Chers amis lecteurs de notre blog, nous vous embarquons durant tout ce mois de juin de l’année 2021, pour une aventure littéraire unique. Suivez-nous.

 

Comme l’a si bien dit l’ancien président américain Barack OBAMA, « la lecture est importante ; si vous savez lire, alors le monde entier s’ouvre à vous ». Nous irons donc ensemble à la découverte de mondes nouveaux, de cultures nouvelles, d’une littérature qui ne cesse d’émerveiller tous les lecteurs, tant le talent des auteurs est immense.
Nous débutons ce parcours avec un ouvrage sans doute peu connu de tous. Il s’agit du dernier en date d’Alfoncine Nyélénga Bouya intitulé « Un saut à Poto-Poto ». Un titre qui nous laisse bien perplexe et qui suscite quand même des interrogations quand on le lit. Quelles histoires pourraient bien cacher sous cette appellation ?
L’auteur
Née à Brazzaville, capitale de la République du Congo, Alfoncine Nyélénga Bouya se présente sur la scène littéraire tout à la fois comme une nouvelliste, une romancière et une poétesse. Elle vit présentement à Bruxelles en Belgique, lieu depuis lequel elle fait voyager ses lecteurs dans les différents pays qu’elle a visité et où elle a vécu.
Ancienne fonctionnaire des Nations-Unies, Alfoncine a en effet eu la chance de beaucoup voyager durant toute sa carrière professionnelle. Grand-mère de quatre petits-enfants, elle possède à son actif trois ouvrages remarquables. « Un saut à Poto-Poto » est son troisième chef d’œuvre, après « Makandal dans mon sang » et « Le rendez-vous de Mobin-Crochu ».
Aperçu de l’ouvrage
« Un saut à Poto-Poto » est un recueil de trois nouvelles, paru le 16 février 2021 chez Bookelis. Dans ce récent ouvrage d’Alfoncine Nyélénga Bouya, les événements relatés se déroulent principalement à Poto-Poto, connu comme l’un des plus anciens quartiers populaires centraux de Brazzaville, la célèbre capitale de la République du Congo.
Le recueil commence avec « Morsure urbaine », un récit révoltant et plein d’enseignements aussi bien pour les jeunes que pour les adultes dans le milieu professionnel. Cette nouvelle raconte l’histoire de Korotumu, jeune infirmière vivant et travaillant à Pikounda dans le nord du pays. Cette dernière décide de se rendre au ministère de la Santé Publique pour obtenir une suite favorable à son dossier d’avancement, soumis depuis douze mois et resté sans réponse. Elle s’entretient alors dans ce cadre avec le DAF du ministère qui promet de satisfaire sa demande. Mais c’était sans savoir que ce dernier abuserait sexuellement d’elle en contrepartie de son aide. L’acte fut posé avec la présence complice de Flè et d’Abéndi, une des anciennes collègues de Korotumu à l’école paramédicale Jean Joseph Loukabou où elle a suivi sa formation.
Vidée de l’intérieur après l’acte qu’elle a subi, et très vénère contre le DAF, Abéndi et Flè, Koromutu exécuta un rite très ancien pour implorer la justice des dieux, avant de retrouver Imondi qui avait accepté de l’héberger dans son studio et de retourner quelques jours plus tard chez elle dans le septentrion. Comme si ses paroles avaient été entendues, le DAF a été relevé de ses fonctions quelques mois après, Flè est devenu paralysé après avoir dupé Abéndi qui elle, tentait en vain de quitter le pays pour échapper à la situation malheureuse qu’elle vivait. L’auteur dénonce par ce récit, la corruption sexuelle qui règne en maître dans les administrations, tant privées que publiques.
Après Morsure urbaine, Alfoncine Nyélénga Bouya nous conduit à travers la nouvelle « Les « Zés » de Saint-Tropez », dans une nouvelle histoire, que je trouverai personnellement étrange. Le titre n’évoque rien de précis au début. Et même pendant la lecture, il faut attendre la fin du récit pour se rendre compte du sens qu’il reflète réellement. Ici, nous sommes notamment dans le secteur Saint-Tropez de Poto-Poto où sont installés dans des rues opposées, Tâa Ngwèmbè et Tâ Manuero. Le premier vend du thé, du café et du pain, tandis que le second tient l’unique boutique du quartier. Tout était paisible dans cet endroit quand un beau matin une guerre sans raison se déclencha, tout comme si les gens étaient devenus fous ou avaient perdu la raison dans la ville.
Tâa Ngwèmbè a été l’une des premières victimes des émeutes, tué à coup de machette. Terrifié, Tâ Manuero quant à lui, prit d’abord la poudre d’escampette avant de revenir sur ses pas, interpellé par un esprit qui lui rappela qu’en tant qu’initié du « Nkwèmbali », les gens de son quartier avaient besoin de lui. De retour donc à Saint-Tropez, il se servit de ses connaissances pour sauver la vie de Tâtâ Kulufwa transpercé par une lance. Puis il offrit à Tâa Ngwèmbè une sépulture plus digne. Pendant que Tâ Manuero était en fuite, une association composée de jeunes avait été créée. Elle portait au début le nom d’Amiquafigas. Mais par la suite, les membres de ce groupe sont devenus les « Zés » du quartier Saint-Tropez, un véritable mouvement solidaire, un peuple uni, sans aucune distinction entre les origines et les traditions.
La nouvelle qui vient clôturer ce recueil s’intitule « Kôkô Matourine ». Elle porte le nom de l’acteur central des événements qui y sont relatés. Kôkô (qui signifie grand-mère) Matourine est une vieille femme sans enfants, appréciée des gens de son entourage. Nul ne sait d’où elle était réellement originaire. Elle menait un certain nombre d’activités, en l’occurrence la fabrication et la vente des mingwélés, du boganda ou lokoto.
La vie poursuivait donc son cours normal quand un dimanche matin, après avoir pris part à la messe de 5h30, Kôkô Matourine a été victime d’un AVC et est devenue paralysée. Personne ne comprenant cela, ses voisins ont considéré qu’elle avait soit trop bu ou soit qu’elle était possédée par le diable. Personne ne se préoccupa alors de son état. Abandonnée à son triste sort, elle ne put se contenter que de l’aide de la petite Mbawalé avant l’arrivée de Monsieur Pierre, cousin du village de Kôkô Matourine, puis d’Abenga sa petite amie. Cette dernière s’occupait de l’aînée à contre cœur, et reprit par ailleurs la fabrique des mingwélés et des lokotos. Leur vente connut un succès remarquable jusqu’au décès de Kôkô Matourine. Monsieur Pierre l’enterra dans une fosse commune avant de partir un matin sans jamais revenir. Abenga fit de même.
Mon point de vue 
« Un saut à Poto-Poto » est un véritable méli-mélo d’histoires  aussi bien originales qu’instructives. Dans chaque nouvelle de ce recueil, Alfoncine Nyélénga Bouya évoque plusieurs thématiques, tout en faisant revenir à chaque fois « la tradition ». Il faut donc croire que malgré son installation en Europe et ses multiples voyages à travers le monde, elle a su conserver toutes ses connaissances liées à la tradition et à la culture de son pays, qu’elle évoque toujours dans ces ouvrages. Ces dernières doivent demeurer en effet le socle de l’Afrique, car c’est là que se trouve toute notre force.
Même si le sens de certaines des histoires peut paraître difficile à cerner après une simple lecture, toutes ces nouvelles sont pleines d’enseignements pour les africains en général. Elles nous font prendre conscience de la nécessité de préserver nos traditions et nos valeurs africaines. D’ailleurs l’auteur finit son ouvrage par cette phrase « Les usages d’autrefois avaient bien déserté notre monde en perpétuel changement ». Cela nous interpelle et nous met tous face à nos responsabilités. Certaines pratiques doivent être conservées comme le respect, la solidarité, la sollicitude, etc.
Par ailleurs, notons que les nouvelles sont écrites dans un très bon style, simple et facile à comprendre. « Un saut à Poto-Poto » est un livre qu’on se plait absolument à lire. Alfoncine Nyélénga Bouya est une auteure exceptionnelle qui sait vous tenir en haleine dès les premières lignes de ses textes. Je vous invite donc vivement à découvrir cet ouvrage remarquable.

KOUAGOU Capel Tibokoussakou