La mort, étant un sujet qui fait redresser les poils, est une réalité qui suscite la crainte chez le commun des mortels. En cela, Michel de Montaigne nous enseigne que « celui qui craint de souffrir, souffre déjà de ce qu’il craint ». Dès lors, s’exerce une démarche en vue de lever le voile sur cette réalité. C’est dans cette quête périlleuse que se lance l’écrivain Jérôme Tossavi, poète dramaturge, à travers son premier roman: « Oraisons pour un vivant ». Paru en 2019 aux Editions Savane du Continent, « Oraisons pour un vivant » nous plonge dans une technique romanesque remaquqble. En effet, l’auteur nous livre son œuvre sous deux angles : l’intrigue principale et les micros-récits. L’intrigue de l’oeuvre est le récit d’un jeune homme (dont on ne connaîtra jamais le nom) qui apprend le décès de son père par la voix de son oncle venu du village. Amagbégnon Cocou, le père du narrateur, est mort dans un accident qu’il avait fait avec sa moto, tout seul. Au dire des villageois, cela aurait été le corollaire d’une dispute que le père avait eue avec son frère Akidé sur « le bradage du domaine familial qu’avait organisé […] Akidé et d’autres instigateurs ». Vu que le père s’était opposé à ce projet, les habitants en ont déduit que l’accident était l’œuvre d’Akidé qui les avait déjà habitués à cela. Après la mort d’Amagbégnon Cocou, l’auteur nous peint d’une manière qui tutoie le sadisme la fin d’Akidé et la mort de ses complices. Le jour de l’enterrement, quelque chose d’inhabituel se passa : « Après une soixantaine de kilomètres, le corbillard tomba en panne, [..]. Le chauffeur proposa alors que l’on ressorte le cercueil pour le repositionner. C’est en faisant cela que malencontreusement, le couvercle s’ouvrit. Au moment de le recouvrir, à la stupéfaction de tous, ma mère remarqua que »… Que s’est-il passé ? Une lecture minutieuse de l’oeuvre vous le fera découvrir. Il faut le souligner, l’auteur a su tisser le fil de son oeuvre malgré les nombreux micro-récits qui s’y sont phagocytés : de l’histoire de Petit Majuscule qui ne se lavait pas en période d’harmattan à celle du Vieux retraité qui mourût d’une crise cardiaque à cause d’une pension de quarante-neuf mille deux cent cinquante-huit francs CFA non reçue, en passant par le récit du Jeune homme né à crédit.
À travers les 133 pages de l’œuvre, l’auteur nous fait voguer dans notre univers sous son angle la plus ironique. L’auteur a fait des thèmes quotidien son cheval de bataille. Sur la question de « école et châtiment corporel », l’auteur parodie Victor HUGO en disant que l’école est sanctuaire autant que le fouet. D’autres thèmes viendront s’y ajouter: le chômage, l’éducation, l’envie démesurée… La liste est bien longue. Tout porte à croire que l’auteur fait danser ses personnages comme des marionnettes et dont le marionnettiste est le destin.
La première lecture du titre de l’oeuvre vous surprendra, vu le voisinage antonymique des mots le composant; « Oraisons » et « vivant« . Mais, vous n’êtes qu’au début de votre étonnement : une poignée d’humour noir, plusieurs grammes de satire et d’ironie, une forte dose de sarcasme, un zeste de parallélisme saupoudré d’euphémisme et teinté du fantastique, le tout artistiquement mixé avec finesse et sagacité et voilà « Oraisons pour un vivant ». Ce sandwich littéraire de Jérôme Tossavi a un goût épique qui vous allèche les papilles gustatives. Amis des lettres… À votre « Oraisons pour un vivant » ! Prêt? Dégustez!
GANGNI-AHOSSOU Polycarpe
GANGNI-AHOSSOU Polycarpe est Etudiant en 2è année de Lettres Modernes à l’Ecole Normale Supérieure de Porto-Novo.