BL : Bonjour monsieur Mamadou Baba Dieng. Nous sommes heureux de vous recevoir sur notre blog. Veuillez vous présenter à nos chers lecteurs.

MD : Bonjour chers lecteurs, je me nomme Mamadou Baba Dieng, né à Cas- cas et grandis à Dakar. Je fus un pensionnaire de l’université Gaston Berger de Saint-Louis. J’y ai obtenu un master en master en droit  (spécialisé en fiscalité des entreprises).

BL : Qu’est-ce que cela signifie pour vous que d’être jeune poète originaire du pays de Senghor?

MD : Je pense que ça nous rend fier. Vivre sous les mêmes ciels que Senghor a vécus est une chance surtout pour tout poète. Et quand nous poétisons, cela nous devrait pousser à emprunter une poésie qui est nôtre, adaptée à nos traditions, à nos rythmes socioculturelles. Chaque poète devrait être le reflet de sa culture, comme Senghor l’a été. En tout cas, je me prépare à ça, personnellement.

BL : Que vous inspirent ces mots de Ouzin : « Cascas est à Dieng, ce que Joal est à Senghor. « 

MD : Je pense que le petit fils de Moumini (en parlant de Ouzin) a du remarquer des rapprochements entre le poème « joal » de Senghor et celui de Dieng de CasCas. Si l’un chante son royaume d’enfance l’autre se berce dans son berceau d’enfance.

A la places des « voix païennes », des « processions »,  « palmes », « danses  nubiles », et les « arcs de triomphe » tant chanté par le poète sérère, le poète peul se rappelle les moindres détails de ses souvenirs : « son lance pierre écrasant la tête des manges-mil virevoltants autour des épis de maïs … », il se rappelle lui-même : «rampant, marchant, courant nu entre concessions, forêt et fleuve » et Senghor comme Dieng assimile la terre natale à la femme.

BL : Vous êtes juriste fiscaliste. Et vous voilà poète, auteur d’un recueil de poèmes. Comment ce glissement s’est-il produit ?

MD : Fallait me demander comment un poète est devenu juriste-fiscaliste (rires)

Elle m’a pris par surprise. Quand ? Je ne sais pas. Mais depuis on s’enlace et elle ne se lasse jamais de moi.

BL : Pourquoi la poésie plutôt que l’essai par exemple pour dire l’Afrique et la présenter telle qu’elle est réellement ?

MD : Dans l’esprit du cœur, J’ai essayé de reproduire fidèlement « les peines à la fois romantique et cruelles emmagasinées dans mon cœur », et je ne pouvais y arriver que par le biais de la poésie. Dans la même lancée, Elisabeth Bishop, en parlant de la poésie de Marianne Moore écrit : « la poésie est merveilleusement visuelle, si elle décrivait une chaise, on pouvait s’asseoir dessus. »

BL :  « L’Esprit du cœur ». Tel est le titre de votre premier recueil de poèmes. Dites-nous, monsieur Baba: le cœur a-t-il un esprit?

MD : Je me conforme à l’idée que ce livre est une reproduction du réel, une vraie œuvre photographique. En ce sens il faut comprendre que je décline toute pensée ou considération extérieure pouvant corrompre « mes états poétiques » alors je m’y engage instinctivement en puisant dans mon cœur. Alors dans ce recueil, le cœur n’est qu’une sorte de mémoire de l’esprit.

BL :  Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire et surtout à publier ce recueil de poèmes ?

MD : Comme tout enfant africain, j’étais prédisposé à devenir un artiste.

 Entre rires et sanglots, je me suis consolé dans les bras de la poésie. Jamais je n’ai connu un meilleur réconfort !

BL :  Quelle est la place de la végétation et de la volière dans votre poésie ?

MD : Ma rêverie me mène dans un cercle de plus en plus restreint où l’être chanté est réduit et se confond à la botanique ou aux oiseaux. Respirant et animé d’un souffle divin mystique, ils constituent l’accord parfait entre les hommes et la nature.

BL :  Pour vous qui vous le proclamez, qu’est ce qu’être sentimentaliste ?

MD : Quand je me proclame sentimentaliste, je me range dans mes états affectifs en mettant en avant l’importance de mes émotions et de mes sentiments en y accordant une piètre importance à la raison. Je pense que c’est la raison d’être même de l’esprit du cœur.

BL :  Vous dites ne pas prêter allégence ni aux romantiques, ni aux symbolistes, comment qualifierez vous esthétiquement votre poésie ?

MD : « Et pourtant ni le mystique des symbolistes/ ni la soyeuse plumes des naturalistes/ je ne porte allégeance ». Les classiques sont les grands commenceurs et nous de simples suiveurs ; nous les lisons. Mais cela ne veut pas dire qu’ils doivent être omniprésents dans nos écrits. L’originalité est la marque du poète qui veut se distinguer dans la foulée.

A entendre ce que les autres poètes disent de moi ou l’interprétation qu’ils ont de ma poésie , ça laisse penser que je suis un romantique ou du moins j’essaie de l’être.

BL : On observe dans la forme de vos écrits souvent le long verset négro-africain. À quoi sous-tend cet usage ?

MD : Le verset me donne des ailes et je me donne des libertés. Chaque poète peut faire sienne cette forme poétique, il n’est régi par aucun code ou défini par aucun art poétique. Parfois je suis essoufflé par les rimes et le poète se veut libre.

BL : Dites-nous comment vous jonglez entre la sincérité que vous devez à votre lectorat et la dimension sacro-sainte des portraits de famille que vous dressez dans vos poèmes ?

MD : C’est simple. J’écris ce que je ressens d’eux en refoulant tous jugements extérieurs, pouvant trahir les sens de mes pensées, de mon inspiration.

BL :  Que représente Amadou Hampaté à vos yeux? Pourquoi ?

MD : Il est le poète, l’historien, le conteur et le romancier jamais égalé chez les peulh. Si les sérères se voient en Senghor, nous nous voyons en lui. Amadou Hampaté est la représentation physique même de la culture peul.

BL : Comment justifiez vous l’emploi récurrent du subjonctif dans vos textes ?

MD : Je fais usage de ce temps, je ne le nie point !

Et peut-être c’est le fait qu’il soit le « mode de l’amour » (Erik Osserna)  qui justifie que je l’aime à ce point.

BL :  Quelles sont les fleurs qui poussent dans le jardin que vous cultivez dans votre tête ?

MD : Je dirai toutes les fleurs du monde, la botanique n’a pas de frontière dans ma poésie. Quand je chante une personne qui demeure loin de moi, je l’identifie aux fleurs qui poussent à l’endroit où il ou elle vit.

« Dans ma tête s’élève un jardin, et dans ce jardin poussent des fleurs ;

Et chaque jour, à l’aube, je m’y rends pour cueillir à la volonté de mes sentiments, une rose : blanche ou rouge. »

BL :  Vous abordez sans ambages l’homosexualité. Quelle lecture socioculturelle pouvez-vous faire de cette réalité dans la société sénégalaise ?

MD : C’est un phénomène qui prend de plus en plus de l’ampleur presque dans toutes les sociétés du monde. S’il est toléré dans certains pays, il faut le reconnaitre qu’il est répugnant et inconcevable aux yeux des sénégalais. Banni par l’Islam et le Christianisme, ceux qui le pratiquent ne sont pas prêts à s’afficher publiquement au risque de subir la furie des hommes et cela malgré les libertés individuelles chères à la constitution.

BL :  Qui scrute votre recueil est tenté de vous demander la place du sexe et de l’érotisme dans votre production littéraire. Car au même moment que vous semblez fustiger la fornication et tout ce qui tourne autour, vous portez en triomphe l’érotisme. N’est-ce pas contradictoire?

MD : Le sexe et l’érotisme y occupe une position essentielle. Il faut dire que l’être aimé se confond avec la vision érotique de ma poésie. Le symbolisme du sexe apparait dans l’esprit du cœur associé à la gestation ; à la génitalité et à la fécondation ; toutefois la fonction sexuelle dépasse la dimension humaine avec sa recherche du plaisir ou de procréation pour s’élargir à une vision cosmique et tellurique.

Et je pense qu’il n’y a aucune contradiction dans la mesure où je refuse toute distinction classique entre l’Eros et l’agapè et fustiger l’adultère dans l’esprit du cœur n’est qu’autre forme de rappeler à l’homme, la valeur religieuse de l’amour qui ne doit jamais être dissociée de sa valeur sensuelle.

BL :  L’Esprit du cœur. Que répondriez-vous au lecteur qui pense que ce livre se situe aux confins de la métaphysique et de sensualisme ?

MD : Le poète africain cultive l’émotion et sa création artistique suppose une transformation radicale du réel et Senghor même nous précise que ce réel est la force vitale de Dieu et si certaines notions métaphysique comme  les anges, la mort, etc., apparaissent dans le recueil, c’est parce que nous avons le pouvoir naturel de concilier toutes les forces vitale de l’univers à la femme. Elle incarne les aspirations spirituelles en même temps que les désirs sensuelles.

BL :  En publiant ce livre, qu’attendez- vous des lecteurs ? Que pensez-vous qu’ils attendent de vous?

MD : Ecrire c’est une manière d’orienter les élèves, les passionnés du livre vers la lecture.

On se doit d’être à la hauteur, produire  de la qualité et non produire pour être appelé  ‘’poète’’ ou quelque chose de ce genre.

BL :  Le livre est-il disponible dans votre pays? Êtes-vous satisait de la communication que fait votre maison d’édition autour de votre livre ? Qu’auriez-vous souhaité davantage ?

MD : La disponibilité du livre peut faire défaut. La plupart du temps, il y’a rupture de stock. Des lecteurs se déplacent pour aller l’acheter, mais ne le trouvent pas. A mon niveau, je pense que la maison d’Edition est plus capitaliste qu’éditeur ou du moins elle s’investit plus sur la première fonction que sur la deuxième. Nous aurions souhaité qu’elle continue de nous accompagner même après la publication du livre surtout nous les jeunes.

BL :  Quels sont vos projets ? A quoi devons-nous nous attendre après L’ESPRIT DU CŒUR ?

MD : Nous travaillons sur d’autres œuvres et nous sommes tentés de découvrir d’autres genres littéraires aussi. Nous y travaillons patiemment.

BL :  Votre mot de la fin

MD : Quelle que soit la valeur d’un présent fait à un homme, il n’existe qu’un mot, pour témoigner  la reconnaissance inspirée par la libéralité et ce mot est : Merci ! ( AHB).