«Maman». Un cri ? Une supplication ? Oui, c’est un peu de tout ça, de la part de Ahouéfa dans une lettre à sa mère. Une lettre dédiée à une jeunesse de plus en plus insouciante, à des parents ignorant la grande responsabilité qui leur incombe, une lettre pour notre société qui juge trop vite !
A travers ce livre de 230 pages subdivisées en 19 chapitres et édité aux Editions Plurielles, Charlemagne GBONKE, donne la parole à Ahouéfa qui nous conte son histoire. « Moi, Ahouéfa« , c’est 19 fragments de miroir de sa vie, que la jeune fille partage entre ces lignes. «C’est la confession d’une jeune fille passée de l’errance à la repentance, qui s’est assagie par l’expérience […] » page 11. Ahouéfa a 15 ans, elle est belle, intelligente, brillante, innocente et sans doute promise à un bel avenir. L’auteur par la voix d’Ahouéfa, nous projette dans la dure réalité de la Jeunesse. Il commence son oeuvre par une interpellation:’ l’importance d’une figure paternelle aux côtés de son enfant. «Je vous dis, si vous n’avez pas un père qui joue le rôle de protecteur et d’éducateur, il sera difficile pour vous de faire face aux difficultés de la vie.» (Page 16) Élevée seule par sa mère, Ahouéfa partage avec cette dernière une relation assez intime. Mais les liens de cette relation ne sera pas assez forte pour empêcher que le destin joue sa partition dans leur vie. Un battement de coeur, un regard, et Ahouéfa tombe amoureuse de Boukini, un jeune homme. Malgré le lien qu’elle partage avec sa mère, la jeune fille ne lui confie rien et se laisse consumer par sa nouvelle aventure à l’harlequin. «Avec le temps la pensée de l’amour lente et envahissante, s’insinuait en moi, enivrait peu à peu mon âme et troublait mon esprit.»( Page 35). Elle s’autorise à vivre son premier amour. «Je l’aimais évidemment […] l’amour m’entraînait, tel un aveugle à la merci de son guide. C’était […] là, que j’avais été déflorée… »(page41). Et après, vînt leur première dispute, et l’amoureux disparaît. Partagée entre l’émoi et la tristesse de cette rupture, Ahouéfa se rend compte qu’elle est enceinte. Les dés sont jetés, l’univers de la fille bascule et elle se retrouve au devant d’une scène impitoyable. De ses voisins, en passant par ses parents et la société, Ahouéfa vivra à partir de cet instant d’horribles tourments.
Charlemagne GBONKE, nous ramène les  faits quotidiens de la société à travers  son livre. N’est ce pas la véritable trame de toute histoire de jeune fille enceinte sur les bancs ? Comme Ahouéfa, elles sont jugées par leur entourage, méprisées, abandonnées à leur sort. Elles finissent par être passées au crible de la société que ce soit le voisin d’à côté :« J’avouai devant tout le monde que j’étais enceinte… Ces mots firent l’effet d’une averse glaciale sur l’assistance… Je pouvais lire de la stupeur sur le visage.» (page90) ou encore dans la société : «L’indignation des gens quand je marchais dans la rue ne me donna plus envie de sortir le jour.» (Page 135). Mais ce qui est le plus déconcertant est le comportement des parents qui n’hésitent pas à chasser leurs filles, ou les frapper ou même les laisser à leur triste sort.  Partagée par le sentiment d’avoir été trahie, la jeune fille n’a pas échappé à la règle des coups avec sa mère. «Sans un mot, elle sortit de son pagne une lanière en peau de boeuf et se mit à m’administrer des coups. J’essuyais stoïquement la grêle de coups, laissant maman défouler sa colère. J’avais le corps lacéré. Par endroits, les empreintes étaient sanglantes... ». (page 89).
Une bien triste vérité devant laquelle l’auteur laisse son lecteur.  Et pourtant, une grossesse sur les bancs n’aurait pas dû être une raison suffisante pour être abandonné ou maltraité. Loin de là, ces enfants devront compter sur l’appui inébranlable de leurs parents et leurs soutiens sans faille  afin de pouvoir traverser cette épreuve que leur impose la nature. Par la voix du père Gomez, l’auteur interpelle les parents et les appelle à un changement d’attitude. «Mais tu dois savoir que ton amour de mère doit être entier et inconditionnel. Sa vie et son avenir doivent t’importer plus que tout. » ( Page 144).
Elles ne sont pas des victimes, elles ne sont pas des coupables, elles ne sont pas seules et ne doivent pas l’être. Charlemagne GBONKE par le chapitre Thérapie du roman fait parler d’autres filles qui vivent les mêmes tourments que son héroïne et pourtant ne l’ont pas toutes cherchées. De l’histoire de Faoziath violée tour à tour par ses professeurs, passant par celle de Fina  qui a subi le même sort de son beau père, en arrivant sur celle  de Arikê prostituée malgré elle et séropositive, nous aurons tout lu sur les tragiques dessins que rencontre la jeunesse féminine.
Style simple, mots uniques, la lecture de « Moi, Ahouéfa« , vous fait traverser un déluge de sentiments: l’admiration , la peine, la tristesse, la colère, la honte, l’indignation. Elle vous fait ouvrir chaque page du roman avec un sentiment de: « qu’est-ce qui se passera »? Et vous fait murmurer bas,  » c’est tellement vrai tout ça  »!

Annette BONOU 
Rédactrice Web.