PE : Vous savez, aujourd’hui on a une certaine image faite de l’homme, qu’il doit être fort, qu’il ne doit pas pleurer, qu’il doit être viril et pour moi c’est totalement faux, car un homme aussi a des faiblesses. Il doit pouvoir les montrer ; c’est un humain avec des sentiments, et cette image dans nos cultures poussent certains hommes à ne jamais être eux-mêmes.

BL : Et si on voyait dans le silence du père une manière de ne pas déstabiliser davantage émotionnellement sa fille si cette dernière le voyait pleurer ?

PE : Mon père est très sensible quand on voit un de ses enfants en larme et je sais avec le recul que ce silence, c’était une manière de nous protéger émotionnellement.

BL : « Une seule vie », c’est aussi un chant d’espérance. Que vous inspire l’espérance ?

PE : L’espérance m’inspire des jours plus heureux pour l’avenir. De ne plus connaître la solitude bien que c’est seul Dieu qui décide de notre avenir, mais je prie juste que mes proches soient à mes côtés encore longtemps.

BL : Votre livre met en exergue la puissance de la fraternité. Pensez-vous que cette valeur chère à l’Afrique soit-elle encore à l’ordre du jour dans une société de plus en plus fragmentée à cette ère des réseaux sociaux et du repli sur soi ?

PE : Non je ne pense pas, avec les réseaux sociaux les gens ont tendance à ne plus se livrer comme avant, on ne montre que ce qu’on veut sur internet et de ce fait je ne pense pas qu’une fraternité sur réseaux sociaux soit assez sincères, mais le contraire existe aussi car tout dépend de la relation qu’on peut avoir avec ses frères.

BL : Comment faire pour ne pas faire subir à son enfant un manque d’affection et de présence de sa mère dont on a souffert soi-même ?

PE : Le plus important, c’est de parler avec son enfant et jouer le rôle de la mère qu’elle a perdue, d’être plus complice avec sa fille, d’être là quand elle se posera des questions, installer une confiance entre vous de sorte qu’elle n’ait pas peur de venir vers toi pour te parler quand elle ressent le besoin et tout simplement d’être son papa.

BL : La mort, si vous devez la définir à partir de votre expérience personnelle, que direz-vous ?

PE : Par rapport à ce que j’ai vécu, je peux dire que la mort d’une personne proche de nous, c’est perdre une partie de nous.

BL : Paola, nous tendons vers la fin de cette interview. Dites-nous les difficultés rencontrées dans la rédaction de votre manuscrit et ensuite celles liées à l’édition.

PE : La difficulté lors de ma rédaction était de replonger dans mes souvenirs, les bons souvenirs devenus douloureux que j’avais enfuis en moi, essayer de revoir la petite fille que j’étais, me rappeler des traits du doux visage de ma maman ; son sourire, sa voix ont été tellement douloureux. Je pleurais chaque soir quand j’écrivais, mais aujourd’hui en lisant ces mots, je ressens plus d’amour que de tristesse.

BL : Comment les lecteurs ont-ils reçu votre livre ? Avez-vous des retours de ces derniers ?

PE : Nombreux l’ont reçu par la poste et certains remis à main propre. Oui, beaucoup de gens ont dit comprendre certains secrets de famille et ce que le deuil pouvait faire à enfant… , mais tous retiennent que ce livre se termine bien, que la petite fille qui pleurait sa maman soit aujourd’hui une femme heureuse et comblée.

BL : Après « Une seule vie », à quoi devons-nous nous attendre ?

PE : Rire… On me pose beaucoup cette question, mais pour l’instant il n’y a rien de prévu.

BL : Des personnes à remercier et les liens et contacts possibles pour accéder à votre livre ?

PE : Oui je remercie tout particulièrement Natacha Pemba ma marraine, sans qui ce projet n’aurait pas pu aboutir, mon père d’être aussi fier de sa fille ainsi que tous mes proches.

https://livre.fnac.com/a14865924/Paola-Elenga-Onimba-Une-seule-vie

https://www.laboutiqueafricavivre.com/livres/111370-une-seule-vie-9782376380443.html

BL : Votre mot de fin

PE : Je dirai à tous les parents qui pourront me lire de ne pas hésiter de parler de la mort d’un proche avec leur enfant, un enfant n’est pas trop fragile, un enfant peut comprendre et faire face à une situation avec beaucoup de détachement par rapport à un adulte, accompagnez vos enfants pendant un deuil. Ils ont besoin de vous.

Et je vous remercie BL de m’avoir reçue et je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé.