INTRODUCTION

Apres avoir parcouru cet ouvrage j’avoue que j’ai pris le soin de retourner à mon dictionnaire afin de repréciser à mon intellect ce que l’on  pouvait entendre par « technologie ». « Ce peuple avait la technologie » D’accord ! Admettons. Mais de quel peuple parlons-nous ? Et de quelle technologie il s’agit ici? Telles sont les questions qui jaillissent de mon esprit appelé à vous faire part du contenu de cet ouvrage forgé de mains d’ingénieur par Delano HOUNTIN KIKI. Lorsqu’on s’en tient à la première de couverture de l’œuvre, on se rend compte sans être médium que l’auteur installe son intrigue sur le continent africain représenté par une carte d’Afrique frappée à son centre de trois cauris dessinant un visage humain. Il est paru aux éditions Cesames en France.

« Ce peuple avait la technologie » Une fois encore, d’accord !  Delano Delano HOUNTIN KIKI nous scande qu’un peuple africain, celui de N’gozie avait la technologie. Ce peut paraitre une moquerie si l’on considère la situation de sous-développement dans laquelle végète l’Afrique. Mais attention ! Delano HOUNTIN KIKI prend bien soin de conjuguer l’auxiliaire « avoir » à l’imparfait de l’indicatif. Ce peuple a peut-être eu la technologie. Soit ! Qu’est ce qui nous prouve qu’elle en dispose toujours ?

RESUME DE L’OUVRAGE        

Nous sommes en Afrique. Au cœur des traditions ancestrales qui régissent la vie en communauté. Ici, tout est traditionnel et pourtant tout semble si moderne. Tout vit, et tout meurt mais tout semble avoir une explication. « Dans notre village, certaines personnes sont dotées des yeux aussi perçants que ceux du lynx.  Ils arrivent ainsi à voir tout ce qui se trouve dans un organisme vivant (…) » (quatrième de couverture). C’est  e visage d’un village où échoua Focus, un jeune blanc que les vagues ont bien voulu sauver après le naufrage de son embarcation. Il sera recueilli par N’gozie un chasseur qui le transporte au village où il sera pris en charge par le guérisseur de la communauté BABA ATTIN. Le vieillard aux yeux de lynx n’eut aucun mal à lui détecter trois fractures au niveau de la jambe. Focus ne pouvait croire à cette performance sans soulever des questions. « Comment le vieillard fit-il pour savoir que son pied a subi exactement trios fractures ? » Se demanda Focus. Une interrogation à laquelle il formule une hypothèse : « cela ne peut qu’être qu’une forme de radiographie (page 18) » Durant tout son séjour au village africain, Focus sera le témoin vivant et oculaire d’un certain nombre de pratiques se rapportant exactement aux nouvelles technologies dans divers domaines : médecine, sécurité, communication etc…Content d’avoir vu les visages des membres de sa famille qu’il a laissée depuis plusieurs jours, grâce au génie du vieux ATTIN, Focus s’exclama : « Dans mon pays on appelle cela la webcam. Vous disposez dans cette contrée d’une interface vidéo utile. » (Page 75)

Ainsi était fait le séjour de Focus au milieu des villageois. Découvertes, étonnements, questionnements et conclusions comparatives meublaient son séjour au quotidien. Focus fera ses adieux à Jioco son ami et interprète tout en promettant revenir pour commercialiser ce savoir-faire qu’il a découvert.

ETUDE DES PERSONNAGES PRINCIPAUX

N’gozie : Chasseur, il retrouve Focus sur la berge du retour de la chasse. C’est un symbole d’hospitalité. Il prend pitié du naufragé et l’amène au village où  il sera pris en charge.

Jioco : Jeune, il sert d’interprète à Focus. C’est la figure intellectuelle du village. Il sera le plus proche de l’étranger durant son séjour.

Baba ATTIN : C’est le symbole vivant de la technologie africaine dont nous parle l’auteur dans son ouvrage. Il est la clé de toutes les énigmes soulevées par Focus tout au long de son séjour dans le village. Il retrouve les voleurs, facilite les naissances, détecte les fractures etc… C’est la figure de cette science et de savoir-faire exclusivement africains que l’auteur essaie de faire connaitre au monde.

Focus : Il est victime d’un naufrage et sera secouru par N’gozie le chasseur. Dans cet ouvrage il revêt le visage du premier colon qui découvre pour la première fois les merveilles de l’Afrique. A travers sa position dans cet ouvrage on lit clairement le retour à l’histoire de l’Afrique avec les colonisateurs.

ETUDE THEMATIQUE

La connaissance africaine, un échec pour l’école du blanc: Le  champ de la connaissance est vaste et demande une main d’œuvre assez conséquente pour son exploration. Cette connaissance prend en compte savoir-être et savoir-faire. Elle regroupe savoir endogène et savoir scolaire. En ce qui nous concerne ici, il s’agit d’un savoir-faire endogène. La question est de savoir s’il l’on entend par savoir-faire endogène la vraie connaissance. L’Afrique a son savoir-faire et il n’est aucun doute que le monde entier en a conscience en ce XXIème siècle. Ce savoir-faire se perçoit en termes de connaissance. La connaissance dont nous parlons est souvent diabolisée et laissée de côté par les africains eux-mêmes. Au titre de ces connaissances nous avons le Fa, un art divinatoire. Une science. L’auteur ici tente de mettre l’accent sur cet aspect à travers les  mots de son personnage Focus.  « Vous n’aurez jamais la connaissance à cette allure. (Page 114) » De quelle connaissance parle-t-il? se demanderait-on. Focus parle de la connaissance de la science africaine. La connaissance des plantes, le Fa etc… Focus poursuit sa mise en garde un peu comme pour insister sur sa thèse : « Elle ne se trouve pas à l’école. ». Pour le lecteur averti, cette phrase et le couteau qui vient ensanglanter la plaie. Focus affirme ouvertement que l’école du blanc ne fournit pas cette forme de connaissance. Un échec pour la  célèbre école du colon. Le blanc ne détiendrait donc pas le monopole de la connaissance comme on a longtemps essayé de nous le faire croire. L’homme noir a longtemps été vu comme un barbare sans cervelle. Incapable de penser par lui-même, insensible à la contradiction, incapable d’abstraction, donc incapable d’accéder à la moindre connaissance. Qu’il nous en souvienne l’épisode de la philosophie africaine avec le Révérend Père Tempels dans sa théorie de « La philosophie bantoue« , Paulin HOUNTONDJI, in « Sur la philosophie africaine« , Martien TOWA, et son « Essai sur la problématique philosophique dansl’Afrique actuelle« , et bien d’autres, suite aux allégations de Lévy-Bruhl concernant la soi-disant « mentalité primitive » des noirs (cf. Sur la philosophie africaine, Paulin HOUNTONDJI). Delano contribue à briser cette image qu’on se fait des noirs en mettant Focus dans une position de reconnaissance de la science du noir. Il est un symbole de vérité et de reconnaissance de la capacité de l’Afrique à produire et enseigner une connaissance au monde blanc. C’est un message fort. Une chose est sure, l’école du colon ne l’enseigne pas encore.

L’hospitalité africaine : L’Afrique est hospitalière. L’auteur le matérialise ici par le geste de N’gozie à l’endroit de Focus. La même chose se remarque chez Jioco qui devient carrément son interprète. Les villageois lui font confiance en lieu montrant les aspects les plus vitaux de leur communauté. Focus en prend acte, fait des comparaisons et décide de les exploiter. C’est bien d’être chaleureux envers un étranger. C’est un coté non négociable chez le noir. Le noir accueille, le noir fait confiance. L’auteur a le mérite de faire ressortir tous ces aspects du caractère africain. Il a encore plus le mérite de soulever une question peut être involontairement : « L’hospitalité n’est-elle parfois la source des problèmes de l’Afrique ? »

QUELQUES OBSERVATIONS

« Vous n’aurez jamais la connaissance a cette allure » (page 114) « Elle ne se trouve pas à l’école. » Qui parle ici ? L’auteur ou Focus ? On se le demande vraiment. Mais soyons conséquent et répondons à cette interrogation sur la base des faits d’une part, avant de nous lancer d’autre part dans une chasse aux non-dits d’un auteur qui a pour l’Afrique des rêves aussi grands et immenses que le Kilimandjaro. Partant de ce principe, la réponse est la suivante à première vue : c’est Focus qui parle. On est donc amené à croire que le blanc colonisateur d’hier se donne pour mission d’ouvrir les yeux de l’africain qui ne serait pas conscient de l’étendue de ses connaissances. Ironie ou déni ? Parce qu’il ne faudrait pas trahir l’histoire en présentant le colon toujours sous la version authentique du messie qui apporte le salut alors que nous savons tous qu’il n’en est qu’une pâle copie erronée sur les bords. Dans cet ouvrage, Focus revêt le séculaire manteau du colon mal intentionné. L’auteur aurait mieux fait de le laisser dans sa posture d’ange étonné de voir qu’en enfer le paradis s’est fait chair. Mais Delano va plus loin et tente de rester fidèle à l’histoire. N’est-ce pas que le blanc reviendra pour commercialiser ce savoir-faire qu’il a découvert ? « NOUS viendrons installer une entité de sauvegarde et de commercialisation de ce savoir-faire endogène. (Page 112) », affirme Focus. Un NOUS qui en dit long sur l’histoire après la découverte des nouveaux mondes par les colons. Mais dans cette posture, l’auteur fait un transfert qui se comprend plutôt mal. Le colon d’hier devient objecteur de conscience à la fin de l’ouvrage : « Vous n’aurez jamais la connaissance à cette allure. Elle ne se trouve pas à l’école (page 114) ». De quelle allure nous parle-t-il ? Celle qui consistait à traiter nos ancêtres de barbares lorsqu’ils refusaient d’envoyer leurs enfants à l’école, certainement. Une fois encore, ces propos sont mal entendus, venant de Focus. Ce qui nous pousse à conclure que ce n’était pas Focus qui parlait mais Delano, l’africain qui parlait en son personnage. Et c’est là que l’envie me prend de m’écrier à l’endroit de l’auteur : Bien tenté ! Mais le manège ne fonctionne pas cette fois. Focus, qu’on le veuille ou non incarne un passé évocateur des années de souffrance, de racisme et de tromperie orchestrées par l’homme blanc. L’intention de l’auteur semble floue en fin de compte. Cherche-t-il a attirer l’attention sur les richesses et connaissances de l’Afrique ou se contente-t-il de remuer le couteau dans une plaie infectée ? Le débat reste ouvert.

CONCLUSION

Toute proportion gardée, il faut reconnaître à l’auteur son travail d’analyse et de réflexion sur la connaissance africaine et ce qu’elle représente. Ce peuple avait la technologie. Une technologie restée à l’état primitif dans ce village. Mais aujourd’hui où en sommes-nous ? Une interrogation qui mérite réponse. Toutefois, l’auteur aurait mieux fait de ne pas donner un si grand rôle à focus dans l’éveil des villageois sur l’importance de ce qu’ils détenaient comme connaissance. L’africain a franchi ce cap. C’est notre avis sur ce travail immense d’écriture. La discussion reste ouverte. Est-ce encore au Blanc de nous dire ce que nous avons de bien et potable? En attendant, lecteurs, lisez cet ouvrage et engageons le débat.

Cyriaque ADJAHO