S’il y a un mot, une idée, une notion, une réalité que les plus grands penseurs ne sont jamais parvenus à définir de manière exacte et intrinsèque, c’est évidemment l’‘’Amour’’. Chacun y va de sa verve, mais tous ne finissent simplement que par l’approcher, en dessiner les contours sans jamais pouvoir en exprimer l’essence. Mais Saint Jean a une phrase lumineuse qui résume tout: « Dieu est Amour » (1 Jn, 4, 16). Dans ce sillage, se place Rodolphe Noudéhouénou HOUNKPE qui, loin de se lancer dans cette lutte perdue d’avance de définir l’essentiel de toute vie, l’Amour, le contemple plutôt, comme sortie de la caverne, et conclut, rassuré et vaincu: « Seul l’Amour suffit« . C’est le titre de son premier ouvrage paru aux Editions Ruisseaux d’Afrique, à Cotonou en 2009 (Collection Lianes).C’est un recueil de poèmes de six chapitres. Le premier chapitre comporte neuf (09) poèmes. L’auteur, dans ce chapitre, met en exergue les hésitations et les doutes que causent en lui l’amour et l’appel du Seigneur, puisque l’Amour est avant tout une vocation, ainsi que le clame Sainte Thérèse de Lisieux: « Ma vocation, c’est l’amour. »
L’Amour est une vocation qui se reçoit avec joie. C’est ce que traduit l’auteur dans le deuxième chapitre de ce recueil. Ce chapitre composé de 09 poèmes est une belle ode à l’Amour tant cherché et finalement trouvé par le Poète. L’Amour de Dieu, un Amour qui’’ n’a son pareil nulle part ailleurs’’, p.41. L’auteur dans ce chapitre célèbre l’Amour, la Vierge Marie et demande l’assistance de l’Esprit-Saint, le paraclet. Dans le chapitre 3, renfermant également treize poèmes, l’auteur s’indigne contre les actions insidieuses de l’homme qui tordent le cou à notre monde. Il porte un regard philosophique sur le cœur de l’homme, et dans son angoisse, une seule réponse s’offre à lui:
« c’est que le cœur de l’homme est un marécage
Rempli de déchets existants depuis des âges.
Il présente une surface calme et limpide ;
Quand tu t’y aventures, c’est ton suicide
Reste donc loin pour admirer les lotus blancs
Ces vanités recouvrant le long de ces flancs ».
Devant les animosités dont font montre au quotidien les hommes, le poète, le cœur tout confiant, implore la Miséricorde de Dieu dans le chapitre 4 qui regroupe 14 poèmes.
C’est une belle odelette à travers laquelle l’auteur implore la miséricorde divine et le regard magnanime du Maître divin sur ce monde en pleine mutation mais qui, en vérité, se meurt. Dans le chapitre 5, qui comporte 16 poèmes, le poète se fait contemplatif et reconnaissant devant les merveilles de Dieu. Il chante la nature et l’homme. Le dernier chapitre en est la preuve. On voit le poète bénit le ciel pour tous ceux qu’il a rencontrés sur son chemin et qui l’ont édifié d’une manière ou d’une autre. Notamment le futur Evêque de Porto-Novo, Mgr Aristide GONSALLO, qui jadis fut son professeur de Français au Séminaire de Parakou.
« Vous avez déposé en moi le précieux germe
De la versification qui a mis un terme
A mon existence naguère monotone » (Page 180).
Avec un style simple et fluide, usant parfois de vers libres, mais où se côtoient l’alexandrin et le quatrain tendant la main à quelques sonnets bien assaisonnés, le poète, dans chaque poème, peint l’Amour, le vrai, le divin, cet Amour que personne ne sait mieux donner que le Père Céleste. Affirmer que ‘’Seul l‘Amour suffit’’, c’est oser par le même fait décréter la finitude, la vanité et même la vacuité de tout. Tout passera, mais l’Amour demeurera éternel. C’est une belle revanche sur l’angoisse et la peur de l’avenir qui étreint plein de jeune et leur donne le tournis. Le poète a une pensée claire comme l’eau de la roche: le plus important, c’est l’Amour. Et ce qu’il dit est d’autant plus vrai que quand on pose un regard humain sur notre monde, l’on se rend compte qu’il y aurait moins de guerres, moins de conflits, moins d’agitations et de tensions si les différentes nations et les divers peuples savaient donner à l’Amour sa vraie place. A la vérité, là où règne l’amour, de là fuit la haine, la vengeance, la peur et le rejet de l’autre. Ce qui sauvera le monde, ce ne sera pas les puits de pétrole, les lingots d’or, l’argent et les autres formes de richesse, mais l’amour qui redonne à l’homme son identité originelle d' »Etre né de l’Amour « . On le sait, la trajectoire de notre vie, si elle répond à la vocation de l’amour, que nous soyons vodouisants ou mahométans, chrétiens ou bouddhistes, nous conduit inéluctablement à la vraie connaissance, la plus noble des connaissances: celle qui mène l’homme vers l’homme, comme le suggère Seydou Badian dans « Sous l’orage ». Une seule conviction vous reste quand vous sortez de ce livre: « Seul l’Amour suffit« .
Ricardo AKPO est étudiant en troisième année Histoire et Géographie à Ecole Normale Supérieure de Porto-Novo