Bonjour les amis. Voici l’intégralité de la nouvelle de la semaine du 06 au 11 Novembre 2017 sur votre blog : « Missouwa » de Myrtille Akofa. Bonne lecture à tous et à chacun en compagnie de http://biscotteslitteraires.com/.
Missouwa
Missouwa, femme africaine
Au regard de jais
Le soleil pâlit à chacune de ses apparitions pour lui faire honneur
Cou strié, doté d’un collier naturel qui nourrit l’envie chez ses semblables
La terre fière, de porter une telle merveille remplit son sein de chacun de ses pas
Silhouette sculptée, elle est frisson qui nourrit l’homme découvrant son existence et en fait sienne
La lune chuchote aux conteurs que quand Missouwa passe le matin, elle ne peut résister à ses déhanchements qui font de son postérieur tout un art qui ne prend fin qu’à la tombée du jour.
Elle aurait hérité du nom des treize fesses, en souvenir des treize collines de sa région natale qui, jalouses de tant de beauté, firent un rang régulier pour aller mourir dans une grotte.
Telle était Missouwa, source intarissable de prestance et de joie de vivre. Les éléments de la nature se sont prêté main forte pour la doter d’excellents atours. Rayonnante, d’un sourire bercé par des lèvres charnues, auréolées de ses ivoires taillés en dents alignées avec minutie. De grands yeux à l’iris d’un blanc de lait que logent deux pupilles noirs brillants. La générosité du Créateur était sans bornes en faveur de Missouwa. Elle a une taille fine et longiligne. Grande et svelte, symbole vivant de la beauté, elle chantait. Missouwa, a une voix veloutée et chatoyante, une voix aux tonalités précises et envoûtantes. Elle détenait le souffle, porteur de ses envolées. Elle chantait et créait ses chansons de jour comme de nuit. Elle chantait et créait des sensations.
Missouwa vivait de son art dans une paisible contrée édénique. La végétation luxuriante offrait ses senteurs vivifiantes à l’inspiration. Les pluies bienfaitrices apportaient toujours avec elles un bel arc-en-ciel, toit de nouvelles récoltes. Chaque jour était le précieux cadeau que ce majestueux soleil apportait au pied des hommes. C’est ce pays qui vit grandir Missouwa et son talent. Elle voyageait pour faire vivre ses chansons aux quatre coins du monde. Elle aimait faire danser ses admirateurs, ses spectateurs et ses soupirants.
Généreuse, toute note qu’elle distillait était une fleur portée aux oreilles des Hommes. Nuit d’ivresse. Tournis d’émotion. Ce soir de Novembre avait été une des plus belles que la chanteuse vécut de sa carrière. Elle avait fait salle comble et avait suscité tout une liesse autour d’elle. Les spectateurs en redemandaient encore tant sa voix était mélodieuse. Missouwa, après deux heures enfiévrées par cette communion avec ses fans, retrouva sa loge. Ils se bousculèrent encore devant sa porte pendant une heure pour des autographes et des félicitations. C’était vraiment une raison de vivre ces fois où elle voyait la joie sur tous ces visages inconnus d’elle. Simin et Sènou faisaient une bousculade monstre pour se glisser jusqu’à la loge de la chanteuse mais n’y parvinrent pas. Ils étaient deux cousins qui voulaient impérativement parler à Missouwa. Celle-ci, changée et remise de frais, se faufila par sa porte dérobée qui la menait à sa voiture. Arrivée à destination, épuisée, elle n’aspirait qu’à un repos réparateur. Elle rentrait à peine son véhicule, quand deux hommes s’arrêtèrent juste derrière elle. Ils étaient venus solliciter Missouwa pour les funérailles de la mère de Sènou, riche, bel homme et très travailleur.
S’il y avait une chose que Missouwa peinait toujours à faire et refusait de s’y adonner, c’était de chanter à des cérémonies funéraires. Elle jugeait que par respect pour le défunt, point besoin d’éclats ni de fastes. Il fallait juste l’inhumer et prier pour le repos de son âme. Elle avait en aversion les démonstrations d’opulence, les dettes faramineuses engagées à cet effet pour satisfaire le goût jouissif des endeuillés qui très tôt, oubliaient les pérégrinations du disparu sur terre alors qu’il ne bénéficiait d’aucune générosité de leur part mais devait subir à sa mort un étalement théâtral de compassion et de réjouissances en son honneur. Pourtant Simin et Sènou étaient venus pour ça. Pour solliciter les talents de Missouwa pour les cérémonies de la défunte décédée depuis un mois. Ils étaient venus du pays voisin et souhaitaient une fin glorieuse pour leur parente. Dès leur entrée, Sènou fut frappé par la sobriété de la demeure de la chanteuse mais aussi par sa beauté spectaculaire. Il l’observait beaucoup et parlait peu. Après les salutations d’usage, elle entama :
-Que puis-je pour vous ?
Sènou, plongé dans ses pensées, entendit à peine la question à laquelle Simin s’empressa de répondre :
-Nous souhaitons vous voir chanter aux funérailles de ma tante, la mère de Sènou.
Il lui lança un regard que son cousin acquiesça, puis il continua :
-La cérémonie est dans une semaine et nous y mettrons le prix qu’il faudra.
Il se tut pendant de longues secondes puis demanda :
-Combien voulez-vous ?
Sènou, un peu distant jusqu’alors reprit très vite :
-Madame, veuillez bien accepter de vous joindre à nous en ces moments douloureux.
Sènou avait veillé sa mère jusqu’à son dernier souffle. Atteinte du cancer du sang, elle avait souffert en silence le mal lancinant qui l’avait rongé jusqu’au dernier moment. Elle était la seule famille proche qui restait à Sènou. Missouwa répondit :
– Je suis bien honorée que vous vous soyez déplacés jusqu’ici pour me solliciter, mais je dois vous dire que je ne chante pas aux cérémonies de décès.
Simin écarquilla de grands yeux ronds, promena un regard méchant dans tout le séjour et toucha son cousin avec de petites tapes :
-Viens, on s’en va.
Il se levait déjà de toute sa lourdeur pataude et prit le chemin de la sortie. Sènou le héla et l’apaisa :
-Simin, calme-toi. Nous allons en parler.
Il se retourna vigoureusement.
-Parler de quoi ? cria Simin. Je te l’avais dit. Je t’avais dit que cette dame, aussi célèbre soit-elle, sélectionnait ses contrats.
Il lança encore un regard de biais à l’appartement et sortit à grandes enjambées. Missouwa, imperturbable, ne pipait mot. Elle souhaitait qu’ils prennent départ pour se reposer car elle était vraiment à bout de toute force utile.
Simin était un de ces hommes sur lesquels on ne compte pour rien. Son esprit était à l’image de son corps. Mal proportionné et mauvais. Bavard et sans retenue, il veut montrer une richesse qu’il n’avait pas. Il n’a rien et ne sait rien. En termes de savoir vivre, il a manqué sa part quand on en distribuait aux humains. Il ressemblait à un tonneau vide. Il était un tonneau vide, faisant du bruit dès qu’un simple caillou qui le touchait et bavait à chaque mot qu’il sortait. Atteint d’une calvitie qui l’enlaidissait de jour en jour, ses pas étaient lourds, on eût dit que la graisse dégoulinait de lui quand il marchait, tellement ses gestes étaient maladroites.
Les deux hommes prirent congé de Missouwa. Dès qu’ils démarrèrent leur véhicule, ils éclatèrent d’un rire tonitruant. Ils s’emplirent d’un gros rire, de ce rire qui fait suer et sortir des pets discontinus. Leur rire était un mélange massif de tristesse et d’espièglerie. Ils roulèrent longtemps sans arrêt et s’enfonçaient de plus en plus aux confins de la vie. Là où les habitations se raréfiaient et la végétation faisait loi. Il n’y avait plus d’hommes sur le chemin, mais rien que des arbres et quelques insectes qui, projetés par le vent venaient se coller au pare-brise de la voiture. Le silence rythmait leurs respirations à peine audibles. Dès que leurs regards se croisèrent, le fou-rire les prenait de plus belle. Sènou faillit manquer un virage. Il n’y avait pas de mots pour décrire leur euphorie. Ils étaient essoufflés, à bout d’émotion et fiers de leur visite à Missouwa. S’ils pouvaient, ils s’arrêteraient pour risquer quelques pas de danse. On eût dit qu’ils étaient seuls sur la terre. La nuit était opaque et muette. Aucune lune ne perçait son habit lugubre. Aucun bruit ne s’aventurait dans cet espace hostile aux êtres vivants L’air frais et bienfaisant offrait sa présence. Rien de cet aspect de la nature n’effrayait les deux compagnons. Ils étaient comme des parents de la nuit tant ils étaient sereins pendant le voyage et ne craignaient rien. L’asphalte de la route trompait le calme de cette nuit par leur rire et le vrombissement de leur véhicule. Peu à peu, le calme de la nature laissa place à une atmosphère lourde et chargée. Ils riaient moins maintenant et se rapprochaient de plus en plus du seuil du cimetière.
Missouwa, après le départ de ses hôtes, frissonnait et transpirait. Une odeur familière et insistante lui parvenait. Elle était perdue, désorientée. Plongée dans un état second, elle se déshabilla lentement. Dans des gestes lents et précis, elle offrit au miroir un corps parfait. Une croupe galbée qu’enveloppait son sous-vêtement. Elle se sentait vue. Regardée. Observée. Son miroir lui renvoyait une image où on l’admirait. Un regard pesant et froid flottait dans l’air. Elle avait subitement envie de revoir son mari. De le toucher, de lui parler. Depuis deux ans où il était parti, elle ne se faisait plus désirer. Elle fit de son corps un sanctuaire où rien ne le souillait, où rien ne perturbait cette âme qui la tenait. Missouwa hoquetait et pleurait maintenant. Le départ de Simin et Sènou l’avait profondément attristée. Elle aurait voulu les rattraper. Elle sentait un détachement évident entre elle et ces deux hommes. Comme s’ils venaient de rompre à jamais ce qui les avait liés. Elle pleurait toujours fort et faisait le tour de sa chambre. Il n’y avait ni souvenirs ni objets du passé. Elle s’était soigneusement débarrassée de tout ce qui lui rappellerait ses maris défunts. Elle s’allongea, affaiblie et fatiguée. Ses paupières se fermèrent malgré elle et malgré ses soupirs. Son sommeil était profond. Elle dormait à poings fermés et revit ses deux époux en rêve. Missouwa est veuve depuis deux ans. A nouveau veuve. Elle connut Karim, son premier mari dans un train en partance pour la montagne. Karim aimait intensément Missouwa. D’un amour sans nom. D’un amour que seuls les livres décrivaient avec brio. Il la comblait de tout ce dont une femme pouvait rêver. Ils étaient à eux seuls, le symbole du paradis. Il lui vouait un respect profond et lui dévouait sa vie et ses peines. Ses peurs et ses forces. Pourtant la mort tapie en lisière de la brève existence de Karim le guettait pour l’étrangler. Il succomba à une simple colique un après-midi de pluie. Missouwa enceinte de trois mois, revenait du marché toute joyeuse de revoir son homme. Elle marchait doucement et chantonnait à tue-tête une de ces créations. Quand elle franchit sa porte, elle vit Karim livide et allongé au sol. Elle tomba brusquement à ses côtés dès qu’elle sut la mort de son mari. Une mare de sang se formait sous les deux époux. Le portail ouvert fit voir deux corps inertes allongés. Les voisins accoururent. Missouwa vivait encore et avait perdu le bébé. Effondrée, elle finit mal ses deuils. Elle décida de vivre au bord de la mer. Elle pensait que Karim lui parlerait toujours à travers les vagues. Elle passait des heures à regarder l’horizon lointain comme si il lui ramènerait Karim. Elle écrivait ses chansons en parlant à la mer, en l’écrivant.
Endormie un soir sur le rivage, Missouwa épuisée par son chagrin dormait. La marée monta, grimpa ses retranchements et fit une embardée. Missouwa fut prise et projetée dans le néant de l’océan. Elle pensait flotter et se réveilla en sursaut de son sommeil. Missouwa rêvait. Ou plutôt pensait à sa vie. Elle regardait maintenant le vide. Un hululement de hibou la replongea dans ses pensées. Elle revit l’image de celui qui deviendrait son second mari. Simènou. Simènou l’avait sauvée in extrémis d’une noyade certaine quand la mer l’avait happée dans son courroux. Il aimait la mer comme on aimait manger. Il y allait tous les jours depuis sa tendre enfance. On dirait que les deux éléments se parlaient. Simènou et la mer. Ils se comprenaient sans mot et s’étaient apprivoisés. Il devint le refuge de Missouwa. Il écoutait surtout ses silences et lui parlait par le regard ou les signes. Simènou était muet depuis sa naissance. Il ne parlait pas. Aucun son ne sortait de ses lèvres. Il regrettait souvent cela. Et encore plus quand il fallait être avec sa Missouwa. Le manque les rapprocha. Les mois offrirent une harmonie bénéfique au couple. Ils vivaient mieux leur chagrin à deux. Missouwa se consolait de la disparition de Karim et Simènou se sentait responsable de Missouwa. Les années défilèrent comme d’habitude. Les moments de colère du couple étaient ceux où chacun retrouvait sa mer. Karim s’y plongeait. Missouwa l’observait. Un jour, il partit nager mais ne revint plus. Sa mer l’avait repris. On retrouva son corps inerte, le troisième jour après sa disparition. Missouwa venait de perdre son second mari. Elle décida de quitter la bordure de la mer pour se réfugier au centre-ville, au centre des bruits et des klaxons, au cœur des tumultes et de la circulation.
Simin et Sènou retrouvaient leurs habitudes en ces lieux. Ils étaient tous deux adossés au mur de la clôture du cimetière et scrutaient le ciel. C’était le lendemain de la Toussaint. Deux heures du matin. Calme de cimetière. Les ombres erraient dans l’enclos à elles dédié. Le gardien des lieux, le vieux Yèdji entendit une discussion à glacer le froid. Il avait l’habitude de les entendre du haut de ses 70 ans. Voilà 40 ans qu’il travaillait en ces lieux. Il s’était tellement habitué à la ville des morts qu’il ne les quittait plus. Il vivait plus avec eux qu’avec tout autre être vivant. Il entendait souvent le marché s’animer. Il entendait les bonnes dames deviser sur leurs marchandises comme si elles étaient dans la vraie vie. Il recevait même la visite d’Afi qui lui demandait de l’épouser chaque nuit. Dès deux heures du matin, Yèdji guettait Afi qui venait lui faire sa cour. Elle avait une voix à peine audible et disait souvent en Mina :
-O man dé mu aa ? mou lon woooo. Pourquoi ne veux-tu pas de moi ? Ne suis-je pas assez bien pour toi ? Epouse-moi Yèdji. Je veux être à toi. Elle répétait les mêmes phrases chaque nuit et dans ce même ordre. Yèdji répondait toujours :
-Huumm
Il lui était impossible d’accéder à la demande d’Afi. Ils étaient de deux mondes différents. Même s’ils se tenaient compagnie, rien ne pouvait les unir dans le monde des hommes. Il aimait qu’elle soit là, il aimait l’écouter. Elle lui racontait sa vie antérieure. Comment elle trouva la mort du fait de la jalousie de sa coépouse qui l’avait aspergé d’acide parce qu’elle avait dormi avec leur époux le jour où il ne fallait pas. Elle était une ancienne prostituée qui trouva l’amour et quitta son job. Parfois, elle pleurait et suppliait Yèdji de l’emmener loin du cimetière. Mais dès cinq heures du matin, tous les habitants du cimetière retrouvaient leur habitacle et le calme revenait dans la concession. Le vieux Yèdji retrouvait alors le calme souhaité et dormait enfin. Il gardait un bout d’écorce sous la langue car il se disaitt que chaque sommeil qu’il tentait pouvait l’emmener vers ses colocataires pour toujours.
C’est dans cet environnement, qu’il entendit la nuit du lendemain de la Toussaint, Simin et Sènou, deviser :
-Je ne veux plus retourner là-dedans. Dit Simin qui boudait et renfrognait la mine. Il se souvint de ses nuits d’amour avec sa Missouwa, de ses petites attentions, de leur joie de vivre. Tendrement, il la prenait dans ses bras, sentait son parfum, promenait sa bouche sur son cœur. Elle aimait lui dire tout dans les oreilles et il acquiesçait, muet et heureux. Il aimait glisser en elle, onduler dans une douce frénésie où la réalité et le rêve étaient un pour leur bonheur.
Il continuait :
-Sans ma Missouwa, je ne vis plus.
Sènou jusque-là tranquille cria :
-Ma Missouwa ! Ma Missouwa ! Tu oublies que sans ma mort, jamais elle ne t’aurait rencontré? Jamais, elle ne t’aurait regardé ? Tu cries comme une bête alors que c’est moi qui ai eu l’idée de la revoir et je t’ai proposé le corps de Baba, pour au moins lui parler.
Karim avait eu l’idée de revoir Missouwa et par sollicitude pour Simènou lui proposa leur acte. Celui-ci très heureux de retrouver la belle Missouwa sauta de joie. Ils entreprirent d’errer des nuits pour s’approprier un corps humain. Karim eut plus de chance que Simènou. Il trouva le beau corps de Fela Kuti et s’y glissa. Quant à son second Simènou, il n’eût que le corps de Baba, le gros commerçant véreux ; sordide usurier et bon viveur. Aujourd’hui, les deux compères se disputent la belle même dans la mort. Chaque fois qu’ils appelaient son nom, Missouwa pleurait de plus belle sans raison apparente et sentait le froid l’envahir. Ils en étaient conscients et Karim-Sènou dut dire à Simènou-Simin :
-N’appelle plus son nom, s’il te plait. Parlons d’elle mais n’appelle plus son nom. Nos pouvoirs ici sont autres. Tu ne l’aides pas ainsi. Au contraire, elle se sentira mal. Elle ne nous a pas tués, donc ne la hante pas.
Simènou fulminait toujours :
-Je veux retourner chez elle. J’ai bien ri de notre farce mais je ne veux plus redevenir muet. Il me faut ma… Il se ressaisit à temps car Karim le foudroyait du regard.
Il continua :
-Mais c’est injuste. Nous avons un corps maintenant. Je peux parler et tu me refuses de dire M… Huuuummm
C’était pénible pour Simènou qui passa sa vie à ne jamais dire Missouwa, à ne pouvoir le faire car elle s’en sentirait mal. Karim, agacé par l’esprit étriqué de Simènou retournait au cimetière. Le vieux Yèdji entendait tout sur ce drame qui s’était joué dans leurs vies et soupira.
Baba-Simènou prit le sens inverse et retourna dans sa famille d’emprunt. Il avait quatre femmes comme le voudrait sa religion. Il reprit ses affaires comme si de rien n’était. Ses douze enfants méconnaissaient leur père qui parlait peu ou ne parlait presque pas. Il ne touchait plus ses épouses qui roucoulaient de colère à longueur de temps. Dès qu’il avait un bout de temps, il allait épier Missouwa chaque jour. Tous les jours. Il s’ennuyait et tournait en rond. Les nuits, il errait partout et nulle part. Il ne se résolvait pas à quitter le corps de Baba et à faire comme Karim pour retrouver son repos éternel. Il voilait guetter, épier, parler, vivre, retrouver sa place auprès de sa belle Missouwa. Il se décida à faire le pas. Il partit voir Missouwa sous la même apparence de Simin que la femme lui connaissait. Il lui dit :
-Missouwa, je suis Simènou.
Missouwa très bouleversée, referma son portail…
Simènou-Simin-Baba sombra dans la démence.
Myrtille Akofa